Laïcité et Liberté, un divorce en vue?


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Le Génie de la Bastille

Sur 194 états dans le monde, l’Occident n’est qu’une sorte d’île d’une poignée de pays face à ce nombre impressionnant d’états ni vraiment libres, ni vraiment sympathiques, si on abandonne le point du vue du touriste et qu’on rentre dans le détail des lois et de ce qui est permis et interdit à travers leurs us et coutumes.


Par exemple, l’homosexualité rencontre beaucoup de rejets, de haine, de violence dans ces pays, certes à divers degrés. L’homophobie y est en quelque sorte une vertu publique pour les plus irascibles. Philippe Castetbon en avait dressé un bien inquiétant et poignant tableau à travers un livre «Les Condamnés» chez H&O, qui se basait sur la compilation de témoignages de garçons réfugiés dans le monde du web, anonymes et solitaires.

En occident en revanche l’homophobie est condamnée par les lois, les états ayant reconnu graduellement au fil des dernières décennies, car l’avancée de cette reconnaissance a été bien lente, que ces hommes et ces femmes avaient le Droit d’aimer librement sans en rendre compte à personne.

L’homosexualité n’est plus l’œuvre du Diable dans la société occidentale, en dehors de la vision de quelques irascibles religieux, elle n’est plus considérée non plus comme une maladie mentale par les autorités médicales et scientifiques (OMS, 17 mai 1990, voir rappel historique dans les notes). 


Tout pourrait aller vers le mieux sauf que l’homophobie tue encore chez nous et que les homosexuels continuent à être victimes d’attitudes et de propos discriminants de la part de ceux qui veulent étendre sur leurs contemporains leur vision sclérosée d’un monde imaginaire et culpabilisant. Le dernier épisode consacré à la question du mariage gay, et à la soi-disant «clause de conscience» pour les maires, ne fait que renforcer ces positionnements homophobes.

Caricature de l'Eglise

Ceux qui combattent chaque avancée obtenue par les LGBT * (lesbien, gay, bi et trans) sont animés par une «foi» qui ressemble à un virus invasif ! En effet, il ne suffit pas qu’eux-mêmes croient à leurs «dogmes» et à leur conception de la «Nature», ils doivent assujettir les autres au schéma qu’ils se sont fait une fois pour toute de l’univers et de la place que l’homme et la femme doivent y tenir. Il est triste de constater que certains groupes politiques leur emboîtent le pas.



En revanche, avec les homosexuels, mais on aurait pu prendre d’autres groupes, le problème n’est pas de cloner et répandre leur mode de vie mais simplement d’être reconnus et respectés partout : collège, université, emploi, société et au même niveau que le reste de la population. Idem pour le choix d’une union avec un partenaire, pour les droits successoraux, et pour l’adoption et la PMA. Les uns envahissent et contraignent, car la foi ou la vision totalitaire ne reconnait que sa propre démarche, les homosexuels au contraire ne cherchent simplement qu’à faire appliquer une égalité de droit.


En France la séparation de l’Église et de l’État aurait pu nous préserver d'un déferlement d’opinions chrétiennes, juives et musulmanes qui mettent à mal notre règle de "Laïcité". Des religieux ont ainsi profité d’un essoufflement de nos lois pour rentrer par la brèche de la liberté d’opinion et d’expression. On ne compte plus les interviews de ces hommes de foi dans des émissions télévisées ou via la radio et autres médias sur la question du mariage gay! La loi de 1905 est pourtant bien claire là-dessus, les religieux n’ont plus rien à faire dans le débat politique (voir rappel de la loi dans les notes, notamment article 35).



A chacun de s’impliquer individuellement comme citoyen et non comme «force» religieuse. Il est bien évident que leur vision du monde ne peut concevoir une autre logique que la leur et que dans ce cas le «spirituel» envahit le «temporel».


Aujourd’hui ces trois religions, qui viennent du même tronc commun, et qui n’ont jamais réévalué leurs textes sacrés de référence face aux progrès de la science et notamment de l’archéologie, de la philologie, et de l’exégèse contemporaine, se retrouvent en apparence unies dans le même combat. Ce n’est en fait qu’une illusion d’optique, chacune ayant soif de proclamer sa «vérité» ! Par exemple, dans les années 2000, sous le pontificat de Jean-Paul II, le Vatican, marchant sur les pieds de l’œcuménisme alors à la mode, a publié ceci:


«(…) il serait clairement contraire à la foi catholique de considérer l'Église comme un chemin de salut parmi d'autres. (...) S'il est vrai que les adeptes d'autres religions peuvent recevoir la grâce divine, il n'est pas moins certain qu'objectivement ils se trouvent dans une situation de grave indigence par rapport à ceux qui, dans l'Église, ont la plénitude des moyens de salut. » (Déclaration "DOMINUS IESUS"-VI-2.1-06/08/2000)




On imagine ce que donneraient dans notre société de nouvelles luttes religieuses si ces germes d’arrogance et d’intransigeance continuaient à se répandre dans le débat public et à contaminer notre laïcité, seule garante de paix et de libertés pour tous. De plus l’Eglise Universelle, a connu ces dernières années un Scandale tout aussi Universel !  Les affaires de pédophilie, en partie étouffées par la hiérarchie catholique, ont explosé partout : Etats-Unis, Autriche, Allemagne, France, Irlande, Australie etc. L'Eglise est-elle dans ce cas bien placée pour parler du bien des enfants et de la famille ? N’oublions pas que la contraception, l’avortement, le divorce ne sont pas non plus tolérés par elle et que cette vision des relations entre homme et femme, si elle était appliquée, nous ferait revenir plusieurs siècles en arrière!

Partout à travers les continents, la nuisance du religieux dans les affaires publiques s’étale depuis des lustres à la une des médias et continue à faire peser sur le monde une menace permanente. Voulez-vous donc réintroduire en France ce poison, alors que de la Révolution Française jusqu’aux Lois de 1905 il a fallu plus d’un siècle à travers divers régimes pour s’en débarrasser?

Quant aux maires garant des lois de notre République, ils seraient sans doute mieux inspirés, pour une bonne partie d’entre eux, d’abandonner leurs charges et demander la réelle fusion de leurs communes dans regroupement intercommunal, plutôt que d’invoquer des «clauses de conscience» qui ne font apparaître que leur homophobie. La France vit en effet au-dessus de ses moyens et gaspille un argent précieux pour maintenir des structures administratives désuètes et démultipliées ! La clause de conscience, elle est là et pas ailleurs !

En effet, la plupart des mairies sont sous le seuil de viabilité ! Les regroupements de communes devraient conduire à une seule identité administrative, ce qui n’est pas du tout le cas, et le millefeuille s'alourdit. Une majorité des 36 683 communes en France, record absolu en Europe, soit 86% d’entre elles, n’atteignent pas ce seuil de viabilité de 2000 habitants et restent un fardeau financier pour l’État et les contribuables. Il faut croire que le pouvoir, même lié à un «micro-royaume», doit être alléchant et inestimable, ce qui explique qu’on ne fait rien pour arrêter ce phénoménal gaspillage, et je ne parle pas non plus d’autres collectivités locales que certains rapports (CF J Attali en 2008) ont eu dans leur ligne de mire; ici la "clause de conscience" curieusement ne joue pas…(voir article Challenges dans les notes)


Au fait, cette fameuse clause va-t-elle également s’appliquer à d’autres domaines: maternelles, enfants scolarisés, étudiants, aides, HLM etc.? Pourquoi s’arrêter en cours de route, car la conscience comme l’inconscience sont insondables…
Verlaine au jardin du Luxembourg



J’ajouterai que cette «clause de conscience» devrait concerner de la même façon le nom des rues, qu’on ne devrait attribuer qu’à des personnages illustres et exempts de toute forme de réserve !
Comment supporter (ce sont des exemples que j’imagine): «le square Rimbaud», «l’avenue Verlaine», «le boulevard Montherlant», «le parc Ravel», «la place Jean Marais», «le jardin Cocteau», «l’impasse Max Jacob», «le périphérique Aragon», «l’école de musique Lully», «le collège Marcel Proust», «la maternelle Camille Saint-Saëns», «l’école de stylisme Yves-Saint-Laurent»?
Voilà de belles brochettes d’invertis, qui, s’ils ont pu procurer à un moment donné  un certain rayonnement et une aura à la France, ne sauraient entacher de leur nom un pays si vif dans sa pensée cartésienne et si respectueux de la vraie nature des choses…lol

Comme vous le voyez, le chemin de la reconnaissance de l'homosexualité est bien long et pavé des plus cruelles malveillances: mort, violence, humiliations, rejets, ont frappé de plein fouet un nombre incalculable d’hommes et de femmes dans l’histoire de notre société française; peut-être faudrait-il que cela cesse enfin chez nous, si l’on veut aussi être crédible dans les démarches visant à combattre les persécutions dans tous les pays qui criminalisent toujours l’homosexualité.
Livre cité dans ce billet
 
NOTES :

Histoire contemporaine de l'homosexualité : Devoir de mémoire

La loi de 1905 : Assemblée Nationale

Déclaration "DOMINUS IESUS"-VI-2.1-06/08/2000 : Document Dominus Iesus

Les récents scandales sans l'église catholique
 Wikipedia, les abus sexuels dans l'église catholique

Article du magasine Challeges sur le gaspillage des collectivités locales : Challenges



 

 

 



Un Kit qui n’est pas en toc !


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«Le kit du 21° siècle» a été écrit par François Reynaert, romancier et journaliste au Nouvel Obs, que je salue pour avoir déjà eu l’occasion de parler de son ouvrage et par Vincent Brocvieille, éditeur, écrivain et chroniqueur chez Têtu.








«Le kit du 21° siècle», avec presque un jeu de mots approximatif, est «Le Quid du 21°siècle», mais en format poche, pour grande poche tout de même ! Il fait donc penser, en plus concentré, à l’ouvrage monumental dit «Le Quid» (1963-2007) qui parcourait chaque année tous azimuts toute la connaissance humaine!


Ce livre est un ouvrage pratique, donnant en un minimum de pages un maximum d’informations, dont celles précieuses du monde d’Internet que nous utilisons tous, ou peu s’en faut, mais que nous méconnaissons aussi, notamment dans l’utilisation des sigles anglais. On trouvera toutefois notre sympathique et très répandu «lol» dans les «acronymes» et pas dans «les mots du web». A ce propos, le terme «lol» me semble devenir presque un idéogramme ou pictogramme montrant un «O» comme une bouche grande ouverte par le rire, un «je me fends la gueule» en 3 lettres !



Le livre se compose de onze chapitres ; on y retrouve avec plaisir des pages consacrées aux films, aux livres, aux musiques qui ont marqué leur époque comme «Le secret de Brokeback Mountain» d’Ang Lee. On y parle également d’art et des courants contemporains en expliquant simplement leur apport et leur différence ; on regrette toutefois de ne trouver dans ces articles aucune reproduction car dans ce domaine le visuel est bien plus parlant que le commentaire. Un article sur les «crédits photographiques» et «droits de reproduction» aurait donné sans doute une explication financière et comptable sur ce manque à observer …

Ceux qui comme moi essayent de respecter la grammaire et l’orthographe françaises, même sur les nouveaux supports de communication, remercient les auteurs d’avoir consacré des pages à "L’écriture" et aux accords de participe. Je me demande d’ailleurs si on ne peut pas mesurer le lent naufrage d’une civilisation au nombre de fautes commises par chaque personne: faute d’inattention, d’accord, de confusion entre verbe/substantif, verbe/adjectifs/pronoms, de dislocation orthographique, d’amuïssement des temps et des modes verbaux…

Dans la partie «Géographie», on nous parle des enjeux d’aujourd’hui dans un monde qui commence à souffrir de diverses pénuries, et de géopolitique ; cependant pour l’Histoire, je comprends mal l’absence du «religieux», mis à part un petit paragraphe sur l’Église Catholique dans l’introduction et un résumé du monde arabe à la fin du chapitre! N’est ce pas un sujet majeur d’aujourd’hui que de comprendre l’évolution de ces religions ou des grands courants philosophiques d’Orient ? Peut-être les auteurs ont-ils souhaité séparer le «religieux», domaine personnel s’il en est, du manuel de culture générale du bon citoyen, qui, comme chacun le sait, ne mêle pas les volutes de son oliban sacré, philosophique ou cultuel, à la couronne d’épis de blé de notre République. Et là j’aurai presque envie de noter «lol»…

La Cène par Vladimir Kush
Parmi les bonnes surprises, et elles sont nombreuses dans cet ouvrage clair, objectif, et concis, je signale le paragraphe «Qu’est ce que le genre» pour donner déjà quelques pistes de réflexion à ceux qui ne se posent jamais de questions. Les auteurs nous proposent aussi une sélection de noms d’hommes et de femmes célèbres, en précisant leur apport «incontournable» à notre société et qu’il convient de connaître pour notre culture générale. Malheureusement nombre de nos contemporain n’ont rien retenu de ces grands personnages et les ont laissé filer dans les limbes de l’oubli ou de l’ignorance.


Je pense par exemple à Abu Nawas (vers 747-815-Bagdad), un des plus grands poètes arabes, amateur de vin et de beaux garçons, dont aujourd’hui certains groupes LGBT dans les pays musulmans se réfèrent comme symbole de leur résistance et force culturelle ; sans parler pour ces derniers de leur volonté de voir décriminaliser l’homosexualité là où ils vivent. Et l’on ne peut que rejoindre leur combat pacifique !


Ses deux accroche-cœurs se cambraient sur ses tempes :
on eût dit des scorpions.
Et sa robe de soie était ouverte et ample.
Il est comme un diamant,
qui réveille les cœurs, excite le désir. (…)

«L’accroche-cœur», traduction de Vincent Monteil, in Abû-Nuwâs, Le vin, le vent, la vie, Paris, Éd. Sindbad

«Le Kit du 21° siècle» est à conseiller à tous : pour se rafraîchir la mémoire ou pour s’en procurer, pour s’offrir ou à offrir, pour s’interroger et avancer, pour s’amuser aussi en se demandant si les «néocons», pour retenir ce terme, correspondent à la définition que l’on peut s’en faire a priori, et plus sérieusement peut-être pour relancer un nouvel humanisme: celui d’hommes et de femmes qui essayent de comprendre leur époque en n’oubliant pas leur passé et en laissant ouvert l’avenir.

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Livre cité dans ce billet
Notes :

Pour en savoir plus sur feu "Le Quid" : http://fr.wikipedia.org/wiki/Quid


Bibliographie:

François Reynaert
Pour en finir avec les années 80, Calmann-Lévy, 1988
Sur la terre comme au ciel, une histoire des relations entre l'Église et l'ÉtatCalmann-Lévy, 1990 Une fin de siècle, Calmann-Lévy, 1994
L'air du temps m'enrhume (recueil de ses chroniques au Nouvel Observateur), Calmann-Lévy, 1997 Nos années vaches folles, Nil Éditions, 1999
Nos amis les journalistesNil Éditions, 2002
Nos amis les hétérosNil Éditions, 2004
Une golden en dessertNil Éditions, 2006 La planète des saints, Hachette littérature, 2007
Rappelle-toiNil Éditions, 2008
Nos ancêtres les gaulois et autres fadaisesÉditions Fayard, 2010

Vincent Brocvieille
Le petit Larousse de l'histoire de l'art, Larousse, 2010

Invitations gourmandes, Minerva, 2007

Je n'ai fait que mon devoir, Laffont 2007