Une découverte de l’hyperréalisme


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Francesco Cairo "St Sébastien"




















Le mot "hyperréalisme" apparaît dans la seconde moitié du XX°s aux USA. Il semblerait que ce courant soit né de différents courants ultérieurs ou contemporains comme le Pop’ Art ou le précisionisme. Mais à y regarder de près il n’est pas si évident de lui trouver une filiation.

Tableau de Terry Rodgers, peintre hyperréaliste américain

Où commence d’ailleurs l’hyperréalisme? Ne serait-on pas tenté de constater que nombre de peintres, à différentes époques, ont produit des œuvres si réalistes dans leur détail, si fidèles à la réalité, qu’ils ont été en fait les premiers ou les pionniers hyperréalistes de l’histoire de la peinture? Je pense notamment au Caravage, à certains tableaux de Raphaël, de Michel-Ange, de  Reni, de Georges De La Tour et de Trophime Bigot, de Francesco Cairo et de Quentin de La Tour pour ses pastels exceptionnels ! Sans oublier David,  Gérôme, Dali même et j’en oublie mille autres. C’est sans doute encore plus frappant dans le domaine de la sculpture.
Tableau de Dali "Léda atomica"
A côté de cette approche de la réalité, on trouve bien sûr des Greco, des Modigliani, des Van Gogh, des Gauguin, pour n’en citer que quelques uns, qui eux produisent une autre vision du monde et une réinterprétation qui se détache du réel et des conventions. Cette vision très personnelle se traduit à travers les cadrages, l’approche des corps, des visages et des formes humaines ou inanimées et les couleurs choisies.
Tableau de Winterhalter
De nos jours, l’hyperréalisme c’est un peu le pied de nez ou revanche que la peinture fait à la photographie, bien que certaines techniques s’appuient sur cette dernière. En effet, au XIX°s la photographie naissante, même si elle résultait des recherches des peintres depuis des siècles, a lentement pris le pas sur la peinture notamment au niveau des portraits. Or la principale ressource des peintres était de réaliser ces portraits pour la haute bourgeoisie et la noblesse, et des miniatures aussi. La photographie même sous-estimée a pu leur porter ombrage, toutefois cela a permis à la peinture d’une part de se libérer de la reproduction fidèle de la réalité et de ses astreintes, et d’autre part, pour les plus hardis et visionnaires des peintres, de renouveler en profondeur leur univers et de trouver de nouvelles voies.

Tableau de Sargent
Pour ce qui est de la reproduction du réel, il faut souligner aussi que les portraits réalisés par les derniers grands portraitistes les plus célèbres au XIX°s sont d’une étonnante précision et d’un réalisme extraordinaire : Gervex, Sargent, Winterhalter en sont de bons exemples même si aujourd’hui ils demeurent passablement oubliés : peintres d’une élite et aristocratie évanouies comme les personnages d’A la Recherche du Temps Perdu

Ceci dit, le courant hyperréaliste me semble encore bien mal connu en France, on trouve peu de livres traitant ce sujet et peu d’expositions, c’est plutôt vers le musée virtuel que représente Internet que nous retrouverons plus facilement trace de ces peintres et de leurs œuvres.

Je vous en donne quelques exemples à travers mes propres coups de cœur et découvertes :





Gérard Schlosser :
titre : "on aurait pu..."
ce peintre français, offre un univers très particulier, déjà le titre de ses œuvres rappelle un aparté d’artiste ou une indication-dialogue de BD. La scène que raconte la plupart de ses tableaux ressemble à une photo prise à la volée, un moment d’une histoire dont on ne connait qu’un bref instant, comme on en assiste à mille dans une journée en croisant nos contemporains. Mais nous voyons uniquement un gros plan ou un détail, la partie pour le tout; rares en effet sont ses tableaux où l’on distingue un visage. Ici, hanche, bras, sein, cuisse forment les quelques lignes d’un début de corps d’une hyper-présence. Nous sommes au cœur d’un moment de grande intimité, intimement mêlé à un moment privé, comme si nous étions en fait devenus un petit insecte voyeur d’un instant volé à des personnes qu’on ne connaîtra jamais.

Tableau de Schlosser "ça pique"





Chuck Close :

Portrait du président Clinton
cest un peintre américain, il réinvente en quelque sorte dans sa peinture le pixel, faisant de ses grands portraits un assemblage minutieux de points, ronds, carrés, rectangles, ressemblant presque à des détails de millefiori! En prenant une bonne distance avec ces toiles, se crée ainsi l’illusion d’un visage! D’autres peintres, tels Van Gogh ou Lucian Freud, avaient déjà imaginé des procédés proches à travers la couleur, le mouvement et la texture employés, ils ont exprimé la psychologie et l’âme de leur sujet. L’assemblage de toutes ces touches rend cohérents et vivants ces éléments quasi abstraits au départ, c’est presque un ADN pictural qui imbrique chaque acide aminé de formes et de couleurs pour produire et animer un visage ! On peut avoir aussi l'impression que la personne se tient derrière une vitre opaque en petits carreaux...

Détail d'un tableau de Chuck Close





Terry Rodgers :
c’est également un peintre américain, il a su créer un univers à nul autre pareil, réalisant par contrepied de grandes fresques intimes, pendant contemporain et profane des compositions mythiques, religieuses, et guerrières à la David! Certes, au cours du XIX°s, ce profane et ce quotidien ont envahi la toile, souvent d’ailleurs avec une touche d’exotisme et d’orientalisme ce qui faisait oublier en quelque sorte leur inspiration puisée dans la vie de tous les jours, on pense à Ingres par exemple et aux grands orientalistes passés de mode. Cependant, dans les œuvres de Terry Rodgers c’est l’intime qu’il peint, le caché, ce qui se vit en cercles d’ami-e-s ou d’initiés lors de soirées privées et c’est ce qu’il révèle aux yeux de tous: aperçu de débauche, début de luxure, laisser aller entre sexe et alcool, milieu riche vivant au-delà des règles usuelles, qui se montre comme une affiche de cinéma! C’est un péplum sans histoire autre que celle de la recherche d’un moment de plaisir. Mais cet instantané semble souvent désabusé, les personnages s’accumulent mais ne se mélangent pas, cette vie insouciante, sans tabou, vient aussi rappeler par contraste l’autre versant en négatif de l’Amérique: pruderie, pauvreté, puritanisme et religion.
Tableau de Terry Rodegrs



Ralph Goings :
on dit de ce peintre américain, qu’il est le Vermeer d’aujourd’hui! Il peint en effet avec une incroyable maîtrise des objets usuels, dont notamment ceux utilisés en cuisine, avec une technique époustouflante car ces tableaux semblent encore plus vrais que des photographies. Ces natures mortes modernes sont immortalisées pour la plupart dans l’univers des "Diners américains" et surtout des «diners» des années cinquante tout en aluminium, couleurs et néons aux tons de guimauves sucrées. On se rappelle quelques tableaux d’Edward Hopper, mais ici c’est presque des photos tirées de magazines que nous contemplons, entre perplexité et étonnement; le «à s’y méprendre» doit vraiment lui être attribué!
Tableau de Ralph Goings


A bientôt pour un prochain article sur les hyperréalistes !

Livre cité dans ce billet :
Notes:

sur les "diners" américains :






 
 
 

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