Le "blason" du corps masculin - 1 -


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Sans doute avez-vous lu, du temps de vos études, des extraits de poésies du XVème et XVIème siècles à la gloire des différentes parties du corps féminin : tétons, bouches, cheveux doigts, pieds etc... Tout y est passé !




Tetin refaict, plus blanc qu’un oeuf,
Tetin de satin blanc tout neuf,
Tetin qui fait honte à la rose,
Tetin plus beau que nulle chose

(...) Du Beau Tetin (extrait), Clément Marot


(...)O beaux ongles dorés ! ô main courte, et grassette !
O cuisse délicate ! et vous jambe grossette,
Et ce que je ne puis honnestement nommer (...)

Du Bellay

(...) Car, quand de vous loing je me treuve,
Bel oeil, il est force qu’il pleuve
Des miens une obscure nuee,
Qui jamais n’est diminuee,
Ni ne s’éclaircist ou decouvre,
Jusqu’à tant que je vous recouvre (...)

Mellin de Saint-Gelais

(...) Cuisse en beaulté la plus feconde,
Cuisse qui n’a point de seconde,
Cuisse de belle creature,
Cuisse, chef d’oeuvre de nature.

Jacques Le Lieur

Les chantres et derniers poètes courtois ont ainsi dressé ce qu’on a appelé le « Blason du corps féminin » ! D’autres poètes, tel Baudelaire au XIXème siècle, ont réussi de même à décrire la sensualité de telle ou telle partie du corps (cf « La chevelure »).

Et puis la source s’est tue. A ne pas oublier toutefois, et plus tardivement, le fameux et audacieux "L’Idole, Sonnet du trou du cul" , à mettre tout de même à part, co-écrit par Arthur Rimbaud et Paul Verlaine.

A noter aussi que l’homosexualité dans la littérature française apparaît très timidement et de façon confidentielle vers le XVIIème siècle puisqu’elle reste condamnée, même si certains nobles la vivaient au grand jour ( tel Henri III). Pour les poètes antérieurs on pourra toujours se dire que leurs penchants homosexuels, s’ils en ont eu, ont été transposés sur l’image féminine.

Aujourd’hui les femmes et les hommes qui aiment les femmes disposent d’un fond intéressant de références dans cette belle littérature, certes un peu oubliée ! Et grâce à la chanson, on entend encore de nos jours, ici et là, louer les douceurs et rondeurs féminines.

Ayant avec que lui toujours fait bon ménage,
J’eusse aimé célébrer, sans être inconvenant,
Rendre corps féminin, ton plus bel apanage,
Que tous ceux qui l’ont vu disent hallucinant (...)

Le blason – G Brassens

Obscur et froncé comme un œillet violet
Il respire, humblement tapi parmi la mousse
Humide encor d’amour qui suit la fuite douce
Des Fesses blanches jusqu’au cœur de son ourlet.

Des filaments pareils à des larmes de lait
Ont pleuré, sous le vent cruel qui les repousse,
À travers de petits caillots de marne rousse
Pour s’aller perdre où la pente les appelait.

Mon Rêve s’aboucha souvent à sa ventouse ;
Mon âme, du coït matériel jalouse,
En fit son larmier fauve et son nid de sanglots.

C’est l’olive pâmée, et la flûte caline ;
C’est le tube où descend la céleste praline :

Chanan féminin dans les moiteurs enclos !


Rimbaud et Verlaine


Cependant, je ne connais pas d’équivalent pour le corps masculin et c’est bien dommage ! La fin du XXème et le début du XXIème siècle offrent pourtant pas mal de possibilité pour développer une poésie similaire puisque le corps de l’homme décomplexé, dénudé, exposé, modelé, tatoué, agrémentés de piercing semble supplanter dans notre imagerie de consommateurs affamés le corps de la femme.

C’est que l’image par elle-même a tout supplanté aussi, dont l’écrit hélas ! Quand à la vieille poésie moulinée de mots, elle cède pour le moment la place aux pixels et grains photographiques comme si l’imagination se rétractait devant le fantasme et l’esprit devant la matière. Devons-nous pour autant nous taire, nous les derniers poètes ? Passons donc rapidement en revue les éléments de ce nouveau blason :

Epaules tatouées de lianes acérées, cuisses et mollets ceints d’ombres crochues, dorure et ambre du bronzage, n’y aura-t-il personne pour reprendre la lyre antique et proclamer votre beauté troublante ? Il est vrai que les peuples primitifs avaient un langage des signes que nous avons perdu sciemment. Ces tatouages ne sont ici que la partie « art et déco » que l’homme voue à son corps et comme d’ailleurs plus rien n’a de sens, il n’y a que recherche d’élégance virile, équilibre des formes et tableau vivant...





Dessins sur des cheveux en brosse, crânes rasés, lisérés pour le bouc tel un trait de mascara, jeu de couleurs sur les mèches, la beauté masculine ose tout et porte son sex-appeal en diadème de reine.

Torses épilés, pectoraux en médaillon, muscles saillants, veloutés de toison noire où luisent des anneaux d’or aux seins, cuisses de héros grecs, fesses charnues et insolentes, tout livre le même message d’un besoin d’être et de se révéler à son propre rêve. Et je ne parle pas du sexe lui-même prôné, photographié et comme détaché souvent de son modèle à moins que ce ne soit le modèle qui soit très « détaché » et nu...

Alors qu’attendons-nous pour illustrer notre émotion, pour rétablir ce chant intérieur mêlé d’envies et de fascination ? Le sexe en plus nous le réclame pour continuer à nous donner envie de vivre et de vibrer, et nous trouver des objectifs d’extase ; et si ce n’est de l’amour ce ne sera déjà pas de l’indifférence.


Voici deux "essais" poétiques pour participer à ce blason du corps masculin :


Statue d’homme des années trente
Aux tétons comme des écrous,
Vous regarder toujours me tente
Et même d’y toucher le bout !

Vos lèvres de marbre au soleil
Disent plus qu’une ombre de cendres,
Fausse dureté et vrai miel
De tant de silence à comprendre...

Fesses dont le contour du monde
A moins de merveilles à voir,
Vous frôler est comme une onde
Qui va du coeur au désespoir !


Jean-louis Garac




Au fond de toi serais-tu faune
Pris par un lierre étrange et noir ?
La jambe et l’épaule en icône,
Je t’embrasserai pour avoir

Ce salut d’amour de tes courbes
Et ce message à découvrir
Jusqu’à la cuisse ferme et lourde
Où ton secret s’en va jouir...



Jean-louis Garac





A LIRE « Poètes du XVI° siècle » édition établie par A-M Schmidt à la bibliothèque de La Pléiade.

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