Matisse le maître de la joie !


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Citations de Matisse :


" Je sens par la couleur, c'est donc par elle que ma toile sera toujours organisée. "


"La couleur surtout et peut-être plus encore que le dessin est une libération."




Matisse est le peintre de la libération, celui qui ne fait plus cas des détails, de la réalité des corps et de la nature, mais qui en reformule toute l'essence et la spiritualité dans ses tableaux. L'art africain, comme la peinture de son mentor Cézanne, ont sans nul doute fécondé son inspiration créatrice qui pendant près de 64 ans s'est exprimée : de 1890 (il a 21 ans lorsqu'il peint son premier tableau) jusqu'en 1954 où il décède à Nice, sa ville d'adoption.

Matisse


A travers différentes approches et techniques, il a tout au long de sa carrière célébré la douceur, la richesse de la création, l'explosion des couleurs de vie, l'élévation spirituelle en allant vers une sorte de dépouillement du dessin et du tableau mais jamais au détriment de la joie et d'une profonde et malicieuse sérénité.



En cela il s'éloigne de son ami et rival Picasso ; ils ont en effet entretenu tous les deux un dialogue intense et fructueux au fil des années, mais bien opposé dans le fond, comme en témoigne l'étude comparée de leurs œuvres à travers les échos et réponses qu'ils s'adressaient dans leurs créations respectives et dans les thématiques partagées.





Certains tableaux de Matisse, et c'est une chose rare à souligner, sont devenus universellement célèbres, je pense au Nu Bleu, aux vues de la baie des anges peintes depuis son appartement niçois, et à ses derniers découpages.


Mais un tableau plus que tout autre peut-être résume le fauve Matisse. Il s'agit du tableau de La Danse, qui appartiendra au grand collectionneur Chtchoukine (1909), car il possède la même puissance dionysiaque que l'œuvre symphonique de Stravinski "Le sacre du printemps", plus douce en revanche sera l'œuvre en triptyque sur ce meme thème qui rejoindra la fondation Barnes à Philadelphie (1933).





Dans une période contemporaine si grise, si crispée sur tant de sujets sociétaux et économiques, retrouver un parfum de liberté, un don total d'amour, une ivresse originelle est une absolue nécessité. Les corps bleus, les fleurs découpées, la danse et les paradis perdus, les paysages si doux, les dessins tout en grâce et sensualité, nous révèlent un monde dans lequel nous aurions tout à gagner en y apportant à notre tour couleur, générosité et humilité devant l'universel qui nous dépasse. 


La meilleure façon de parler de Matisse, c'est sans doute de laisser parler notre cœur, et c'est ce que j'ai voulu faire à travers de courts poèmes, comme des flashs ou des haïkus... Réfléchir, c'est se découvrir dans le miroir des images, c'est aussi essayer de trouver des mots qui accompagnent les formes et les couleurs, c'est interpréter à travers sa propre sensibilité le charme qui retient notre attention, c'est participer à sa façon à la création d'un peintre exceptionnel !


 
POEMES JEAN LOUIS GARAC
 

Et puis le bleu devient visage
Aux courbes de tes bras, passant
Comme un horizon palpitant

De douceurs et de désirs sages...

 
 
Fleurs, empreintes d'océans,
Ou pas du rêve à la neige
De Lancelot ? Juste temps
Ou surgit le florilège

Des Paradis innocents...



Les couleurs en feu follet
Dansent d'un tourbillon ivre;
Jaune, rouge et bleu ballet
D'amour qu'un rêve va suivre...

 
Ébauche de porcelaine, éclat
D'un Orient au plus profond des toiles;
Tes sensuelles couleurs sont là,
Souriantes comme les sept voiles...





Cinq petits faunes rayonnent !
Tourbillon de danse, au bleu
D'une terre vierge, et feu
Des corps nus que tout pardonne...


 
Là, au pépiement des couleurs,
Tout l'espace résonne et vibre,

La profondeur se sent si libre

Que la feuille toile est Bonheur !





Les souvenirs on les découpe !
Nature, objet, tableau ! Loupe
Des sentiments d'abandon :
Sofa, fenêtre, salon...


 
Les palmiers chevelures
Ont caressé le bleu

Des lèvres d'horizon...

Le soleil d'un murmure

A décliné par jeu

Rêves et floraisons...





C'est une caresse au bout des doigts...
Qu'il soit de dessin ou bien de gouache,
Tout renait d'arabesques qui ploient
De cent variations et nous attachent...


 JLG juin 2013

Notes :



Expositions marquantes :
En 2002/2003 "Matisse Picasso" au Grand Palais à Paris
En 2011/2012 "Matisse Cézanne Picasso" au Grand Palais à Paris
Été 2013 les exposions Matisse à Nice:
Les 8 expositions Matisse à Nice pour l'été 2013:
Au Musée Matisse, “Matisse. La musique à l’oeuvre”
Au Musée d’Archéologie, site de Cimiez, “À propos de piscines”
Au Théâtre de la Photographie et de l’Image (TPI), “Femmes, muses et modèles (Rencontres entre la collection Amedeo M. Turello et l’oeuvre de Matisse)”
Au Musée d’Art Moderne et d’Art Contemporain (MAMAC), “Bonjour Monsieur Matisse !”
Au Palais Lascaris, “Matisse. Les années Jazz”
À la Galerie des Ponchettes, “Matisse à l’affiche”
Au Musée Masséna, “Palmiers, palmes et palmettes”
Au Musée des Beaux-Arts Jules-Chéret, “Gustave Moreau, maître de Matisse”



Cité dans ce billet


"Magnifica presenza" de Ferzan Ozpetek ou le jeu de miroir des fantômes...


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Les films de fantôme ne sont pas si courants, enfin les plus réussis, ceux qui marquent leur public, sinon la liste est longue d'environ une centaine de films qui touchent de près ou de loin au phénomène des revenants et des spectres, mais cela ressemble en fait à un filon mal exploité par le cinéma. Je retiendrai pour ma part trois films qui m'ont profondément marqué.
Affiche du film de Claude Autant-Lara "Sylvie et le fantôme"
 
Le premier film qui m'a bouleversé par sa poésie et sa délicatesse, une de mes premières découvertes cinématographiques faites à la télévision lorsque j'étais enfant, est "Sylvie et le fantôme" de Claude Autant-Lara, le deuxième coup de coeur, par la force des sentiments qu'il dégageait, est le film "Ghost" de J Zucker avec son mélange d'humour, de drame et d'amour transcendé, enfin le troisième film que je retiens pour sa beauté musicale est "Le fantôme de l'opéra" d'après l'œuvre de Lloyd-Webber, et puis j'avoue pas grand chose d'autre, sauf peut être "L'aventure de Madame Muir" de Mankiewiecz.
affiche du film "Ghost"
Ferzan Ozpetek à réalisé nombre de films attachants comme "Hamman", "Tableau de famille", "Le premier qui l'a dit", et d'autres films qui ne sont pas sortis en France mais qu'on peut trouver en coffret-DVD et en italien sur le net. Reste que l'addition du surnaturel dans un film demande beaucoup de savoir faire et une histoire bien structurée t argumentée sinon la magie ne s'opère pas...
affiche du film "Tableau de famille"
La maison de Monteverde, quartier de Rome connu pour ses belles demeures, est la maison hantée du film de Ferzan Ozpetek, "Magnifica Presenza". Avec un titre pareil, c'est à dire "présence magnifique", on aurait pu s'attendre à quelque chose de plus puissant et de plus porteur. Mais dans sa dernière œuvre Ozpetek préfère utiliser de petites ficelles qui malheureusement cassent vite. Cela se ressent tout d'abord avec la construction de son premier personnage, celui de Pietro. En fait, son portrait est brossé de façon très légère, on sait qu'il aime cette maison qu'il veut habiter et embellir, mais on ne connait les penchants homosexuels de Pietro que par deux scènes: la première est un clash avec un homme que Pietro a idéalisé au point de ne pas se rendre compte qu'il l'a dégoûté de lui et étouffé au bout de trois ans de textos, emails et appels pleurnichards ! La seconde scène par quelques regards avec un voisin certes charmant mais dont le personnage reste lui aussi esquissé dans le film. Et puis plus rien de ce coté là... Sauf qu'il souhaite devenir acteur et qu'il en rêve en préparant comme pâtissier ses viennoiseries ! Certes on pourra toujours dire que c'est là un idéaliste et que le rêve empiète trop profondément dans sa réalité, mais on a l'impression qu'il manque quelques scènes pour terminer son ébauche.
image du film "Magnifica Presenza"...les fantômes...
Sa cousine, aux traits presque almodovariens, apporte en revanche gaieté et humour, et puis il y a les huit fantômes de sa maison romaine... Huit fantômes, qui sont d'anciens comédiens morts durant la seconde guerre mondiale, période où la mort était tout sauf mystérieuse, qui ne savent plus trop où ils sont et qui doivent connaitre une "vérité", la leur, concernant l'origine de leur disparition et de leur retour perpétuel et fantomatique dans cette maison où ils ont connu à priori leurs derniers instants de vie.
image du film "Sylvie et le fantôme"
La trahison, grand ressort dramatique s'il en est, est l'origine de la quête perpétuelle de ces huit fantômes, mais ils ne le savent pas jusqu'à la fin. On peut regretter l'absence de dialogues plus étoffés, et souligner qu'ils manquent sérieusement de malice et d'intérêt, en fait ils ressemblent à des clowns tristes. Certes je mets à part le personnage du fantôme de l'écrivain qui porte à son hôte un intérêt très charnel et nous conduit à penser que l'amour n'a ni âge ni temps...En résumé huit fantômes qu'on serait tenté de dire en quête de scénario et de consistance, n'est pas Pirandello qui veut.. Car ce ne sont pas les fantômes qui sont flous et diaphanes ici, ce sont les personnages du film...
image du film "Ghost"
Les fantômes ne sont pas les fantômes et les vivants sont peut être déjà morts comme la vieille actrice, chargée si négativement, qui apparaît en conclusion telles les mauvaises reines des fables de jadis. Malheureusement pour eux les fantômes se sont cristallisés dessus, s'inquiétant de ce qu'elle devenait, plombant leur vie spirituelle, et oubliant leur propre route du paradis ! Un peu comme notre Pietro qui avait cristallisé sur son Massimo, et dont je parlais tout à l'heure. Décidément les italiens depuis Pétrarque et Dante connaissent les mêmes maux et fascinations...
affiche du film "Le fantôme de l'opéra"
Mais tout le long du film on a du mal à comprendre où veut nous mener l'auteur, et en quoi consiste le mystère de la mort de ces comédiens fantômes; l'explication qu'on nous sert à la fin du film me laisse un peu sur ma faim. Surtout, la rencontre entre Pietro et les fantômes n’entraîne pas de grands bouleversements dans sa vie ou sa compréhension du monde, elle se résumera en quelques indications gestuelles et désuètes qui le marginaliseront encore un peu plus.
L’intérêt de "Magnifica Presenza" réside peut-être dans une poésie légère qui baigne Pietro, et qui enveloppe ses rêves, ses attitudes, comme lorsqu'il prépare ses petits croissants faits avec amour et qu'il parle fougueusement de ses aspirations ! Poésie qui vibre dans sa volonté à devenir acteur, ses attentions d'un autre âge pour des personnes qui ne sont guère sensibles ni capables de s'investir dans le temps, et ne comprennent plus justement ce "temps" comme on le comprenait il y a un siècle lorsqu'il était encore abondant et fécondant.
tableau de Francis Bacon
Plus que l'histoire de fantômes, c'est le conte d'un garçon sensible, un Ziggy romain, qui n'aurait pas d'âge et se livrerait dans toute sa fragilité et ses rêves au jeu théâtral de notre monde. C'est lui en fait le vrai fantôme...


 

Notes :






 









 

 

La conjonction du 26 mai 2013 ! Lettre pour une palme d'or...


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Les lauréats de la Palme d'or 2013 à Cannes
 
En astronomie, l'alignement de plusieurs planètes est chose rare et donne lieu à d'innombrables supputations, cependant peu ont souligné le remarquable alignement cinématographique et sociétal qui a touché à la fois notre pays, ma ville (je suis niçois) et notre cœur le 26 mai 2013 !

En effet qui pouvait imaginer qu'un réalisateur de cinquante deux ans, d'origine tunisienne, ayant vécu son enfance à Nice, ayant débuté au théâtre sous les cieux azuréens, réalisateur de 5 films en treize ans, et proposant comme nouveau long métrage une histoire d'amour entre deux jeunes filles françaises, obtienne la palme d'or de Cannes !!!

Et ce paradoxalement, le même jour où se déchaînait à Paris, pour sa énième répétition, une marche "anti mariage pour tous" qui n'a été rien d'autre dans le fond qu'une marche anti gays et lesbiennes !
Mai 1968, manifestation devant La Sorbonne à Paris


Curieusement Abdellatif Kechiche, qui avait appelé la France en 2011 à connaître à son tour un "printemps" révolutionnaire, afin de permettre un "soulèvement contre l'injustice sociale, le mépris et l'humiliation des hommes", ne pouvait imaginer l'ironie de l'Histoire qui ferait de certains français ringard, balourds et incultes, le jour même où il recevrait la palme d'or, les porte paroles d'un "printemps de glace", celui des anti démocrates, croyants et bornés, tout à l'opposé des printemps de 68 qui avaient profondément bouleversé l'Europe et le monde et porté haut l'idéal de Liberté ! Et tout à l'opposé aussi de l'effervescence du "printemps arabe" de 2010, car la Tunisie s'est couverte depuis des mois d'un voile de mort pour les femmes et la liberté, et en fait pour tous les citoyens non englués dans la religion... Un voile comme un rideau de théâtre marquant la fin d'un premier acte angoissant.
Femen en Tunisie


Ce prix délivré dans le cadre prestigieux du festival de Cannes, par un jury international présidé par Spielberg, a ainsi donné, au delà de la qualité du film que le grand public ne découvrira qu'en octobre 2013, une sorte de réponse internationale et civilisationnelle vers tous ceux qui agitent des mots dont ils ne comprennent pas la portée et qui parlent de ce qu'ils ne connaissent pas ou ne veulent pas connaître ou comprendre !

Autre point convergeant : le premier mariage gay célébré à Montpellier mercredi 29 mai 2013, trois jours après la palme d'or ! Quelle émotion d'entendre madame la maire prononcer son discours et interroger les deux mariés pour qu'ils confirment publiquement un OUI d'amour qui éclaire pour tous la sincérité de leur démarche et leur désir d'être reconnu comme un couple.
Hélène MANDROUX maire de Montpellier

 
La presse internationale s'est précipitée pour être présente lors de cette cérémonie, et de tous les pays, y compris les moins ouverts comme la Russie ou la Chine, car chacun a bien compris que ce mariage, dans la France des Droits de l'Homme, qui connaissait autant de remous, si ce n'est de remugles, contestataires et homophobes, prenait un sens tout particulier au yeux du monde et faisait passer des hommes et des femmes du statut d'anonymes et de tolérés dans le meilleur des cas, et dans le pire de celui de "condamnés" pour reprendre le titre du livre de P Castetbon (éditions H&O) , à celui d'êtres humains enfin reconnus entièrement ! On a semé dans ce domaine là de belles graines d'espoir, de respect et d'égalité sur notre petite planète de douleurs...
Le livre de P CASTETBON "Les condamnés"  -  H&O


La civilisation occidentale, et les sociétés des différents pays qui la composent, est en mutation permanente et n'a jamais été figée dans un schéma de famille ou de vie de couple. L'homosexualité a déjà fait évoluer cette civilisation depuis des décennies, grâce aux homosexuels eux mêmes, à leurs combats, à leurs associations, la loi en France aujourd'hui rattrape simplement ce retard.
Marguerite YOURCENAR


Paradoxalement aussi, la culture sait depuis longtemps ce qu'elle doit aux sensibilités homosexuelles qui ont tant rayonné pour la France et pour sa langue à travers le monde : Rimbaud, Verlaine, Proust, Cocteau, Genet, Aragon, Yourcenar, Ravel, Satie, Poulenc en sont, dans les seuls domaines de l'écriture et de la musique, les plus célèbres représentants, et je ne parle même pas des arts et de la mode... Et cela ne gênerait personne que toutes ces personnes soient considérées par les iconoclastes d'aujourd'hui comme de sous citoyens dans le propre pays à qui ils ont donné tant de lettres de noblesse?

Beaucoup de commentateurs, professionnels ou privés, ont également souligné que le texte de loi sur le mariage pour tous tombait dans un contexte économique exécrable et qu'il aurait mieux valu concentrer tous les efforts sur le chômage et les problèmes quotidiens des français, comme si l'absence d'égalité et la non reconnaissance des familles homoparentales ne faisaient pas partie des problèmes vécus au quotidien par ces hommes et ces femmes ! A ceux là, je fais juste remarquer que le royaume uni, avec un gouvernement de droite, a, dans les mêmes temps de difficultés de chômage et de précarité financière de la société anglaise, ouvert le débat sur le mariage homosexuel et a voté une loi sans déchaîner les passions irrationnelles qui ont marqué le débat français...

Défilé avec l'association APGL (parents gays et lesbiens)


En conclusion, il faut comprendre que cette histoire primée a Cannes a simplement la fraicheur de l'amour, la fraîcheur de la liberté qui n'a ni honte ni pudeur à se montrer et à s'exprimer, et ce à travers la complexité et la beauté de l'adolescence, et qu'en fait elle concentre, comme un remède à la bêtise, tout ce qui manque cruellement à notre société française d'aujourd'hui...



 

 

NOTES :

Sur A Kechiche : article Wikipédia

Extrait vidéo de "La Vie d'Adèle" : Site Allociné