Film : « Le premier qui l’a dit » – (Mine Vaganti)


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« On ne vit pas pour les autres » ce pourrait être la maxime du dernier film de Ferzan Ozpetek, réalisateur d’origine turque qui vit et travaille en Italie et qui nous donne régulièrement depuis la fin des années 90 des films attachants et originaux sur le thème de l’homosexualité.


Il y a dans ce film « Le premier qui l’a dit » (Titre italien : Mine vaganti, mines dérivantes) de quoi passer presque deux heures très agréables, même s’il ne s’agit pas d’une « œuvre » exceptionnelle, car Ozpetek livre un très minutieux travail de mise en scène et un déroulement d’action qui ne laisse pas indifférent, le tout emballé dans une musique qui accroche bien.

Les ingrédients sont à première vue assez basiques, voire simplistes ou caricaturaux : une grande famille bourgeoise italienne au port régalien, dont la fortune est basée sur la « pasta », un père orgueilleux, machiste et homophobe, une mère qui reporte son goût du pouvoir sur les deux bonnes souffre-douleur, une grand-mère qui incarne le bon sens et l’acceptation dont le passé sert de leitmotiv tout le long du film et qui tire sa révérence façon « La grande bouffe », deux frères gays dont l’un coupe l’herbe sous le pied à l’autre d’où le titre du film en français, un zeste de bisexualité, et des incontournables « amis » en brochette de gay-prideur ou de Priscilla folle de la pasta…


Tout est donc bien stéréotypé, mais ce petit « guignol », au sens noble du terme, prend vie et surprend, séduit et souhaitons-le interpelle peut-être ceux qui en sont restés à une vision très arriérée de l’homosexualité comme vice ou maladie ! Avec le rire ou le sourire on fait passer pas mal de messages, Ozpetek me semble faire de même ici. Tout d’abord il ne faut pas oublier que nous sommes en Italie, un des derniers grands piliers d’une société basée sur la famille et la religion, ou du moins encore ses apparences, où le rôle du mâle reste celui du procréateur et du maître. Les « berlusconades » en sont un exemple quotidien et stupéfiant.


Plus que tout, notre Balzac moderne avec sa caméra explore cette bourgeoisie de carton « pasta » qui veut donner absolument une image de puissance et de pérennité, notamment à travers le sacro-saint mariage. Pour le reste, tout semble bien fissuré à y regarder de près… Le regard de l’autre, le qu’en-dira-t-on, est toutefois l’élément essentiel qui va conditionner les attitudes de ce couple rigide et truculent.

En quelques mots : le retour du fils prodigue, Tommaso (Riccardo Scamarcio), qu’on croit bardé de diplômes commerciaux et qui a profité de sa liberté romaine pour décrocher plutôt des diplômes de lettres, est en quelque sorte le détonateur de cette comédie ! Il avoue à son grand frère Antonio (Alessandro Preziosi), qu’il aime la littérature et les garçons et lance son idée de coming out façon « bombe glacée » lors d’un repas de toute la tribu (n’oublions pas le titre italien : Mine vaganti) ! Mais voilà le coming out annoncé va donner lieu à une révélation plus rapide et plus surprenante encore ! Car ce sera le bel Antonio, qui sortant du placard à pasta, va jouer le rôle de paratonnerre et emporter les lauriers de la Liberté et du flambeau gay et être banni hors de ce petit enfer familial…

C’est donc curieusement Tommaso qui reste figé tout le long du film dans son rôle de bon fils, devant un père geignard, sans prononcer un seul mot sur son « homosexualité » face à sa famille. Il ne rompra le silence que pour se désigner comme un homme de lettres ayant besoin de vouer sa vie à l’écriture ! Mais rien ne sera dit sur ce qu’il est et sur une quelconque revendication de liberté de vie et d’action ! Il avoue simplement qu’il n’arrive pas à s’investir dans la fabrique de son père avec pour seul horizon des rubans de spaghetti ou des tronçons de macaroni !

J’ajouterai que ce refus de coming out est amené par deux autres raisons : le souci qu’il a de préserver son père d’une colère noire qui l’amènerait de nouveau à l’hôpital et la petite musique d’un éveil ou réveil d’une bisexualité qui le met tout chose devant la très belle Alba (Nicole Grimaudo).



Le film fourmille de petits sketchs qu’il faut absolument découvrir et qui relève bien le plat de « pasta » !

J’espère, dans le cadre d’un futur festival gay et lesbien, qu’on aura bientôt la chance d’assister à une rétrospective sur Ferzan Ospetek, car ses films d’une grande humanité, souvent mal diffusés en France ou n’ayant pas rencontrés leurs critiques et leurs publics, restent à découvrir par de nombreux spectateurs, LGBT ou non.





Note :


Lien Wikipedia Ferzan Ozpetek : http://fr.wikipedia.org/wiki/Ferzan_%C3%96zpetek























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