"Strella", une étoile est née !


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Le film Strella sort enfin en dvd en avril 2011, ce film hors norme est à ne rater sous aucun prétexte, car ce film deviendra je le pense "culte"! Il s"agit d'un film grec, ce qui est rare, et d'un film d'un cinéaste qui est un véritable orfèvre dans la mise en scène comme dans le scénario qui est aussi original que dérangeant ! De plus ce film est joué par des acteurs vraiment exceptionnels et hors normes, à vous de le découvrir ...

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Panos H. Koutras est un cinéaste grec d’une quarantaine d’années qui nous offre avec « Strella » son troisième long métrage ; il est également le réalisateur du film étonnant et parodique « L’attaque de la moussaka géante » qu’il a réalisée non sans difficultés entre 1995 et 1999.

Personnellement, je situe Koutras dans la lignée de Pedro Almodovar et de John Cameron Mitchell ; comme ces deux derniers cinéastes il utilise des personnages à la limite de notre société qui nous renvoient à un tout autre univers et à une toute autre interprétation de la vie : le monde interlope devient le miroir par lequel on passe dans une autre analyse de la condition humaine.

Koutras, comme il l’explique lui-même, a également rendu hommage à la culture grecque à travers son film « Strella » dont le nom vient de la rencontre de « Stella », étoile, et titre d’un film de Cacoyannis des années cinquante avec Mélina Mercoury (voir aussi « Jamais le dimanche » de Jules Dassin, 1960), archétype de la femme libérée grecque, et du mot « trella » qui en grec moderne signifie « la folle ». Il est aussi l’auteur du scénario.

Mais l’hommage à la culture grecque ne s’arrête pas au titre du film, il continue à travers la musique : la voix de Callas, sublime et poignante, est un leitmotiv qui accompagne l’histoire, et il est omniprésent dans la structure même du drame puisqu’il donne une lecture inverse du mythe d’Œdipe !

Qui est Strella ? Il s’agit d’un transsexuel non opéré d’environ 24 ans, vivant d’imitations de Callas dans un petit cabaret où se retrouvent notamment des transsexuels et de prostitution à travers un réseau d’habitués. Strella habite Athènes, dans un petit appartement qu’elle a rendu coquet car elle sait très bien bricoler : elle retape ainsi un vieux lustre qu’elle orne de pendeloques hétéroclites comme dans les meilleures boutiques branchées du Marais ou répare le téléviseur d’une amie.

A ce propos les ami-e-s de Strella viennent tous de la même « communauté » : des transsexuels, des travestis, des prostitués. Le film nous donne à plusieurs occasions des portraits de groupe haut en couleurs : mélange de créatures du monde de la nuit au maquillage outré, aux tenues provocantes, aux regards profondément humains emprunts d’une intense tristesse. Les passages entre Strella et son amie qui se meurt d’un cancer sont de la même veine, la solidarité et l’entraide fonctionnent très bien entre ceux que la société continue de marquer du sceau infâmant de « marginaux ».

En effet, en Grèce comme ailleurs dans le monde le seul destin qui s’ouvre pour une personne qui souhaite changer de sexe, en apparence ou en réalité, est trop souvent celui de la prostitution. En aparté je dirai qu’on ne peut que se réjouir d’apprendre aujourd’hui que les transsexuels en France ne sont plus considérés comme des malades mentaux (voir lien) ; c’est donc une première en matière de Droit, tout à l’honneur de la France, que de faire avancer les mentalités sur ce sujet. En revanche, le retard français pris sur les questions du mariage, de l’homoparentalité, et de l’adoption donne encore de beaux jours à tous les complices et associés des « Attaques de la Mitre Géante », pour rester dans le ton des œuvres de Panos Koutras… On imagine bien que la Grèce n’a pas les mêmes avancées sur ce sujet.

A côté de Strella l’autre personnage clef du film est Yiorgos, il s’agit d’un homme d’une cinquantaine d’années, plutôt fins, brun, rasé, qui vient de passer 15 ans en prison. L’on apprend plus tard qu’il a eu cette peine suite à un meurtre qu’il a commis.

Le film petit à petit pose chaque puzzle du scénario : Yiorgos en sortant de prison recherche le fils qu’il n’a plus vu depuis 15 ans et qui doit avoir 24 ans ; il s’attache à Strella, qu’il rencontre dans le premier hôtel dans lequel il descend, et qui comme une vrai magicienne de la mythologie tissera autour de lui des filets surprenants. Le fait que Strella soit transsexuel ne le gêne pas, il faut dire que le réalisateur nous fait comprendre dès le début que son jeune co-détenu semblait être son « ami ».

Sans révéler l’histoire, qui porte un fort rebondissement, je soulignerai simplement que le drame d’Œdipe réutilisé dans ce film, qui dans la mythologie provoque le premier jugement humain éthique et indépendant vis-à-vis des actions réalisées (Œdipe se crève seul les yeux en apprenant qu’il a couché avec sa propre mère), n’entraîne pas dans cette relecture de la tragédie œdipienne les mêmes conséquences.

En effet, Œdipe suit le destin d’un homme pris dans les us et coutumes de sa société, il n’échappe pas aux « murs et fossés » construits par des générations avant lui et qui ont fondé et délimité la pensée et la civilisation grecque dans ses mythes, rites, traditions, pratiques et perceptions symboliques du monde environnant. Laquelle sera plus tard à son tour un des socles de la civilisation occidentale moderne.

Panos Koutras, jouant les ethnologues et les anthropologues, dessine un autre tableau de l’humain avec ceux qui, à la lisière des lois et de la société bien pensante, se construisent d’autres références et d’autres règles morales. L’horreur ressentie par Œdipe l’entraîne à s’automutiler, ici le choc produit, s’il entraîne un premier rejet violent mêlé de rancœur, tourne vite court, le sentiment qui prédomine n’est pas celui de la culpabilité, de la souffrance et du tourment, comme si tout cela avait été déjà largement payé par Strella et Yiogos vis-à-vis de la société, mais un profond besoin d’aimer, d’accepter l’autre et de continuer à vivre et à survivre le mieux possible.

Les lumières du lustre de Strella rejoignent les lumière de la lampe de Yiorgos, c’est une nouvelle vision du monde dans un kaléidoscope de sentiments profondément humanistes et de besoin de reconnaissance de soi et de l’autre.

Loin d’être une farce ou une monstrueuse parodie, le scénario m’apparaît comme fort bien conçu, de plus le jeu des acteurs est exceptionnel ! Panos Koutras confie qu’il a voulu donner le rôle à un véritable transsexuel pour incarner Strella et qu’il a failli tout laisser tomber car il n’arrivait pas à trouver « son » personnage. Le rôle de Yiorgos a été donné au mari de la monteuse de ses films, qui lui aussi n’est pas un acteur professionnel et qui travaille dans le milieu équestre dans la vie de tous les jours, mais ce dernier a trouvé le scénario si intéressant qu’il a voulu incarner ce personnage et faire œuvre de militance !

Sorti en fin d’année 2009 en France, ce film devrait prochainement paraître en dvd, à ne pas manquer donc afin de plébisciter une œuvre d’une grande originalité et sensibilité.



Le film Strella a été projeté en 2010 dans le cadre du festival du film gay et lesbien de Nice: voir le site des Ouvreurs : LES OUVREURS NICE
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