Impressions


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Fin d’après-midi à Nice










Une imperceptible et diffuse gaze tombait de l’horizon des collines sur le front des immeubles, à l’Est de Nice, rendant l’azur plus flou et presque irréel. La Vague murmurait une rengaine de vague et semblait se terminer en exhalaison douce vers l’intérieur de la ville. Le temps prenait la consistance de la lumière, pénétrant toute chose d’un sentiment d’éternité.


Souvenir


Ma mère m’emmenait parfois sur le bassin aux trois grâces du jardin Albert Ier à Nice. J’avais comme jouet un voilier de bois et une petite perche pour le guider sur les eaux, mais il arrivait qu’à travers les minis courants induits par l’eau qui tombait de la vasque centrale, le voilier se laissait entraîner goguenard loin du bord par ces tourbillons versatiles et leurs caresses. Surgissait alors, moyennant une petite pièce, un jeune garçon dénudé, les cheveux mouillés, qui n’hésitait pas à enjamber le bord et à traverser le froid liquide pour sauver le voilier et le remettre dans son sillon. La peau de ce jeune garçon était d’un bronze intense et ses yeux noirs, s’il m’en souvent bien. Peut-être gitan ou pauvre fils des rues, à la recherche d’un gagne pain accessible à ses capacités. J’avais l’air si gauche de mon côté et si empesé dans mes habits hermétiques, sans doute joufflu et rose, un peu attardé et idiot devant les volontés d’indépendance de mon voilier ! Il avait quelques années de plus que moi mais il était déjà maître de son corps très mince, de sa vie, de sa subsistance sans doute, du moins en partie, et il parlait déjà d’égal à égal avec les adultes. Ma mère me tenait par la main de peur que je tombe dans le bassin, poupée emmitouflée, replète, à l’esprit de cire vierge, qui allait mettre tant d’années à sortir de sa chrysalide !

Negresco

Négresco, nom magique, rêve de pierre qui ressemble à une meringue blanche couverte délicatement de pétales rose-thé et d’un mamelon façon Belle Otero. Quand je passe devant lui en  me promenant, je constate toujours la même nonchalance d’autres piétons qui le regardent avec envie, parfois des adultes enlacés, ou mélancoliques comme moi. J’y croise souvent des regards bleus intenses, presque adolescents, de filles et de garçons qui s’amusent et remontent de la plage. Ils me rappellent ces regards de portrait dont la signature n’est plus connue aujourd'hui, cependant si expressifs et si déroutants par leur présence étrange à jamais plongés, tel un mirorir, au fond du regard de leur spectateur. On en voit beaucoup de ces portraits au Musée Chéret à quelques pas de là : faune-humanité, sous un autre habillage, déambulant toujours et vivant à l’infini leurs mêmes passions, comme en 1913 quand on inaugura le Negresco !

Opéra de Monaco


Huit statues de garçons, pareils aux éphèbes photographiés par Von Gloeden, mais certainement plus sages, se tiennent, dos contre dos, aux quatre coins des corniches de cette salle en carré ; on imagine qu’un satyre a du les titiller dans les jardins attenants pour qu’ils soient si haut désormais et si indifférents à nos passages ! Un peu plus vers le milieu, des allégories de la musique, tenant des palmes, semblent prêtes à plonger au cœur de cette boîte à musique fardée de feuilles d’or et à gifler les spectateurs endormis ou trop bavards. Quand les premières notes résonnent, on dissimule rapidement les fenêtres et les miroirs. Sans doute a-t-on peur que durant la longue représentation le regard ne s’y perde attiré par une réflexion intense et par un horizon de mer mêlé d’ombres et de brume. La première fois, j’ai eu du mal à croire qu’on puisse donner en ces lieux un opéra entier, vu les dimensions de cette salle qui appelleraient plutôt à la confidentialité d’une musique de chambre. C’est une vraie chapelle dédiée à la muse Erato, mais en pâtisserie bourgeoise, digne d’une époque où l’on surchargeait les intérieurs, les murs, les façades, les toits, les costumes et les plats de mille dorures et d’exubérantes décorations ! Il en allait de même pour les convenances, le bon esprit, l’éducation et le savoir vivre.

Le baou de St Jeannet

C’est un curieux genou de pierre qui domine de loin la côte d’azur sur un grand matelas de verdure et d’éclats de roches saillant ça et là. De quel vestige de statue est-il aujourd’hui le témoin ? On imagine une ère de Titans sur cet espace qui ressemble aux premières racines vigoureuses des Alpes et qui tombe par endroit en montagnes rondes et molles, plus loin en falaises coupantes et ici en masse de pierres brutes. Il est étonnant de ne pas y trouver de vestiges romains car il y avait là une opportunité et une place de choix pour illustrer une victoire, une domination ou y célébrer un séduisant dieu protecteur. Auguste préféra la Turbie, sans doute parce que la seule route de l’époque se tenait près de la côte. J’imagine qu’on pourrait y célébrer un culte dyonysiaque et solaire puisque rien ne le cache de l’aube au couchant et qu’on y éprouve le besoin profond de danser, d’invoquer le monde, seul sur cette nudité de pierre.


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