«Progresser, c’est réaliser des utopies», Oscar Wilde, L’âme humaine sous le socialisme.
Il n’a fallu à priori qu’une poignée de politicards tordus et malsains pour faire gober le Brexit aux Anglais, sans doute pourrait-on trouver très facilement les dix premiers responsables de ce mauvais polar, même si les racines du mal révéleraient bien plus de sbires.
Nous sommes entrés dans l’ère de l’absurdité, du reniement, de la posture, du discours creux alimenté par deux gouffres béants celui de l’inculture et celui de la manipulation par les fake-news. Hier ces manigances touchaient des pays totalitaires, cela faisait peur mais prêtait à sourire, car on se doutait bien que ces pays s’effondreraient un jour ou l’autre, aujourd’hui cela touche directement l’Occident et des pays qu’on n’aurait pas pu soupçonner de sombrer dans le populisme le plus crasse.
Si les États ont souvent montré peu de volonté à appliquer les traités qu’ils avaient eux-mêmes signés, les réseaux sociaux leur offrent l’opportunité de faire adhérer un nombre impressionnant de citoyens qui se laissent engluer dans les manipulations d’informations, les propagandes, et les mensonges et ce d’autant plus qu’ils simplifient à outrance les problèmes et trouvent une tête de turc, institution ou États, pour alimenter la vieille machine xénophobe. C’est sans doute avant même le réchauffement climatique le premier fléau terrestre, et les réseaux sociaux sont un boulet que les démocraties se sont mises aux pieds les empêchant de répondre aux vrais problèmes du XXI°s, et les perdant en chimères et convulsions stériles…
Pour le Brexit, historiquement, l’Angleterre semble avoir commis deux erreurs majeures: celle d’abord d’avoir voulu rejoindre l’Europe (quand elle souffrait déjà depuis des siècles d’un syndrome d’insularité aigu) sans avoir voulu comprendre la philosophie de ce projet commun, car le mercantilisme a ses limites…Puis en second lieu celle d’avoir voulu en partir pour les mêmes et stériles raisons mercantiles qui l’ont initialement poussée à y rentrer, en y rajoutant en plus une mauvaise foi stupéfiante.
Le projet européen était d'abord dans les années cinquante un projet humaniste et démocratique, en concurrence sans doute avec les objectifs du bloc communiste qui en était son négatif, et qui devait servir à réparer les cicatrices profondes de la Seconde Guerre mondiale. Cette «philosophie», renvoyée dans les limbes ou les coulisses de l’Histoire, a cédé le pas aux opportunistes de la finance et des marchés où l’on ne voit pas plus loin que la consommation immédiate, et c’était déjà une erreur que d’abandonner l’esprit et l'âme de ce projet européen comme si la guerre, les destructions, les souffrances, les idéologies mortifères n’avaient jamais existé. Cette erreur majeure tous les pays de l’Union Européenne la portent.
« Le projet d’«union des hommes» que constitue l’Union européenne participe de l’expression d’une philosophie humaniste renouvelée au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Cette philosophie est largement oubliée à compter de la fin des années 1970, perdue, emportée par l’évolution technique et économique, la spécialisation des savoirs, le manque de recul historique des élites nées après guerre et l’ignorance juridique du profane.»
In : La philosophie humaniste de l'Union européenne, Frédéric Allemandu, dans Cahiers philosophiques 2014/2 (n° 137)
Je suis triste, moi qui me sens profondément français et européen, de voir aujourd’hui des pays que j’aime se fermer, car la culture, la mienne, est totalement occidentale, chaque pays s’étant nourri des artistes des pays voisins et ce brassage a perduré durant des siècles pour vraiment s’amplifier à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Que deviendra demain, avec les boulets des taxes, des frontières et d’une forme de totalitarisme économique à courte vue, notre ciel d’étoiles qui couvrait l’Europe?
Au sortir des deux guerres mondiales, des hommes politiques très éclairés, ont voulu réglementer la vie des États de ce monde en proposant d’abord la SDN puis L’ONU. Cette organisation mondiale et tous les organismes afférents, notamment financiers, ont permis une relative stabilité de cette planète bouillonnante dont l'histoire des guerres se perd dans la nuit des temps. Toutefois, comme tout finit par s’user, se distendre et lâcher, on constate depuis quelques années, avec des hommes politiques venant de nulle part, et sans culture démocratique, que tout l’édifice des droits internationaux vacille à nouveau.
Ce qui se passe autour du Brexit n’est pas qu’un phénomène isolé, cela fait des années que l’on se moque des paroles données et des accords conclus ! On dénonce ainsi des accords pris par d’autres prédécesseurs, comme l’accord de Paris sur le réchauffement climatique, on ridiculise la parole d’un État en cassant des traités commerciaux, on renégocie, en usant de procédés peu recommandables, des accords trilatéraux en Amérique du Nord, et si cela ne suffit pas on en rajoute encore par des chantages basés sur de nouvelles taxes. Et en cerise sur le gâteau on construit des murs pour signifier qu’il y a des hommes et des femmes porteurs de tous les maux et indignes de fouler le sol américain…
Toutes ces constructions intellectuelles et politico-économiques, qui servaient à réguler des États, des échanges, des blocs d’objectifs communs, volent petit à petit en éclat sous la poussée d’aventuriers politiques qui ressemblent plus à des roitelets du Moyen-Âge, cupides et félons, qu’au profil idéal d’un homme du XXI°s.
Ceci semble avoir donné aussi de bien mauvaises idées à certains pays au coeur de notre vieille Europe, au sens géographique du terme, où l’Angleterre, bien mal inspirée, se comporte désormais avec la même légèreté que ce pays au-delà de l’Atlantique qui n’en sort pas de ses contorsions raciales, sectaires, homophobes et où la violence habille chaque citoyen d’une couronne de balles et d’un sceptre en flingue, ce qui n’est plus tout à fait l’image de la Statue de la Liberté. On voit également ce que cela donne par ricochet dans les pays qui ont le point commun de la caricature politique comme le Brésil ou la Turquie.
Faut-il rajouter, qu’à côté du non respect des traités internationaux vient s’ajouter la remise en question de certaines lois dans de nombreux pays, et pas des moindres, notamment autour de la question de l’IVG et des moyens de contraception, sans parler des questions LGBT. Le champ des libertés devient ainsi une peau de chagrin, et le respect des libertés de chacun un accessoire que l’on piétine face aux lobbies religieux d’arrière garde. Ces revirements, ces régressions, ces reniements empêchent toute forme d’évolution de nos sociétés face aux populistes qui veulent figer nos moeurs et nos échanges à leur propres intérêts et à leurs lamentables obsessions.
La voyoucratie c’est n’avoir ni parole ni fiabilité, et chercher des objectifs hors du bien commun. Quand l’argent mène la danse, quand l’opportunisme devient un moyen de négociation, c’est en fait toutes les relations économiques qui en pâtissent et la Paix qui en payera un jour ou l’autre le prix fort. Et le monde retourne dans ces eaux troubles…
Cette intoxication de la démocratie accompagnée des spores de la discorde, de la violence, de la bêtise, de l’ahurissement et de la régression via les réseaux sociaux, se répand maintenant partout.
On file tête baissée vers un monde où les accords, les traités, les conventions ne seraient que des chiffons pour un usage de quelques jours afin d’alimenter les réseaux sociaux; la vieille presse écrite, semble s’effacer car plus à la mode, en plus parler de presse signifierait déjà qu’on puisse savoir lire, réfléchir, choisir et se faire une opinion. Or, ici, il s’agit d’un tout-prêt-à-penser, pour quelques heures, animé d’un flot d’émoticônes qui rabaissent l’intelligence humaine à de dérisoires embryons d’émotion. L’humanité tient dans un bocal de poisson rouge.
Il y a de quoi être inquiet à constater cette déliquescence du monde, à assister impuissant à un naufrage, certes partiel, d’un projet européen qui a tant de mal à se retrouver une substance et une prise de conscience commune.
Bien avant toute forme de traités, il existait déjà des liens supranationaux, comme on découvre des courants profonds à des océans qui semblent à jamais immobiles dans le temps. Ces courants étaient ceux de la culture! Poésie, philosophie, sculpture, architecture, science, peinture, musique, et autres forces artistiques ont survécu à des siècles d’inepties politiques, de folies meurtrières, de xénophobies, d’aliénations religieuses, et ces courants là ont réussi à essaimer malgré tout leurs graines de progrès et d’humanisme.
Désormais, on risque un sacré coup d’arrêt à ce chemin commun des peuples qui pouvaient se retrouver autour d’une même culture; c’est un retour en arrière tragique!
Cela demandera de nouveau beaucoup de temps pour ensemencer ce champ des fleurs du savoir et de la création et du rapprochement des peuples, sans parler de ce travail commun, si urgent à mette en oeuvre, pour lutter contre nos propres bêtises face à nos environnements et face à ces Himalayas d’ignorance. Car l’Économie bête et méchante, celle qui a des oeillères et qui est tournée sur le nombril national, connait une force et une popularité immédiates que n’a pas la Culture qui gagne elle sur la durée.
Oui «Dix Petits Cons et plus», à la surface du globe, essayent de tuer nos rêves…il faut de toutes nos forces les en empêcher…
Jean-Louis Garac
Notes
https://www.cairn.info/revue-cahiers-philosophiques1-2014-2-page-15.htm#
https://www.cairn.info/revue-pouvoirs-2004-2-page-15.htm#
https://www.livredepoche.com/livre/la-civilisation-du-poisson-rouge-9782253101253
https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Trait%C3%A9_(droit_international_public)
L’article date de fin 2017 mais il n’y a pas eu à ma connaissance de grands changements sur ce sujet : https://www.huffingtonpost.fr/2017/12/05/ivg-et-contraception-le-droit-des-femmes-regresse-selon-le-conseil-de-leurope_a_23297273/