Citoyen du monde


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"Citoyen du monde!" L'expression semble presque un peu datée, tout comme l'espéranto qui a eu son heure de gloire! Cependant, Socrate, exprimait déjà à son époque, alors que le monde apparaissait si limité pour tous, cette citoyenneté hors norme : "Je ne suis ni d'Athènes, ni de Corinthe, je suis citoyen du monde." L'énoncé reste noble et porte une forme d'espérance pour se débarrasser des égoïsmes nationaux, des injustices politiques, des mains-mises mafieuses sur notre bien le plus précieux qui est celui de la diversité de la vie et du respect de notre planète!
 
En fait, ce frémissement d'unité court à travers toute l'Histoire et prend des formes diverses et parfois étonnantes. La terre des Hommes se limite et se retranche pour ceux qui ne changent ni dans leurs idées, ni dans leurs principes; mais il suffit d'aller vers tous ces "autres" pour s'apercevoir qu'on leur ressemble furieusement et que le mot "frontière" est sans doute avec celui de "meurtre" (dans la Bible le premier fait marquant entre deux frères) ceux qui ont le plus fait souffrir inutilement l'Humanité! Il est urgent de régénérer l'Homme qui s'épuise dans des impasses politiques et des extrémismes délirants; toutefois on refuse souvent d'accepter sa Liberté, ce qui demande plus d'efforts, préférant se laisser tranquillement manipuler, même au prix du bonheur et de notre vie!
 

Notre Michel de Montaigne, un des premiers philosophes en France à s'interroger, à sonder son coeur, et à prendre le temps de regarder sa conscience disait :
"Je propose une vie basse et sans lustre, c'est tout un. On attache aussi bien toute la philosophie morale à une vie populaire et privée qu'à une vie de plus riche estoffe; chaque homme porte la forme entière de l'humaine condition."

Cette idée d'appartenir au monde me semble avoir été la colonne vertébrale de l'Occident; à chaque époque, et sous différents traits, l'aspiration renait tel un alcyon. Une manière de ressentir socialement le monde de façon globale, comme on peut rechercher individuellement sa compagne ou son compagnon pour n'être qu'un!

Déjà, les grands empires à travers l'Histoire n'ont peut-être été que le balbutiement guerrier, maladroit et insensé, de ce souhait d'abolir les frontières pour trouver une unité. Mais le curseur ne pouvait être une Nation que l'on étire artificiellement jusqu'à la faire exploser.
Déjà, philosophes, théologiens, penseurs, écrivains, poètes ont parcouru le monde connu bien avant que les populations ne voyagent régulièrement, essaimant leurs idées et leurs écrits.
Déjà, les peintres, sculpteurs, architectes ont sillonné les capitales et les régions d'Europe fécondant ces terres de leur génie et de leurs créations.
Déjà, la musique a pris la nationalité du monde depuis des siècles, permettant des échanges fructueux, des enthousiasmes qu'on n'imagine plus à travers toutes les langues, et des adoptions généreuses!
Déjà, depuis un peu plus de cent ans, le cinéma envoie jusqu'aux pays les plus reculés du monde ses images, ses histoires, ses prototypes, et ses stars! Et ne parlons même pas de l'univers d'Internet, des réseaux sociaux, et des réseaux de télévision qui parachèvent l'ensemble!

Les religions ont eu le souhait de tendre à l'universalité, et à faire reconnaître leur croyance comme seule explication du monde. Et elles continuent à y travailler. Dans ce cas, tous les hommes appartenant à ces religions forment une même " assemblée du peuple" ou un "ensemble de peuples" constituant ainsi une seule communauté autour d'une même croyance.

Mais il est difficile d'imaginer un concept de "citoyens du monde" autour de croyances dont certaines différences dans les pratiques et les usages incitent plutôt à la désunion et aux luttes fratricides! L'intolérance viscérale des religions, vis à vis d'autres formes de religions ou d'autres modes de philosophies et de vies, est aux antipodes de cet esprit de "citoyen du monde". De plus, l'esprit asservi n'est jamais libre de comprendre et d'accepter l'humanité dans sa diversité.
 

Cependant, d'autres "sociétés", plus récentes, comme la société théosophique, ont dès 1875, insisté sur un syncrétisme religieux, s'ouvrant sur une vision philosophique sans frontière ni limite : "La vérité est un pays sans chemin", disait Krishnamurki. Dans ce cas, la nationalité se fond et tout s'apprend et s'interroge dans le seul livre de l'expérience humaine.

Une religion encore peu connue est également à mettre à part : le bahaïsme. Son originalité est de concevoir dès le XVIIIème s et le début du XIXème s les diverses révélations, et religions qui en sont nées, comme "progressives", c'est à dire comme si Dieu avait voulu révéler progressivement ses desseins aux hommes, suivant l'évolution de leurs propres connaissances et de leur niveau de conscience.


Dans le bahaïsme tout va vers l'unité de Dieu, l'unité de la religion et l'unité de l'humanité. Elle se développe sur une forme de syncrétisme autant religieux que philosophique, ce qui est digne d'être salué car cette religion proclame l'égalité des êtres humains et l'acceptation de leurs différences. La recherche de la paix universelle, de la non violence, du refus des préjugés et du racisme formant la clef de voute du bahaïsme avec l'idée d'unité de l'humanité, donc de citoyenneté mondiale pour tous!

D'autres courants ont porté cette idée, comme en premier Garry Davis, qui, juste après la seconde guerre mondiale, a rédigé avec Albert Camus une déclaration appelant à un gouvernement du monde ! Il a crée par la suite le mouvement des citoyens du monde.

L'après-guerre fut à ce niveau riche culturellement, par la philosophie (existentialisme) et toutes les formes d'art, de ces germes d'universalité. Il faut dire que les bouleversements culturels et les façons de vivre et de concevoir la vie ont amené à des modifications sociétales en profondeur!

La Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948, se fondant sur quatre piliers essentiels "liberté d'expression, liberté de religion, liberté de vivre à l'abri du besoin, et liberté de vivre à l'abri de la peur", a été le premier grand pas officiel dans ce sens.

Mais ce qui fait basculer l'utopie vers le réel et le présent des hommes, c'est peut-être avant tout l'accumulation des expériences et des volontés de chacun. Saluons pour cela notre lointain cousin, Jack Jean Louis Lebris de Kerouac, dit Jack Kerouac, écrivain américain qui fut le chantre et l'inspirateur de la "beat" génération! Une génération "foutue" certes, mais pour le système qu'elle a rejeté, et pas du tout une génération foutue pour l'avenir du monde.

Découverte des grands espaces, fraternités, échanges et partages sur un pied d'égalité vont révolutionner la société occidentale à la fin des années cinquante. Parallèlement, via la musique rock, les mouvements pacifistes et féministes, les revendications LGBT, ces différents courants vont donner une autre lecture du monde, et in fine, face à cette exigence de libertés, de droits nouveaux, et de libération des jougs du passé, un monde radicalement différent! Et le combat continue encore.
 
"Pas de noms
Pas même de visages,
Une Unique Pitié
Un Unique Lait
Une Unique Lumière d'Amour sauvent."
Jack Kerouac

Ainsi, au sortir de la seconde guerre mondiale, petit à petit, mouvements féministes et mouvements pacifistes, Beatniks, hippies, ont fait émerger, à partir des années cinquante, ce besoin irrépressible de rejeter un monde formaté, sclérosé, refermé sur lui-même et sur sa violence endémique et criminelle! Le monde s'est ressenti comme un tout au-delà des barrières d'Etats, des conflits, des frontières factices et des idéologies usées et dépassées. A cela se sont ajoutés des mouvements pour revendiquer une égalité des droits et une reconnaissance des minorités comme pour la population noire aux USA et les gays dans les pays occidentaux.

En fait le point commun à tout cela est une prise de conscience d'un abus, un "NON" digne de Camus, pour tout ce qui décroche du simple bon sens! Prise de conscience qui rejoint cette soif de libertés individuelles qui ont tant manqué au monde depuis qu'il s'est érigé en divers systèmes et en croyances de toutes sortes! Mais le "NON" devrait désigner une nouvelle voie à conquérir, de nouvelles volontés d'opposition, notamment écologiques, ce n'est cependant pas toujours le cas et on pourrait attendre longtemps de nouveaux concepts pour fonder ce vivre ensemble et l'installer dans la durée et la réalité. Se révolter oui, mais avoir une vision globale et un projet fédérateur ça serait encore mieux...

Ces citoyens du monde, me semblent bien nombreux à travers les âges, déjà avec tous les artistes cités plus haut, bien sûr avec les philosophes des Lumières et tout l'héritage qui en a découlé, dont jusqu'à nos jours la franc-maçonnerie, et puis les multiples pistes de toutes les révolutions entreprises, du moins dans leur étincelle embryonnaire, avant qu'elles ne deviennent soit des nouveaux totalitarismes soit des rêves brisés.
 

Aujourd'hui, on retrouve encore ce parfum de citoyenneté du monde, même s'il se caractérise différemment à travers les altermondialistes par exemple, ou d'après ce que l'on a pu voir avec le Printemps Arabe, pour ceux qui attendent une réelle liberté pour tous!

Tout part du constat d'une absence de liberté et d'un monde étouffant et mafieux où le népotisme est roi, ou d'un monde qui ne respecte pas les nouvelles revendications de libertés émergentes comme celles liées à la préservation de la Nature et à l'équité entre les peuples! Et tout part d'une comparaison entre ce que l'on imagine et voit du monde libre, ou d'un monde libre idéal, et ce que l'on vit au quotidien.

Mais ce qu'induisent aujourd'hui les réseaux sociaux, les liens Internet et toutes les images et informations médiatisées, c'est l'idée en fait qu'au-delà des langues et des cultures, il existe un modèle de liberté qui peut convenir à tous et qui devient un bien précieux à conquérir et installer. Les frontières disparaissent, les affinités s'établissent au niveau mondial, notamment via l'art et la musique qui sont les meilleurs vecteurs de cette universalité, car elle demeure la trame de ces échanges et de cette vie meilleure espérée.

Loin de laminer les esprits et les comportements, cette tendance m'apparaît plutôt comme un renforcement de la diversité culturelle et de son acceptation, s'accomplissant par le bas, c'est à dire par la population, et ce directement, les individus réalisant ce que les politiques et les états n'ont jamais réussi à faire ni à mettre en oeuvre depuis la Société des Nations jusqu'au concept onusien et à ses dérivés (Unicef, Unesco...).

Etre citoyen du monde aujourd'hui, c'est d'abord avoir une existence, une reconnaissance pour soi, pour le combat que l'on mène au niveau de l'égalité, la préservation de toutes les ressources et la nouvelle économie et philosophie à mettre en oeuvre, certains parlaient d'écosophie il y a déjà plus de quinze ans!

En résumé, les nouveaux "citoyens du monde", ceux qui acceptent d'apprendre, d'accueillir, d'aimer de ceux qui a priori nous apparaissent comme étrangers, se caractérisent selon moi aujourd'hui par trois points déterminants.
 
Tout d'abord c'est une démarche individuelle:
Par leur créativité, le souci du partage, ces hommes et ces femmes défrichent un chemin de conscience, afin d'assumer totalement leur personnalité, d'explorer de nouvelles philosophies innovantes; mais cette addition d'hommes et de femmes de bonne volonté tend à créer une tribu ou famille élargie au niveau planétaire!
 
Puis c'est un souci de vérité:
Avec le rejet des manigances, des partis politiques qui ont échoué et précipité le monde dans un chaos économico-mafieux, le rejet de tous les trusts, ils travaillent à de nouveaux rapports entre tous les hommes.
 
 
Enfin, c'est un retour aux sources:
Avec la défense de la Nature, de la biodiversité et des habitats naturels, le souci de sauver le monde, d’arrêter le massacre (autant pour l'Homme, que pour la Nature et les diversités culturelles), et d’aider à la promotion et l'instauration des Droits de l'Homme dans chaque pays, dont notamment le droits des femmes et des minorités, est de plus en plus vif et déterminé!

 
NOTES:





 

2 commentaires:

  1. Une belle étude sur la notion de Citoyen du Monde qui nous amène nous aussi à réfléchir sur notre capacité d’humanité et celle à prendre conscience de l’immensité des chantiers qu’il nous faut ouvrir pour créer les conditions d’une humanisation pour tous. Il est urgent d’arrêter le « massacre des innocents « (expression de Jean Biès) et de hisser les « indignés » au tableau d’honneur.

    Tu as ouvert les tiroirs de l’histoire en nous introduisant à travers les siècles, de Socrate à Montaigne, de la Renaissance à ce jour, où philosophes, théologiens , penseurs, artistes, peintres, sculpteurs, musiciens qui nous renvoient à une prise de conscience de l’universalité de notre propre identité.
    Certaines « religions » ou « cercles d’études « ont même essayé de fonder cette société universelle de paix en posant des principes d’indépendance et d’harmonie entre les êtres (Baha’i) et je suis satisfaite aussi de lire sous ta plume que « la vérité est un pays sans chemin » comme nous l’enseigne le grand maitre Krishnamurti « pour se libérer du connu ».
    Il est temps en effet de tout rééquilibrer, d’opérer enfin ce changement de paradigme devant la gravité de la crise sociétale et mondiale.
    Car on voit bien que cette Déclaration des droits de l’homme, la Charte des droits à la citoyenneté du monde avec son guide pratique et sa méthodologie demeurent inadéquats ou du moins incomplets. Les politiques, les états n’arrivent pas à instaurer l’égalité, la justice, le respect, la préservation des ressources…
    Pourquoi ?
    Parce que ce doit être « tout d’abord une démarche individuelle «, on est bien d’accord JLG
    L’homme doit avant tout se transformer lui-même et pour cela avoir une véritable conversion (le changement intérieur dont parlent les Maitres) un retournement de conscience, pour changer cette société. Et pour cela il a besoin de spiritualité. Cette dernière a été étouffée au fil des siècles par les dogmes (religions) puis par un laïcisme répressif et réducteur, et à ce jour par le matérialisme. Mais cette même spiritualité nous bousculera, nous fera faire un grand pas vers la Totalité de l’Homme… « le 21è siècle sa spirituel ou ne sera pas » A.Malraux

    En effet, depuis une trentaine d’années un mouvement de grande ampleur s’est développé en faveur de tout ce qui pourrait donner force à la citoyenneté du monde : l’écologie, des médecines non agressives, le yoga, la méditation, un chemin vers la spiritualité. Mais la société ne l’a pas encore réellement intégré. Peut être parce que nous sommes en pénurie de grands maitres spirituels
    Il est temps que chacun (avec la force du nombre et de la conviction) réaffirme son droit à l’existence en tant que Citoyen du Monde avec des valeurs différentes de celles reconnues par la société actuelle.

    Fonder une société des consciences c'est-à-dire agir dans la conscience à long terme, réintégrer l’homme au sein de la nature ( ton « Retour aux sources « JLG) , incarner l’Amour et la tolérance, et donc essentiellement , encore et toujours, renouer avec la dimension spirituelle afin de sortir de l’égoïsme national pour entrer dans une fraternité sans frontières au plan terrien et pour aller plus loin… au plan cosmique (mais là c’est un sujet que peut être tu aborderas dans tes prochaines réflexions). Car tu es un homme de réflexion qui de plus, doué pour amener tes lecteurs à réfléchir sur leur propre comportement. Un philosophe en somme, un poète philosophe qui n’a pas fini de nous surprendre.
    MFZ




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  2. JLG le robot n’a pas pris cette partie du commentaire (trop long) il n’est pas sympa ton robot !.......................... :

    Merci pour ta bibliographie (que j’ai lue sur tes conseils)

    Quelques autres écrits pour aller plus loin :

    « Guide pratique sur l’éducation à la citoyenneté mondiale (Collectif à l’usage des éducateurs et responsables politiques)
    « Passeport pour les temps nouveaux » -Jean Biès
    « Conscience et environnement » - Pierre Rabhi
    « Regards sages sur un monde fou » - Arnaud Desjardins

    Quelques pensées à méditer :
    « Si nous perdons le contact avec la nature dont nous faisons partie, alors nous perdons la relation d’humanité, avec les autres « -Krisnamurti
    « Nous devons être le changement que nous voulons voir dans le monde « - Gandhi
    « On ne comprendra jamais rien à la civilisation moderne si l’on n’admet pas d’abord qu’elle est une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure « - Georges Bernanos




    JLG le robot n’a pas pris cette partie du commentaire (trop long) il n’est pas sympa ton robot !

    Merci pour ta bibliographie (que j’ai lue sur tes conseils)

    Quelques autres écrits pour aller plus loin :

    « Guide pratique sur l’éducation à la citoyenneté mondiale (Collectif à l’usage des éducateurs et responsables politiques)
    « Passeport pour les temps nouveaux » -Jean Biès
    « Conscience et environnement » - Pierre Rabhi
    « Regards sages sur un monde fou » - Arnaud Desjardins

    Quelques pensées à méditer :
    « Si nous perdons le contact avec la nature dont nous faisons partie, alors nous perdons la relation d’humanité, avec les autres « -Krisnamurti
    « Nous devons être le changement que nous voulons voir dans le monde « - Gandhi
    « On ne comprendra jamais rien à la civilisation moderne si l’on n’admet pas d’abord qu’elle est une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure « - Georges Bernanos




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