Dédicaces poétiques - poèmes de Jean-Louis Garac


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Photo JLG - baie des anges Nice




J'ai depuis de nombreuses années écrit des poèmes que je souhaitais un jour voir publier sous le titre de "Dédicaces", ils sont consacrés à des personnes d'aujourd'hui ou que j'ai pu connaître ou que j'aurais souhaité connaître, ainsi qu'à des œuvres, des sentiments, des impatiences, des énervements, des rêves aussi, des clins d'œil...

Ce que je vous propose ici est un mélange de poèmes créés récemment, mêlés à d'autres plus anciens, mais qui sont restés "intacts" dans mon ressenti, à noter qu'il n'y a aucune hiérarchie dans leur position dans cette page; ils figurent tous comme les pétales d'une même rose.

La poésie est le plus merveilleux des messages que l'on puisse envoyer, il ne se perd jamais, il reste rayonnant malgré les années qui passent, car il vient d'un souffle de vie qui dépasse nos limites.
JLG - janvier 2014


A L'AMOUR

Il était une fois un rêve
Qui devenait un conte en soi,
On trouvait falaises et grève
Et nuage en purée de pois;
Nul ne parlait hors des yeux tristes,
Héliotropes sans matin,
Les cils faisaient comme des listes
De mots terribles et malins !
De ces calligrammes solaires
On cherchait le mot du futur
Celui qui détient le mystère
De vous tuer au pied du mur
Ou de vous laisser voir le monde
Au-dessus de tous les égos...
Un mot si pur que les dieux fondent
Un univers avec ce mot !
Il est notre chair des étoiles,
Et notre cristallin divin,
Le noir qui détient dans ses voiles
Tout l'infini du mot humain...



Photo de BP
A B & R

Un plus un, et c'est l'univers
Qui commence en deux seules notes,
Un plus un, donne mille hivers
Où l'on n'a plus peur sous nos bottes
Des chemins effacés -déserts
De froid et de mélancolie-
Un plus un, c'est toute la vie
Qui s'anime au cœur découvert,
Dansant de regards et d'envie...

Un plus un, et c'est l'univers
Entre nos mains où tout se lie,
C'est un café plus un café,
Un mot dont l'écho nous étonne,
Ou un plat inventé qui sonne
Comme un prétexte à "débriefer"...
C'est un coussin et sa caresse,
Quatre jambes pour la paresse
Et deux prénoms à agrafer...


Photo AMR - Autriche
A A-M

Peut-être es-tu partie très loin
Dans un désert sans lendemain
Ou bien une seule fleur
T'a détournée de ton chemin
Fleur de douleur fleur de peur
Comme il est à fleur de peau
Des désirs et des oiseaux
Qui volent vers d'autres destins
Peut-être es-tu partie très loin
Poussière des jours dans nos mains
Quand je voulais dire à ton cœur
Tu es mon amie-âme-sœur



A S

Combien faut-il de crayons et de plumes
Pour que j’arrive jusqu’à toi ?
De courbes fluo, mauves ou sépia
Dans un rayonnement de brume ?
Ce rouge provient de la rue,
Sensuel comme un survêt de garçon brun ;
Ce bleu, je l’ai volé presque à ta vue
-Émotion d’un regard- emprunt
Pour célébrer ce rituel des corps :
L’arrondi n’est qu’une caresse,
Ces muscles qu’une louange à l’effort,
Et ce galbe… un rêve de fesses !
Ma création est jouissance,
Elle porte le désir aux pinceaux,
Et ouvre l’univers immense
A l’homme célébré dans sa peau !
Les dessins sont des prières d’amour,
Les cuisses de pures offrandes,
L’infusion des couleurs le premier jour
De la première sarabande !
J’y goûte enfin la seule ivresse
D’un monde où les interdits ne sont plus,
Mêlant palette et allégresse
A l’alcool des glacis et cœurs perdus…





Tableau d'Arcimboldo - (à voir aussi à l'envers...)






A LA VIE SAINE (aux légumes anciens...)

Dans le chaudron bouillant des jours
Où sont donc figures anciennes,
Trognes colorées, creux tambours,
Ou douces allongées qui viennent
Mettre leurs saveurs dans nos plats?
Loin, évadés les scorsonères,
Topinambours, rutabagas,
Et les coloquintes premières...
Il faudrait oublier tout ça?
Telle courge butternut zappe,
Tel nuage est un pâtisson
Qui court s'évanouir et frappe
Les mémoires d'oubli, prenons
Ces cucurbitacées et grâce
Leurs soit donnée dans nos jardins,
Ne méritent-ils pas la place
De Roi en sautés et gratins ?

Dans le chaudron bouillant des jours
Où surnageront les orties,
Les vitelottes en velours
Bleu et les panais ressortis ?
Les melons de jadis obèses
Et l'oignon verruqueux d'antan,
Se seraient envolés...Malaise
D'un nivellement désolant...
Où fuyez vous les confitures
De cynorhodons, de sureau
Et de pissenlits, n'ayez cure
De ce désaveux de blaireau
Qui délaisse pour du factice
Tous les produits de nos sous bois,
Et ces lointaines et propices
Créations de patience et foi...


A L'ERRANCE

J'ai tant croisé de vide-poches,
De sellettes aux orchidées,
De cendriers de plomb si "gauche"
Avec ses mégots brûle-idées...

J'ai tant espéré d´une horloge,
Si franc-comtoise ou franc-maçonne,
Pour qui je n'ai pas eu de loge
D'ami, là où le cœur se donne...

J'ai tant écouté les assiettes,
Les verres-pied en bourgeoisie,
Que j'en sais plus sur les serviettes
Que sur ce qui croit vivre ici...

J'ai tant caressé cette laine
Et ce revers annonciateur,
Que je suis devenu phalène,
Invisible quand elle meurt...

J'ai tant écouté ces vieux disques,
Comme des pizzas de culture !
A partager le ciel on risque
D'atterrir au fond des ordures...

J'ai côtoyé les cheminées,
Croyant en la flamme divine,
Et dans le cadre des années
Je n'ai vu qu'esquisse sanguine...

J'ai tant touché le cuir des livres
Que j'y ai pris un corps solaire,
Mais ce vécu n'est pas le vivre,
Ni les mots qui parlent sur terre..


Tableau d'Edvard Munch
A LA SOCIETE

C'est une société de "sans":
Sans toit, sans abri, et sans rire !
Ou une société de "sang" :
Bon sang le mauvais sang et pire !

C'est un protocole de "sans" :
Sans cœur, sans humour, sans vergogne !
Un "sans" dessus dessous vexant,
Approximatif et en rogne...

C'est une conception du "sans":
Sans tabou, sans permis ! J'admire
Le sans rien qui prend l'air du temps
Quand tout un chacun va "sans" dire...

C'est un amalgame de "sans":
Sans vie, sans alcool, sans parole...
On nait sur scène agonisant,
Dans ce théâtre on joue sans rôle...


A CELUI QUE J'AIMERAI

Le goût de la peau m'émerveille,
Sa part d'insomnie me rend fou,
Le parfum dessine à l'oreille
Un corps soyeux et sans tabou...

C'est une illusion douce amère
Qu'un rêve a construit du réel
En serrant la courbe éphémère
Que les mots laissent de ton sel...


tableau de S Dali - rose mystique
A MA MERE

Ne resterait-il qu'une allée,
Qu'un souvenir de jour perdu,
Une ombre à l'oubli démêlée,
Une oppression de déjà plus...
Que tout en moi aurait reçu
Ce temps de joie inégalée...





La Ministre C Taubira
A C TAUBIRA

Que peut être le visage
D'un pays évolué
Qui par droit et par usage
Est de tout temps salué?
Pourrait-il donc disparaître
Comme naguère les dieux,
Les citadelles des maîtres,
Et les régimes odieux?
Quand on ne croit plus nous-mêmes
A ce qui est notre corps,
Qu'on piétine nos emblèmes,
Nos valeurs, sommes nous morts?
Mort de l'esprit dans l'insulte,
Mort du don dans le mépris,
Mort de l'Homme pauvre adulte
Et du sens qui le construit?
Trop de questions me tourmentent,
De faits divers en déchets,
De personnes qui nous mentent
Masquées dans la société!
Ces sarcasmes nous détruisent,
Et cette France d'en bas
Se disloque dans la crise
En reniant ses combats...




A MES AMI-E-S J & S

Nos ami-e-s, nos forces, nos vies,
D'un regard dessinent le ciel,
Azur, avenir ou réveil
Pour débusquer l'homme asservi.

Nos ami-e-s, nos forces, nos vignes,
Ont le vin pur du vrai savoir,
Pour donner et pour recevoir
Le chant du poète et des signes !

Nos ami-e-s, nos forces, nos joies
Sont l'étincelle aux mots de Dieu,
Ou la présence aux temps pluvieux
Qui prend nos larmes dans ses doigts...



Tableau de Franz Marc
A FRANZ MARC

Peintre allemand mort à Verdun; ce peintre m'avait séduit par ses couleurs et ses images très fortes, inspirées presque d'un rêve ! Les commémorations du centenaire des débuts de la Grande Guerre de 14-18 vont se dérouler prochainement, commençons à considérer donc que tous ces jeunes gens, soldats, tués lors de cette guerre sont en fait de part et d'autre toutes des victimes d'un système aliénant, et qu'ils méritent tous notre compassion et nos larmes. Les sociétés font des soldats, les politiques créent des ennemis, aux hommes de concevoir l'humanité...

J'ai vu des chevaux bleus, d'un bleu de libellule,
Former un galop vague aux ombres de ces prés,
Quel peintre pouvait-il imaginer de près
Un souffle de crinière et de muscles nacrés?
J'ai vu des chevaux bleus au fond de ma cellule...

J'imaginai un temple où le nuage aborde,
Une lueur soleil l'illuminait de loin,
Combien d'aubes couchées, pétales du matin,
S'y seront consumées au cœur d'un espoir vain?
J'imaginai un temple où tous les dieux s'accordent...

Le désespoir s'égrène à l'œil de l'héliotrope,
En mèches de dahlias infuse le passé
Comme celui de l'air où tu serais passé,
Sombre obsession d'amour qu'on ne peut dépasser;
Le désespoir s'égrène en mégots d'or de clopes...

Et puis un jour de boue la chevauchée sanglante,
Une griffe tordant les terres et les corps,
Et les chevaux bleuis de souffrance et d'efforts,
Pour finir en aplat rouge au chemin des morts;
Et puis un jour la mine de plomb finissante...


A MOI MEME

Suis-je machine à yin et yang?
Parfum de vice, ylang-ylang,
Et la vague épurée diaphane,
Et le nuage noir qui plane
Pour peindre de sang l'horizon?
Suis-je machine à oui et non ?


A L'IMPOSSIBLE

Tous les possibles, les blessures,
L'amour donné par goût d'amour,
La patience d'or sans usure,
Ou la vague aux pierres des jours,
Sont tes poèmes bleus d'azur!

En toi l'innocence s'approche
Comme deux enfants vers la mer...
Don de créer qui s'ébauche,
C'est aujourd'hui, à peine hier,
Qui déjà fuit comme un reproche...

Tous les combats: parias, métèques,
Comme l'animal méprisé,
Ou l'agonie façon " hightech "
Quand la terre meurt écrasée,
Ici ou dans les îles grecques,

Ou en Asie, Chine et Afrique,
Tu les as pris au fond du cœur!
La liberté est ta musique,
Elle est veilleuse, force, ardeur,
Et rêve-nuit de la douleur!



Œuvre de Paul Cadmus
AUX HOMMES

Cuisses caresses
Aux muscles lourds,
"Devine" fesses
Au doux discours,
L'amour explore
En tâtonnant
Ce qui se dore
Superbement !

Jambes câlines,
Rinceaux de peau,
Le cœur s'échine
Au corps trop beau!
Ultime touche,
Serpents gracieux
Serrent farouche
Les amoureux...

N°2

Comme une pâte humaine
Dans un long pétrissage,
On boule au muscle froid,
On abaisse, on détend,
On détache les haines
Et les noirs croupissages,
Les déraisons du moi
Qui veut être dément...

Comme une pâte humaine
On veut lever d'amour,
Etre dessin d'artiste
Aux contours de velours,
Que les pastels deviennent
Notre corps sans retour,
Ebauche de graphiste
Et mode au goût du jour...




A un peintre idéal...

J'imagine un tableau qui se lit comme en braille
Et se vit plusieurs fois en caresses, laissant
Du crayon au pinceau les mêmes fiançailles:
Couleur de regard bleu, velouté rougissant...

J'imagine le peintre en son miroir des huiles
Approchant lentement son murmure d'espoir,
Fragilité perdue dans ce temps immobile
Où fuit le devenir en palettes de fards...

J'imagine un pays en fenêtre de toile,
Celui inaccessible au fond du cœur perdu,
Qui s'approchant toujours finit dans le dédale
Des routes aux pluies nacrées, seul, le soir venu...




Tableau d'André Derain

A MES PEINTRES

Derain ou bien Klee?
Une forêt grise
Qui s'électrolyse
En violet la nuit...

Freud ou Vallotton?
Une fesse épaisse
Ombre de tristesse
Et pli sans rebond...

Matisse ou Manguin?
Un air de lecture
Et la chevelure
Couleur lie de vin...

Chéret ou Dufy?
Une mer si calme
Aux pieds de ces palmes
Comme au paradis...


Tableau d'Henri Manguin
A S.

La forêt est un rêve dans la nuit,
Nulle étoile d'or au mouroir des feuilles,
Il n'y a qu'un bruit d'ombre qui accueille
Mes pas désorientés derrière lui...

Tout prend forme d'illusion et d'oubli,
Le dessin d'un corps semble disparaître
Et revenir d'un mouvement, quel être
Etrange au vent froid auquel il se plie...

Vivre est dans le goût du danger aussi,
Aucun miroir en couleur d'hématite
Ne pourrait rendre cet amour sans suite,
Sauf l'ébauche au plus près des corps transis...


A L'AMOUR QUI VIENDRA

Je suis l'arc et tu es mon ciel,
Parfois je suis en confiture
Pour toi ma pointe de croissant,
Ou bien je prends le goût du miel
Pour jouer l'amant immature
Et je te laisse avoir mille ans...

Je suis l'après, toi le midi,
Et du soleil en rouge-orange
Tous les mystères à venir,
Mon chef je suis à l'œuvre aussi
Pour te protéger comme un ange
Et jusqu'à toi de m'éblouir...

Tu es mon garde et mon manger
Et du matin les parfums moites
Quand la nuit glisse sur les fleurs,
Sans toi je me sens en danger,
La route deviendrait étroite,
Bleue, sans retour, et j'aurai peur...

Tu es le "Va", je suis le "Vient",
Le limonaire et sa rengaine
Plus philosophe au vent des jours,
Je suis les années sans destin
Et toi la lumière sereine
Qui délivre le mot amour...


A LA FRANCE

Les nations forment des parades :
Le vrai le faux en mascarade
Se prennent les pieds en marchant,
Solennels, la mort et le sang
Ont pavé ce chemin d'Histoire,
Et si ce n'est pas pour la gloire,
C'est bien pour peu de chose ou rien;
Les nations forment nos destins...

La médiocrité s'additionne,
On cherche les cons et les connes
Comme mesure à nos débats,
Et les médias rythment le glas
Proposant le poison acide
De putains fielleuses et vides
Dont les seins accrochent les gars...
La médiocrité prend le pas...

Tout le savoir, souffle de vie,
Sur tant de siècles desservis
Se clôt dans l'ombre des douleurs,
Tisserands, porcelainiers, fleur
Des artisans de noble France,
Meurent frappés par la finance
Comme Pleyel* au champ d'honneur...
Tout le savoir s'effondre en pleurs...

Le bateau coule, étrange farce,
Voleurs, hypocrites et garces
Viennent nous parler de demain,
Pourtant ils ont liés nos mains,
Et ils comptent leurs bénéfices,
Mais sur le pont des artifices
La vague s'éboule en fracas...
Le bateau ivre coulera...


*les ateliers Pleyel ont fermé définitivement leur porte en novembre 2013 ! Cette maison, fondée en 1807, était la plus ancienne manufacture de pianos au monde, et elle avait reçu en 2008 le label «entreprise du patrimoine vivant»...


Notes :



 

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