Paul Klee, le Bouddha de la peinture !


(2) commentaires


Je Dédie cet Article à Sonja Chiffot, amie qui allie le talent d'artiste à celui de psychothérapeute ! 

"En découpant du vert, du brun et du lilas,



"En insufflant dans des nuages blanc laiteux


"Toute la lumière que nos yeux laissent voir,


"C'est l'univers devant nous tous, devant chaque homme


"Et chaque femme et chaque enfant roi amusé


"Que nous créons joyeux ! Là mille points d'étoiles !


"Là mille traits ! Balbutiant des alphabets noirs,


"Dont le sens, si harmonieux, est notre mystère..." JL Garac




Par ce court poème, j'ai essayé de brosser une toile personnelle pour vous inviter à découvrir ou redécouvrir Paul Klee. Car pour moi Klee est de la poésie en peinture, un rare concentré de bonheur, d'exhubérance, de vision et de philosophie aussi. Peut-être est-il à la peinture ce que Malher est à la musique, fredonnant à sa manière "un frère Jacques" tout en préparant des adagios sensibles comme toutes les couleurs que peut revêtir l'amour et le don.

Les modes consacrent tel ou tel peintre comme les phares de tel ou tel siècle, mais nos vérités sont autres; prenons par exemple Picasso, décrit comme le génie de son temps, que serait-il sans l'incessant dialogue qu'il avait entrepris avec ses amis peintres contemporains ou d'autres peintres célèbres décédés il y a fort longtemps ? Ce jeu de "miroirs" et de "réflexions" donnent certes des fulgurances et des "lumières" nouvelles, mais cela peut aussi créer de l'ombre pour d'autres créateurs.

Certains comme Klee peuvent paraître moins spectaculaires mais il y a chez ce dernier une densité et un condensé d'émotions qui nous prend à la gorge quand on le découvre tableau après tableau et que l'on abandonne nos "oeillères"  ou tous nos "formatages"...

L'inclassable Paul Klee a parcouru le début du XX°s. comme une étoile filante ! Echappant au nazisme et sauvant son univers onirique de signes et de formes en camaïeux. Il a annoncé dans ce début de siècle perturbé une étrange fusion entre couleurs, écriture et souffle, peut-être mystique, au coeur d'une vision nouvelle à rechercher en soi.


Paul klee a enseigné également la peinture, s'attachant à montrer à ses élèves la formation même de la vie dans la pure lignée de la "naturphilosophie" (voir note) , recherche de plénitude, de maîtrise et de quiétude, qui s'est développée fin XVIII°s. en Allemagne.

Mais rien de pompeux ou d'ennuyeux chez lui, il a cette faculté incroyable de plonger dans son imaginaire, d'une fluidité parfaite, pour y trouver les cristaux d'innocence et de bonheur. Le monde qu'il peint est celui qui est donné à chaque homme au fond de son coeur, un monde magique et ludique, celui d'une enfance émerveillée, où la couleur structure et détermine nos sentiments et nos actions.

Klee d'ailleurs a été surnommé "le Bouddha du Bauhaus" (voir note), et ce sentiment philosophique émane de son oeuvre : on y ressent un apaisement aux couleurs de l'âme, une lumière diffuse à atteindre, une réflexion douce qui n'empêche pas non plus la protestation d'une tristesse terrible face à l'idée d'une mort absurde et d'une souffrance infinie, comme la trace indélébile des monstrueux événements de son époque.



A travers ses voyages, notamment en Afrique du Nord, il découvre la vibration puissante des couleurs qui ne cesseront d'habiter son oeuvre comme une référence sacrée. Utilisant les modes et les courants de son temps (cubisme, expressionnisme, abstraction), mais sans y adhérer vraiment, il ne sera jamais qu'un passant indépendant qui visite de ses rêves certains paysages connus. Comme l'homme adore mettre des étiquettes faciles sur tout, c'est peut-être aussi pour cela que Klee a du étonner plus d'un critique et rester en deçà du devant de la scène des grands peintres...

Mais Klee  propose une oeuvre superbement originale, authtentique et jalonnée de signes comme une écriture intuitive et balbutiante pour annoncer le meilleur comme le pire dans nos vies. Le titre de ses toiles nous guide cependant dans l'interprétation qu'on peut proposer et dévoile une partie du mystère ou de l'énigme que chaque tableau détient.


Son oeuvre est proche aussi de celle de Kandinsky, aux formes illimitées et à la riche palette de couleurs, dont il a été l'ami. Leurs univers résonnent des mêmes mondes : fusions de couleurs, modulations des formes, révélations de ce que l'on ne voit plus, mais le rappel de la diversité dérange parfois trop les conformismes. 

Sa recherche d'une écriture presque hiéroglyphique, renouvelée d'un tableau à l'autre, me semble annoncer dès ce début de XX°s. bien d'autres recherches picturales qui se développeront à partir des années soixante, partant d'une vision de signes liés et de signes personnages, comme dans les compositions de Keith Haring.

Dans l'exposition qui est consacrée à Paul klee au Musée de l'Orangerie à Paris, un tableau m'a particulièrement fasciné, celui intitulé "Une étoile se lève" et je vais essayer de vous le décrire simplement (malheureusement pas de reproduction disponible sur le net) :

Sur un fond nébuleux de gris-bleu, bleu, jaune-orangé, qui me semble s'impregner des couleurs mêmes des galaxies, s'allignent sur toute la surface de la toile des points accrochants la lumière à dominante jaune.

S'agit-il d'un univers d'étoiles ? De Lumières des grandes villes ? De Points d'incendies ?

Quelques "carrés", "rectangles", "traits", et "zigzags", modulent ce fond d'éternité, peut-être sont-ils des regards bleus ou rouges portés sur ce monde depuis toujours !

En haut du tableau, une étoile bleue à six branches, comme l'étoile de David, mais curieusement plus sombre que le reste du tableau, est reliée à un léger fil en zigzag.

On imagine un Ballon envolé ? Un Cerf volant échappé ? Une Etoile du destin ?

Deux grands traits horizontaux marquent l'horizon, ou ce quai imaginaire qui se nomme Terre, où si l'on veut nos propres limites. Où va s'échapper cette étoile, et quel sera notre horizon une fois disparue ?

Malgré la lumière une impression de tristesse m'envahit et je me sens bien seul au monde, mais quel monde ? Celui inaccessible des couleurs et des lumières du cosmos, celui que je garde en moi, celui de Klee, celui que je voudrais attraper comme un enfant que je n'ai pas cessé d'être ?

Mais n'oublions pas que nous sommes en 1931 lorsque Klee peint cette oeuvre, et que l'occident va chavirer lentement vers le gouffre.




NOTES :


Paul Klee : article Wikipedia

Le Bauhaus, définition : article Wikipedia

La Naturphilosophie : article Wikipedia

Musée Paul Klee à Berne : info sur le musée

Musée de l'Orangerie, Paris : exposition temporaire Paul Klee jusqu'au 19 juillet 2010

2 commentaires:

  1. Merci Jean-Louis, je suis très touchée de ta dédicace...
    Et ailes virent tu oses la vibration colorée des mots en cette expression créative...
    Une envolée vers les étoiles comme par un doux nuage laiteux aux reflets verts et mauves qui nous fredonne toute la magie de ce monde, un accès à l'illumination... Sonya

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  2. j'aime tes mots tout simplement, mon ami
    Alégria

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