Régressions


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RÉGRESSIONS


 
«L'esprit de l'homme est ainsi fait que le mensonge a cent fois plus de prise sur lui que la vérité.»
Erasme, Éloge de la folie

«L'ignorance est un crépuscule ; le mal y rôde. Songez à l'éclairage des rues, soit ; mais songez aussi, songez surtout, à l'éclairage des esprits.»
Victor Hugo, Discours d’ouverture du Congrès littéraire international de 1878
 
S'il fallait désigner d'un mot le monde d'aujourd'hui, je parlerai de régression!

C'est le qualificatif de ces dix dernières années 2010-2020 : régression de l'intelligence, du savoir, de la culture, régression du sentiment religieux, régression de la citoyenneté, régression de la pensée et de la philosophie englouties dans le monde des balivernes, des fake-news, des images et des postures, régression de l'homme dans les machines-gadgets qu'il invente et qui finissent par l'engloutir, régression de la vie partout sur la planète, régression de la beauté, régression de l'amour au profit de tous les archétypes et les facilités apparentes, régression de la pensée et du jugement dans les sables mouvants des mots en décomposition dont on ne connaît plus rien, régression de la justice déboulonnée pour laisser place aux attitudes dupliquées à l’infini et aux grimaces aberrantes, régression politique noyautée par l'opportunisme et les pamphlétaires cyniques, régression de l’idée de République, régression de l’humain!

Partout dans le monde l'imbécillité est montée d'un cran : on montre la nature étouffant sous la pollution et on investit des clowns à la tête des pays pour accélérer encore le mal, les villes sont noyautées par des réseaux mafieux et des racailles de tous horizons et on met à la tête de ces communes des débiles qui crachent sur la police, la folie a fait exploser les religions qui avaient pu trouver un point d’équilibre et la vermine humaine s'est répandue tout autour laissant proliférer les paroles de haine, de meurtres, de violences sans fin comme au pire moment des guerres de religions, et l'égoïsme s'est radicalisé au point de provoquer dans son monde de fantasmes toutes les convulsions du complotisme se déclinant en schizophrénie et en névroses multiples. S'agit-il de malveillance ou de bêtise? Parions, sans doute, que la montée de la bêtise humaine et des abrutissements de toutes sortes, comme on le rappelle dans le «rasoir de Hanlon» («Ne jamais attribuer à la malveillance ce que la bêtise suffit à expliquer.»), suffisent déjà à dépeindre notre époque.(1)

 
 
Ajoutons à cela que la notion du temps a claqué dans les esprits comme un vieil élastique. Les fléaux des siècles passés, comme l'esclavage, les colonisations, les conquêtes et les guerres incessantes sont devenus magiquement contemporains!

On fait de l’effacement historique et des brouillards de la pensée une donnée d’une étrange libération, et les libérateurs d’hier sont confondus avec les négriers! On veut tout effacer, tout remplacer, comme s'il était possible de réécrire l'Histoire et de faire fi des évolutions compilées à travers le chapelet des siècles…

Le monde devient un présent sans passé, sans société, sans chronologie, sans explication, sans raison, et sans queue ni tête!

De ce merdier magistral, l'Homme-scarabée n’est plus à l'image du soleil et des richesses de la vie, ou du progrès, il se transforme en bousier triste et acariâtre poussant devant lui des querelles sans fin, des inepties sans nom, et des selfies jusqu'au plus près de la mort. Nous sommes aujourd’hui dans la pyramide inversée celle de la décharge et de l’entassement des ordures et nous croyons être les rois du monde.

Il est curieux de constater qu’arrivées à un certain degré de sophistication, de technicité et de progrès, les sociétés commencent à se déliter, à se fissurer comme de vieux murs, à craquer comme des navires qui ont trop longtemps écumé les mers. Les sociétés se suicident, s’effondrent par pans entiers, se retournent contre elles-mêmes, et se mordent avec le venin le plus puissant qui existe, celui de l’absurdité et de l’obscurantisme.

 
 
C’est le grand paradoxe des grandes civilisations : en même temps que le champs des connaissances s’élargit exponentiellement, celui de l’effondrement sur soi, de la rétractation du jugement touche une large part de leur population, mollement installée dans la consommation et l’utilisation des outils techniques devenus magiques car ces consommateurs ne savent même plus comment ils fonctionnent.

Les oppositions traditionnelles riches/pauvres et toutes les classes sociales sont désormais dépassées par le seuil, bien plus infranchissable, de l’intelligence d’une part, et de la naïveté mariée au crétinisme d’autre part.

Si nos sociétés occidentales tiennent encore elles le doivent à certaines catégories professionnelles qui ont dans leur ADN le sens du devoir, du sacrifice, et la notion d’État de droit, en face elles n’ont que des histrions qui jouent des scènes déjà jouées par d’autres, mélangeant les causes, effaçant l’Histoire, alimentant leur compte Facebook pour gagner le plus de followers possible et faire concurrence aux milliers d’échos d’une même image reproduite jusqu'à la nausée. Ce sont les néo-surfeurs de l’absurde dont le monde se limite à une application, une explication, et un seul mot d’ordre.

La Vérité, si elle existe, se trouve dans les interrogations, dans la recherche, dans le tri des informations, dans la déduction, dans l’humilité, et dans la culture, la vaste culture qui englobe le passé et le présent, et tous les frémissements de la réflexion humaine, de son émotion, de sa compassion, de sa quête de l’autre et du partage, un peu partout sur le globe.

 
Il est significatif de constater aujourd’hui que le doute, les explorations et les approfondissements sont bannis au profit de l’arrogance, de l’affirmation et des jugements sans procès. Tout ce qui a construit l’humain est balayé pour une forme d’instinct nouveau, développé autour de l’Internet, pire poison que tous les virus réunis, qui est celui des tueurs, de la férocité et du besoin d’éliminer l’autre.

Selon la Bible le monde a commencé par une faute, celle de l’arrogance de vouloir s’approprier la Connaissance, et par un premier crime, actionné par la jalousie, qui conduit à assassiner son frère. L’Alpha rejoint l’Oméga et les mêmes causes donnent les mêmes conclusions.




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