La société admet de mieux en mieux l’idée de voir deux personnes de même sexe lier leur vie, c’est du moins ce qu’il ressort ces dernières années à travers les sondages effectués régulièrement auprès de la population hétéro sur cette question. Ces sondages font donc apparaître une nette évolution positive sur la question de l’acceptation de l’homosexualité.
Sur ce, certains proposent des actions ou des « démonstrations » (dans le sens : action de montrer concrètement au public en quoi cela consiste) visant à sortir l’amour gay et lesbien de l’ombre ou de la pénombre et à lutter contre l'homophobie afin de le rendre encore plus visible au sein de la société, d’où les « Kiss-in » actuels cherchant à titiller les homophobes...
En fait, il semble s’agir de mini concentré de gay-pride à saupoudrer durant l’année, puisque la gay-pride n’arrive qu’une seule fois au début de l’été. Ainsi, les organisateurs de « Kiss-in », si j’ai bien compris leur démarche, revendiquent ouvertement et régulièrement une « gay way of life » par un acte de visibilité qui regroupe tous les sympathisants notamment via le Net, qu'ils se connaissent ou non, en dehors de toute autre forme de revendication liée à une association ou un courant politique ou syndical.
Les manifestations de « Kiss-in » cependant n’apparaissent pas comme porteuses de revendications structurées autres que celle d’une présence ou témoignage physique et d’un acte qui se suffirait à lui-même ! Et encore une foi, il s’agit d’une importation américaine, puisque le « kiss-in » a été inventé dans la communauté gay US des années 80 !
Ces « actions » viennent enfoncer des portes déjà ouvertes car on ne risque plus rien dans nos sociétés occidentales à part irriter de vieilles mamies papophiles et de très vieux papys nostalgiques des "Croix-de-feu" et des années Pétain…est-ce donc bien utile?
Certes l'homophobie est encore présente, et de nombreuses violences sont toujours à déplorer, mais les lois aujourd'hui sont de notre côté même si elles n'ouvrent pas encore toutes les portes. Alors, est-ce nécessaire de montrer et de mettre en scène un acte qui est au départ un acte personnel engageant deux personnes dans le domaine de leur vie privée ? Qu’est ce que les homosexuels peuvent y gagner de plus ? Ne va-t-on pas les accuser encore d’exhibitionnisme ?
A ceux donc qui prennent du temps pour venir s’embrasser longuement en public (et non plus assis sur un banc public comme leurs grands frères hétéros), j’aimerai dire : « Mobilisez-vous plutôt pour combattre les pays homophobes encore fort nombreux sur la planète et les pays qui pratiquent la peine de mort contre les gays ou lesbiennes ; venez manifester !!! ». Le récent livre témoignages de Philippe Castetbon, "Les condamnés", en est un bon exemple !!!
Excusez ma franchise, mais le kiss-in m’apparaît comme un acte mièvre, partagé entre ceux qui aiment se donner de petites émotions même pas fortes et l’on reste dans son monde de gentils bisounours !
En plus, nulle volonté de dépasser tous les clivages (âge, physique, apparence etc.) pour arriver à une harmonie entre tous les individus, un peu à la façon de « Short-Bus » si vous avez vu le film et notamment la scène ci-après extraite où figure beaucoup d'émotions, de compréhension et de partage,
Le second effet immédiat du kiss-in est d’opposer et de retrancher ceux qui ne trouvent pas "de compagnon de baiser" et restent seuls en pauvres spectateurs frustrés ou parce qu'ils ont encore un peu de pudeur quel que soit leur âge.
Petite remarque au passage, cela peut reproduire aussi, même inconsciemment, mais au grand jour, ce qui se passe à l’intérieur du ghetto gay, c'est-à-dire qu’on s’amuse entre un petit groupe qui se reconnait à ses codes et ses caractères physiques et on marginalise les autres, tous les autres de la majorité silencieuse gay et lesbienne qui ne correspondent pas aux critères en vogue !
Qui parle aujourd’hui du douloureux problème de la solitude dans notre soi-disant "paradis gay et lesbien" face à un nombre de plus en plus important de businessman de tous horizons qui "commercialisent" et "tarifient" tout ?
Dans ce contexte, le monde gay me semble plonger comme la banquise des pôles et se fragmenter à l’infini, chacun restant sur sa « miette de territoire » où ne se mélangent que les types physiques, attitudes et pratiques sexuelles d’un petit groupe !
Ainsi, après le « coming out », et plus rudement le « outing », voici le « out » tout court : « out » les vieux, « out » les gros, « out » ceux qui ne correspondent pas aux canons gays, « out » les intellos qui empêchent de danser en rond, « out » les non tatoués, « out » les non musclés etc. etc. etc.
Dans ce contexte le "kiss-in" est un emplâtre sur une jambe de bois autant pour la visibilité vis à vis de la société que pour le monde gay lui-même...
Ce qui me paraît révolutionnaire aujourd’hui c’est tout sauf un baiser, c’est en fait ce qui pourrait remailler une communauté qui s’effiloche et tout ce qui pourrait donner à espérer et partager entre amitié, complicité et solidarité !
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