Pour le film "AGORA" : une "place" de choix !


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Le film « Agora » de Alejandro Amenabar, dont le DVD vient de sortir, mérite qu’on s’y arrête car il semble un peu occulté par les nombreux rouleaux compresseurs des grosses productions américaines. Ce film, riche, intelligent et émouvant, original et aux superbes décors, devrait avoir une place de choix parmi les films que vous auriez l’intention d’aller voir !

Agora est une fresque ambitieuse et réussie d’un moment de l’empire romain, quand celui-ci commence à laisser les chrétiens prendre de plus en plus d’importance dans la vie politique de leur époque. C’est le règne du calamiteux Théodose...

Les persécutions des chrétiens, livrés aux crocs des fauves dans les cirques, sont donc derrière nous, comme la splendeur de Rome. L’action de ce film se déroule à Alexandrie qui était restée encore à cette époque un haut lieu de philosophie et de sciences. Rappelons qu’Alexandrie avait été fondée par Alexandre le grand et que le mélange des cultures grecque et égyptienne y fut assez réussi !

Cette ville dans notre imaginaire est restée très célèbre de part sa fameuse bibliothèque qui recelait tous les trésors de la pensée antique et qui partit en fumée à l’époque de César et Cléopâtre et aussi par le flamboyant phare d’Alexandrie qui a été l’une des sept merveilles du monde !

Ce film est aussi un hommage à la « Femme », à la « Liberté » et au «Savoir» en général ; c’est également une condamnation sans appel des différentes religions dont l’obsession première est de combattre des religions rivales, les athées et libres penseurs, allant jusqu’aux meurtres les plus terribles et les persécutions les plus odieuses.

En effet, de persécutés les chrétiens sont devenus persécuteurs : leurs cibles sont les païens et tous les livres et le savoir qui ne recoupent pas les textes sacrés du Nouveau Testament. Dans ce film il n’y a pas de système ou de religion meilleure que l’autre : paëns, juifs, chrétiens sont tour à tour victimes et meurtriers : on assiste au grand manège de la folie humaine qui a tant ravagé nos sociétés depuis 2000 ans et qui continue à provoquer : guerres, massacres, persécutions, oppressions (dont les femmes et les gays sont les boucs émissaires toujours désignés).

Ce film a donc une base historique, il raconte dans ses grandes lignes la vie d’Hypatie d’Alexandrie, philosophe et astronome, qui voua sa vie à la recherche et à l’enseignement. Elle a été bien avant le savant allemand Képler (1571-1630), la seule « scientifique » à rejeter le système ptolémaïque où la terre était un astre fixe et central autour duquel l’univers s’organisait (cette vision du monde sera reprise à son compte par l’Eglise naissante) pour se rapprocher d’Aristarque qui mettait le soleil au centre de notre univers. Toutefois elle eut cette idée de génie de comprendre que la rotation de la terre autour du soleil était elliptique et non pas circulaire.

Comment accepter que la philosophie, que la science puissent être librement pratiquées, et par une femme en plus ! Cela a toujours été inacceptable dans tous les systèmes totalitaires religieux. A la recherche, à la création, aux questionnements, les tenants de la « Vérité Absolue » ont toujours répondu que leur livre n’apportait qu’une seule réponse qui ne pouvait être mise en doute. Dans ce monde aliénant la foi est donc vécue comme collective ; l’individu n’est plus rien en lui-même et on ne scrute pas sa foi propre et sa profondeur mais on surveille la soumission totale de l’autre.

L’Evêque Cyrille, un des personnages clefs de ce film, grand persécuteur devant l’Eternel (dont l’Eglise a fait un saint !), citera dans une scène importante un passage des Epîtres de Saint Paul, notamment lorsqu’il évoque les femmes et leur position subalterne dans la société.

Cyrille fera ainsi plier le Préfet Oreste, un amoureux mou d’Hypatie, pour asseoir sa puissance et détruire cette femme libre penseur qui a osé s’opposer au début de l’obscurantisme chrétien ! Hypatie avait aussi enseigné dans l’une des dernières bibliothèques d’Alexandrie qui fut détruite à son tour sous les coups des fanatiques.

Une des images du film montre, avec recul, le grouillement de ces pillards analphabètes et croyants en train de tout saccager ; on finit par y voir une fourmilière infernale et mécanique, déshumanisée ! Et le recul de la caméra se fait de plus en plus important : le grouillement disparaît, circonscrit à un bout de terre, elle même perdue dans le calme apparent de l’univers et de l’espace.

L’histoire d’amour qui se développe dans ce film, et qui n’a pas a priori de socle historique, est traitée avec beaucoup de pudeur et de tendresse. A la liberté impossible répond un amour impossible et une autre passion qui se renie par faiblesse. Ce film est l’occasion de donner à l’actrice Rachel Weisz (Hypatie), un rôle de femme extraordinaire. Les grands rôles féminins sont rares au cinéma où les films sont majoritairement tenus par des têtes d’affiche masculines. Saluons aussi le jeune Max Minghella, qui joue le rôle de Davus, et Michel Lonsdale, grand acteur français, qui joue le rôle du père d’Hypatie.

Les tueries dénoncées dans ce film et dues aux religions ne sont pas d’un autre âge, elles continuent aujourd’hui sous d’autres latitudes avec des raisons identiques : celles de permettre une prise de pouvoir sur un groupe donné. Et la femme, dans ce contexte là, n’a toujours pas sa place à l’égal de l’homme !

C’est très bien qu’un film grand public s’attache à raconter l’histoire d’une femme hors norme, si en avance sur son temps, et à montrer la folie humaine perdue dans les filets des religions.

De grands savants à travers les âges ont pu marquer leur époque seuls face à l’intransigeance des religieux (du moins rétrospectivement quand les hommes comprirent l’importance de leurs travaux), tels par exemple : Galilée, Spinoza, Erasme, Giordano Bruno (qui dénonça les atrocités commises aux Amériques et le commerce mondial balbutiant...) etc. Certains le payèrent au prix de leur vie ou de leur conscience... Que de dégâts irréparables et inutiles !

Il ressort de ce film que la religion est pour l’Homme une abomination !




Notes :



Hypatie : voir lien
Cyrille : voir lien
Aristarque : voir lien
Ptolémée : voir lien
Dieux en Alexandrie : voir lien
Les sept merveilles du monde : voir lien
Phare d’Alexandrie : voir lien
La bibliothèque d’Alexandrie : voir lien
Théodose : voir lien
Képler : voir lien

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