Steve Walker, un peintre américain


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Steve Walker, peintre canadien, est décédé en début d'année 2012 à l'âge de 51 ans; j'ai découvert cet artiste il y a quelques années et ce texte, que j'ai repris, veut lui rendre un tendre et sentimental hommage.








Parler de peinture et faire partager ses coups de cœur est toujours un défi en soi, car en fait la peinture se vit et se découvre. C’est une émotion profonde et personnelle, parfois difficilement partageable. On peut l’expliquer, l’éclairer, l’analyser, la comparer mais l’émotion qu’elle produit reste la notre dans les mystères de notre cerveau. Elle est la rencontre d’un univers visuel propre à chaque peintre qui développe ses codes, ses allusions, ses évocations, ses appropriations, ses transpositions, sa sensibilité à fleur de formes et de couleurs, et de notre impression face à une image qui suggère et se développe en nous. Nous sommes des re-créateurs qui ouvrons cette image dans notre imaginaire en la liant à notre culture, à nos références, à nos goûts, à notre vécu et à nos émotions.


Dans ce monde saturé d’images que nous connaissons, un nombre incalculable de peintres, graphistes, stylistes, photographes finissent dans les méandres de la galaxie virtuelle et ne dépassent pas le cadre d’une exposition de quartier ! De temps en temps cependant, notre regard sort de sa torpeur et s’accroche à une œuvre découverte au hasard des publications sur Internet, ou sur une illustration de pochette de livre, ou via une affiche… Commence alors un jeu de piste pour identifier l’artiste en question et son œuvre si elle existe. C’est ainsi que j’ai découvert Steve Walker, tout simplement la première fois en découvrant l’illustration de couverture d’un roman d’Eric Jourdan !


Avec Steve Walker, la première question que l’on se pose est : photo ou peinture ? Ces grands tableaux sont dans le goût de l’hyperréalisme. Les angles dans lesquels les personnages sont appréhendés sont eux-mêmes inspirés des angles photographiques ou cinématographiques. L’homme dépeint est décrit méticuleusement comme une photo instantanée : on se savonne sous la douche dans une attitude qui n’a rien d’une pose, on repasse à même le sol et toute la garçonnière est suggérée, on tient un drapeau sous le vent lors d’une gay-pride, on promène son petit garçon, on regarde la mer et les autres garçons, on joue avec son chien…

Les décors sont relativement simples, et les scènes se passent très souvent au bord de l’eau, il y a en quelque sorte une forme de décor minimaliste : mer, lit, passerelle, mur, table etc. ce qui accentue l’importance du personnage et lui donne une solitude étrange, mélancolique. L’hyperréalisme dans ce contexte rend paradoxalement le personnage plus absent ou plus retourné vers lui-même, face à une solitude ou à une angoisse devant la vie, devant l’immense, devant ce qui est à peine esquissé. Plus on se rapproche de la réalité et plus la solitude grandit pourrait-on dire…


La plupart du temps ces hommes sont peints de dos, plus rares sont les tableaux où le visage d’un garçon se découvre. A chaque fois on est frappé par la beauté des corps, tous les garçons qu’il peint semblent un peu sortis du même moule : bien bâtis, musclés, entre vingt et trente ans, plutôt bruns que blonds, habillés de chemises, t-shirt blanc et jeans, avec un côté bcbg qui peut se lire dans les deux sens du sigle : bon chic bon genre, beau cul belle gueule ! Il crée ainsi son mythe du masculin : homme seul, hommes en couple, soulignant parfois aussi une homoparentalité sereine, homme devant le souvenir de son ami, hommes en quête d’hommes, homme devant la statue mythique de l’homme (pour le David de Michel-Ange) etc. A noter que les couples d'hommes reviennent souvent sous son pinceau et donnent l'impression d'un partage serein et amoureux.

Walker a conçu un type de garçon particulier, fait de douceur de peau et de rondeurs de muscles, beau gosse viril sans affectation ou affèterie, mais loin de toute représentation de la diversité du quotidien. On pourrait dire plaisamment que c’est un Tom of Finland sans le côté sulfureux et sexe, mais avec la poésie et la tendresse en prime !

Dans une certaine mesure, ces tableaux me font penser également à Edward Hopper, grand peintre américain, qui a su styliser et simplifier les scènes de la vie quotidienne qu’il nous montrait dans la première moitié du XX° siècle aux USA. J’y retrouve comme point commun cette même sensation de solitude et de silence qui se dégage des scènes peintes, autant par le traitement même du tableau et sa mise en scène que par les couleurs employées et les larges surfaces qu’elles couvrent, mais les toiles de Walker sont moins chargées au niveau décor et les personnages prennent plus de place dans leur périmètre.

Clin d'oeil plein d'humour au tableau d'Ingres d'ailleurs reproduit sur le livre que tient le personnage

De Vermeer jusqu’à nos jours la peinture a décliné mille possibilités de situations, d’angles de vue, de moments pris sur le vif. Les décors passent, le monde et sa philosophie évoluent, mais les personnages humains demeurent, pris dans l’éternité d’un geste, d’une attitude, d’un sentiment. Paradoxe, cette permanence de l’instantané jouxte le côté éphémère de l’homme déjà guetté par son absence au monde. C’est peut-être là toute la beauté existentielle de notre vie observée à travers ces œuvres.



Site de Steve Walker : http://stevewalkerartist.com/


Sur le site de Steve Walker, http://quest.sasktelwebhosting.com/,


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