Les films de fantôme ne sont pas si courants, enfin les plus réussis, ceux qui marquent leur public, sinon la liste est longue d'environ une centaine de films qui touchent de près ou de loin au phénomène des revenants et des spectres, mais cela ressemble en fait à un filon mal exploité par le cinéma. Je retiendrai pour ma part trois films qui m'ont profondément marqué.
Affiche du film de Claude Autant-Lara "Sylvie et le fantôme" |
Le premier film qui m'a bouleversé par sa poésie et sa délicatesse, une de mes premières découvertes cinématographiques faites à la télévision lorsque j'étais enfant, est "Sylvie et le fantôme" de Claude Autant-Lara, le deuxième coup de coeur, par la force des sentiments qu'il dégageait, est le film "Ghost" de J Zucker avec son mélange d'humour, de drame et d'amour transcendé, enfin le troisième film que je retiens pour sa beauté musicale est "Le fantôme de l'opéra" d'après l'œuvre de Lloyd-Webber, et puis j'avoue pas grand chose d'autre, sauf peut être "L'aventure de Madame Muir" de Mankiewiecz.
Ferzan Ozpetek à réalisé nombre de films attachants comme "Hamman", "Tableau de famille", "Le premier qui l'a dit", et d'autres films qui ne sont pas sortis en France mais qu'on peut trouver en coffret-DVD et en italien sur le net. Reste que l'addition du surnaturel dans un film demande beaucoup de savoir faire et une histoire bien structurée t argumentée sinon la magie ne s'opère pas...
La maison de Monteverde, quartier de Rome connu pour ses belles demeures, est la maison hantée du film de Ferzan Ozpetek, "Magnifica Presenza". Avec un titre pareil, c'est à dire "présence magnifique", on aurait pu s'attendre à quelque chose de plus puissant et de plus porteur. Mais dans sa dernière œuvre Ozpetek préfère utiliser de petites ficelles qui malheureusement cassent vite. Cela se ressent tout d'abord avec la construction de son premier personnage, celui de Pietro. En fait, son portrait est brossé de façon très légère, on sait qu'il aime cette maison qu'il veut habiter et embellir, mais on ne connait les penchants homosexuels de Pietro que par deux scènes: la première est un clash avec un homme que Pietro a idéalisé au point de ne pas se rendre compte qu'il l'a dégoûté de lui et étouffé au bout de trois ans de textos, emails et appels pleurnichards ! La seconde scène par quelques regards avec un voisin certes charmant mais dont le personnage reste lui aussi esquissé dans le film. Et puis plus rien de ce coté là... Sauf qu'il souhaite devenir acteur et qu'il en rêve en préparant comme pâtissier ses viennoiseries ! Certes on pourra toujours dire que c'est là un idéaliste et que le rêve empiète trop profondément dans sa réalité, mais on a l'impression qu'il manque quelques scènes pour terminer son ébauche.
Sa cousine, aux traits presque almodovariens, apporte en revanche gaieté et humour, et puis il y a les huit fantômes de sa maison romaine... Huit fantômes, qui sont d'anciens comédiens morts durant la seconde guerre mondiale, période où la mort était tout sauf mystérieuse, qui ne savent plus trop où ils sont et qui doivent connaitre une "vérité", la leur, concernant l'origine de leur disparition et de leur retour perpétuel et fantomatique dans cette maison où ils ont connu à priori leurs derniers instants de vie.
La trahison, grand ressort dramatique s'il en est, est l'origine de la quête perpétuelle de ces huit fantômes, mais ils ne le savent pas jusqu'à la fin. On peut regretter l'absence de dialogues plus étoffés, et souligner qu'ils manquent sérieusement de malice et d'intérêt, en fait ils ressemblent à des clowns tristes. Certes je mets à part le personnage du fantôme de l'écrivain qui porte à son hôte un intérêt très charnel et nous conduit à penser que l'amour n'a ni âge ni temps...En résumé huit fantômes qu'on serait tenté de dire en quête de scénario et de consistance, n'est pas Pirandello qui veut.. Car ce ne sont pas les fantômes qui sont flous et diaphanes ici, ce sont les personnages du film...
Les fantômes ne sont pas les fantômes et les vivants sont peut être déjà morts comme la vieille actrice, chargée si négativement, qui apparaît en conclusion telles les mauvaises reines des fables de jadis. Malheureusement pour eux les fantômes se sont cristallisés dessus, s'inquiétant de ce qu'elle devenait, plombant leur vie spirituelle, et oubliant leur propre route du paradis ! Un peu comme notre Pietro qui avait cristallisé sur son Massimo, et dont je parlais tout à l'heure. Décidément les italiens depuis Pétrarque et Dante connaissent les mêmes maux et fascinations...
Mais tout le long du film on a du mal à comprendre où veut nous mener l'auteur, et en quoi consiste le mystère de la mort de ces comédiens fantômes; l'explication qu'on nous sert à la fin du film me laisse un peu sur ma faim. Surtout, la rencontre entre Pietro et les fantômes n’entraîne pas de grands bouleversements dans sa vie ou sa compréhension du monde, elle se résumera en quelques indications gestuelles et désuètes qui le marginaliseront encore un peu plus.
L’intérêt de "Magnifica Presenza" réside peut-être dans une poésie légère qui baigne Pietro, et qui enveloppe ses rêves, ses attitudes, comme lorsqu'il prépare ses petits croissants faits avec amour et qu'il parle fougueusement de ses aspirations ! Poésie qui vibre dans sa volonté à devenir acteur, ses attentions d'un autre âge pour des personnes qui ne sont guère sensibles ni capables de s'investir dans le temps, et ne comprennent plus justement ce "temps" comme on le comprenait il y a un siècle lorsqu'il était encore abondant et fécondant.
Plus que l'histoire de fantômes, c'est le conte d'un garçon sensible, un Ziggy romain, qui n'aurait pas d'âge et se livrerait dans toute sa fragilité et ses rêves au jeu théâtral de notre monde. C'est lui en fait le vrai fantôme...
Notes :
The Italian comedy #MagnificaPresenza on VOD (Orange&iTunes) next 10th July ni France http://ow.ly/mLbJK
RépondreSupprimerThis is the Trailer https://www.youtube.com/watch?v=QDnTQMXMDKI
and the Making Of https://www.youtube.com/watch?v=51p2kJbSDIA