Le voyage à Paris, impressions parisiennes juin 2015


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photos JL Garac
Le voyage à Paris, impressions parisiennes juin 2015
 
1-premières impressions
 
Revenir dans le microcosme gay parisien, après trois années d'absence, de ces années qui bouleversent votre vie en vous éloignant de tout, n'a pas été chose facile. D'abord il faut se faire un peu violence et essayer de reprendre confiance en soi, ensuite il faut parier sur la convivialité et l'ouverture d'esprit de ceux que l'on va rencontrer, et ce pari est fortement risqué aujourd'hui...J'ai toujours vu Paris comme un lieu de Liberté, un endroit festif, bouillonnant, plein de vie et de créations, et de possibles rencontres...J'avoue avoir un peu déchanté en m'apercevant que la roue du temps avait creusé un sillon bien différent dans les comportements et les esprits.

Ce petit monde est devenu plus impersonnel, plus renfermé sur des codes et des attitudes, plus imperméable aux différences d'âge et de condition, plus image factice autour d'un Bollywood gay où se bousculent des consommateurs saturés et hautains. Le chemin pour arriver vers une rencontre amicale, ou autre, est ainsi semé des ornières de notre époque! Epoque si réactive quand il faut mettre des étiquettes sur les uns et les autres, quand on prend soin d'éliminer au propre comme au virtuel tout ce qui ne ressemble pas à l'image consacrée, et quand on délaisse sur le bas côté de la vie celles et ceux qui ne sacrifient pas aux mêmes stéréotypes!    
 
2- poème au Luxembourg


 

Le bonheur s'appuie d'une main
Et le regard devient soutien
Lorsqu'il nous permet d'exister...
Que n'ai-je eu ce temps de vivre,
Où toute la magie se livre
Au-dessus de l'adversité?
Aujourd'hui plus rien ne raisonne,
Les esprits noués se cloisonnent,
Et la lumière est sans écho!
Un aimant plombe les images
Qui vont se cloner aux rivages
De l'ennui et du double égo...

 
Images au jardin du Luxembourg...


 
Un petit étourneau-sansonnet, couleur bronzite, déambule près de moi, très mannequin haute couture sur le tapis vert des pelouses du Sénat; stylé, un brin dégingandé, mais une plume snob !

Au Luxembourg, les pigeons sont gras comme des chapons, ils ont du mal à s'envoler et atterrissent souvent en catastrophe. En revanche, ils ont un port de sénateur qui cherche par habitude la reconnaissance d'un peuple habitué à les nourrir...

 
 
3 - Les musées
 
Certains grands musées me font plaisamment l'effet d'un STO, un service de "tourisme" obligatoire, où chacun parcourt en photographiant à la va vite et d'un regard égaré une part d'Histoire de l'Humanité !

En effet, le musée peut mourir deux fois, quand il regorge d'œuvres d'art à s'en étouffer et que les ombres des passants créent un grand tunnel opaque...Ainsi les chefs d'œuvre télescopent des visiteurs trop souvent aussi peu éclairés que cultivés, et deux vagues contraires s'élancent dans un immense tourbillon abyssal d'idiotie culturelle...

Fondation Vuitton


La Fondation L Vuitton, Paris
 
La Fondation Vuitton, due à l'architecte américain F Gehry, m'a fait l'effet d'un grand Zeppelin échoué sur la pelouse ! Quart gonflable, quart voilier, quart coquille tronçonnée et quart meringue craquelée, son image, changeante comme dans un kaléidoscope, lorsqu'on tourne autour du bâtiment, m'a laissé perplexe...Toutefois, l'intérieur est vaste et agréable, on se perd dans les étages et sur les différentes terrasses, et on admire avec frisson les multiples poutrelles qui fixent ces grandes voiles d'acier et de verre à la coque initiale. Cependant, in fine, on hésite encore à le comparer à, par exemple, un lotus gigantesque en fin de floraison, ou un Titanic brisé, ou un pliage japonais, un origami, qui aurait surpris jusqu'à son créateur ! Ce musée pousse à la métaphore; mais les œuvres proposées sont un beau florilège de l'Art Moderne contemporain ou du siècle passé.

Grand Palais et Musée Guimet


modèles de JP Gaultier sur la colonne de gauche et à droite habits de théâtre d'Asie, JLG
 
Il y avait dans l'exposition du théâtre en Asie au musée Guimet la même effervescence et magnificence créatrice que celles que j'avais pu voir à la rétrospective Jean-Paul Gaultier un jour auparavant. Les deux se faisaient curieusement écho! Certes notre grand couturier a souvent créé des costumes de scène, a mélangé des tissus variés, a imaginé des cuirs travaillés et tressés, a dessiné des sortes de brocards étranges, a multiplié des dentelles, des coiffures d'apparat, des accessoires précieux ou impensables, un peu comme dans la chanson de Trenet où la bonne se donne du plaisir avec une passoire, et sublimé des ornements tout en rutilance et facétie! Quel extraordinaire écho à cette œuvre donc que l'ensemble des costumes de théâtre proposé par l'Asie: Japon, Chine, Vietnam, Inde etc. qui ont fait du JPG bien avant l'heure et sans le savoir. Mais sans doute JPG s'est-il nourri de ces sources d'inspiration, renforçant cette unité de rêve, au-delà des lieux et des cultures, que toutes les scènes du monde détiennent de façon presque magique.

Musée Picasso et Musée d'Art Moderne

 
Je ne suis pas venu à Picasso tout de suite. Je dirai presque que Picasso est venu à moi. Il s'est imposé comme un amant dont on n'imagine pas qu'il puisse devenir votre amant et qui vous ravit corps et âme avec la force d'une évidence que l'on feignait de ne pas comprendre.

Chez Picasso, comme chez d'autres grands peintres du XX°s, les personnages expriment très souvent une profonde tristesse ou une mélancolie étrange. Il y a un parfum de solitude, de questionnement, de résignation, de blues, qui n'est peut-être pas le sentiment du peintre lui-même mais celui qu'il comprend du monde qui l'entoure et qu'il analyse, capte et intercepte: vibration morne et diffuse, contenant l'air de ces temps modernes, de ces drames en hoquet, et de ce goût de solitude et de mort né après les grandes convulsions guerrières du siècle passé, dont il reste tant de débris et de cendres.

œuvres de Picasso, détails
 
Avec Picasso les formes se meuvent, s'interpénètrent, se disloquent. Du cubisme jusqu'aux dernières toiles où l'abstrait flirte avec le figuratif, et le grotesque, il y a un mouvement puissant d'absorption, d'assimilation des formes et des couleurs! Tout s'emboite, le vivant devient Nature Morte et les objets sont les prolongements des hommes et des femmes. D'autres peintres, dont Bonnard, ont joué ainsi sur cette diffusion et dilution des personnages, des paysages et de chaque élément de leur composition.

Minautore et cheval chez Picasso.


œuvres de Picasso, détails
 
Bien sûr la revue surréaliste "Le Minautore", bien sûr les réflexions de Georges Bataille !!!
Même si l'on connait peu le contexte mythologique et l'histoire de la peinture du XX°s on peut retrouver facilement l'origine de cette puissante figure mi homme mi animal qui a hanté plusieurs peintres, dont Picasso! Pour moi je le ressens déjà intuitivement comme une forme brutale de Dionysos, avec son côté bestial, obscur, obsessionnel, lié évidemment à la sexualité et à une liberté ravageuse. Il y a entre le cheval et le Minotaure la même différence qu'entre la civilisation et l'anarchie, la révolte et l'obéissance, l'affirmation de soi face à la résignation et au socialement correct, pourrait-on dire !

Markus Lüpertz

 
En haut œuvre de Picasso inspiré de Goya, en bas l'interprétation de M Lüpertz

 
Exécutions goyesques de Picasso à Markus Lüpertz ! On tue parce que l'Etat est totalitaire ou parce qu'un individu ou un Dieu supposé est totalitairement déjanté...Au fil des siècles, dans ce manège à exécution, chacun a été en quelque sorte victime et tortionnaire : la folie humaine est une meule qui tourne sur le blé de nos illusions et la poudre de nos rêves...

Markus Lüpertz est une grande découverte, j'avoue ne pas m'y être intéressé auparavant, pourtant quelle force, quelle emprise dans l'espace de la toile et dans l'écho qu'il produit en nous, un néo expressionniste allemand de génie! Une sorte de Picasso du Nord en fait, avec des couleurs déclinées dans des teintes jamais violentes, presque terreuses et des camaïeux d'ocre, de vert, de rose, de gris...Il offre aussi une lecture claire, non chargée, de son univers, allant vers l'essentiel et un dépouillement manifeste dans certaines thématiques.

œuvre de M Lüpertz

 Art Moderne
Toute la peinture moderne n'est peut-être que le long accomplissement d'une intuition et d'un constat terrible: celui d'un monde qui éclate et qui se détruit devant nous! De là le foisonnement de toutes les relectures proposées par les différents peintres tout au long du XX°s comme une invective ou une interpellation féroce entre un passé sacré et un présent désacralisé. Les masques tombent! Dans cette intericonicité on réinterprète les grands classiques d'autrefois à travers un prisme plutôt révolté, où se mélangent à la fois l'admiration due à ces maîtres de l'art et le besoin irrépressible de tout chambouler et de révéler le vrai visage des choses dans la terrible réalité de notre société. La peinture comme la littérature ont porté un combat politique dont on oublie un peu vite aujourd'hui les racines et les motivations.

Ce mouvement de contestation, de révolte, de bouleversement et d'appel à l'intelligence et à la Liberté qui a émergé des décombres des vieilles sociétés héritées du XIX°s il y a déjà plus d'un siècle, n'est de nos jours guère compris dans son ensemble. Ces œuvres déconnectées de leur histoire sont devenues des éléments errants, une sorte de bois mort flotté culturel que les opportunistes des marchés de l'art ont su racheter pour faire de l'argent facile. Certains musées sont parfois glaçants pour ces œuvres, "Le transparent glacier des vols qui n'ont pas fui"* s'y retrouve prisonnier...

4- Gay Pride


photos JL Garac, Gay Pride, Paris 2015
 
La Gay Pride ne se renouvelle guère...C'est un peu comme un plat standardisé que l'on commande dans un bistrot : "chef, un plateau de fruits de mer s'il vous plait, avec crevettes, bulots, huitres, crabe, tourteau et queue de langouste"; la mayonnaise ayant le bon goût des produits industriels... Difficile de suivre un cortège sans trop de cohérence et d'unité qui semble se déconstruire au fur et à mesure qu'il avance, pour finir dans une sorte de techno parade éclatée. Pour ma part, je l'attendais d'un pied léger vers le pont Sully afin de ménager mes forces, vu le parcours, mais j'ai bien attendu longtemps avant de la voir arriver, et encore...Quelques ondes éparses et colorées finissaient par se désagréger dans la foule qui ne savait plus si elle devait attendre ou partir...

Une Gay "Parade" Pride me semblerait redonner du tonus à cette manifestation qui s'essouffle un peu d'année en année; cela permettrait d'avoir plus de créativité, plus d'humour, plus de spectacle et plus d'images et de de poésie ! Inviter plus souvent des communautés étrangères qui luttent encore pour se faire entendre ou pour simplement survivre et qui ne peuvent organiser aucune Gay Pride, me semblerait aussi judicieux. Une façon de rappeler que la France reste le pays des Droits de l'Homme et doit jouer son rôle de promotion des Libertés. Je note malheureusement que quelques vieillards traversant l'intersection du pont Sully ont copieusement injurié ce rassemblement, invoquant le bon temps où les "pédés" allaient en prison (sous la période de l'occupation sans doute...)! Rester Vigilant et Rassemblé est primordial, nos sociétés comportent encore trop de personnes qui ne peuvent imaginer la Liberté de ceux qui ne leur ressemblent pas.



 

NOTES :
* extrait d'un poème de Stéphane Mallarmé





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