Femmes d'hier et d'aujourd'hui


(0) commentaires

A une heure où les femmes sont encore soumises à tant d'injustice et de comportements criminels, même en occident, et qu'à travers le monde le fanatisme les relègue à un rôle de servantes dont la vie importe peu et qu'il convient d'éliminer pour alimenter la machine à broyer les cerveaux et les hommes, l'exemple aujourd'hui de "Sakineh" en Iran nous le rappelle cruellement (voir lien pour la pétition en fin d'article), je vous propose aujourd'hui une réflexion sur deux femmes de lettres exceptionnelles qui ont porté haut le fragile étendard de l'humanité...

* * *

La poésie est une affaire de « cœur », il faut avoir une certaine corde sensible pour y être éveillé en quelque sorte ! Beaucoup se disent en effet peu ou pas du tout intéressé par la poésie, jugée comme une pièce de musée morte et empaillée, mais ces derniers ne s’aperçoivent même pas que cette même poésie a pris refuge dans la chanson et dans d’autres supports dits « médiatiques » comme la photographie par exemple, alors ne faudrait-il pas réveiller nos méninges, notre curiosité et se laissez aller à la valse lente des mots…



Aujourd’hui j’ai envie de vous faire partager une douce poésie, une poésie du quotidien en quelque sorte qui n'est tombée dans aucune querelle d’appartenance à tel ou tel groupe et qui doit tout à l’extrême sensibilité de leur chantre, à savoir deux femmes simples, authentiques qui ont maîtrisé les rythmes, les mots et leurs inspirations avec une science instinctive.




Marceline Desbordes Valmore (1786-1859) et Marie Noël (1883-1967) font partie des rares poétesses françaises de notre littérature. Comme cela a été dit et constaté, la poésie est malheureusement, « une affaire d’hommes » depuis des siècles… Cela signifie déjà deux choses : à la fois le peu d’espace dévolue à la création littéraire féminine dans le passé et aujourd’hui encore le peu de publicité et de reconnaissance autour de ces femmes de lettres curieusement peu connues du grand public et ce malgré une plus large place laissée aux femmes depuis quelques décennies dans le domaine littéraire.



Les rares femmes de lettres que nous connaissons du XIX°s; jusqu’à la moitié du XX°s. ne doivent leur succès immédiat me semble-t-il qu’à l’air de scandale qui a pu envelopper leur carrière à leur début, telles Georges Sand, Colette ou Sagan; ainsi le vice de la communication met en avant les côtés "sulfureux" ou hors du commun au détriment de celles et ceux dont la vie offrent moins d'emprise et de convoitise.



Mais pourquoi ce silence et cet oubli autour de ces poétesses ? Ce n’est ni le talent qui leur manque, ni l’originalité de leurs œuvres, très souvent en avance sur leur temps ! Sans doute pourrait-on leur reprocher durant leur vie trop de discrétion et d’humilité autour de leurs publications et après leur mort l’absence d’un Pygmalion littéraire pour nous aider à prendre conscience de l’intérêt de leurs créations et nous inciter à les découvrir!



L’une de ces femmes a commencé sa carrière au début du 19°s. d'abord comme comédienne au théâtre et l’autre au début du 20°s ; elles ont eu un don immense pour la poésie, une sorte de poésie pure et facile d’accès car très éloignée des stériles querelles de style ou de mouvance où se frictionnent à plaisir des plumitifs exubérants tout en rodomontades et des écrivaillons fantasques sans esprit créatif.



Loin de tous ces tumultes, ces deux femmes ont proposé une belle réflexion sur la vie, ouvrant leur cœur à travers un quotidien simple et touchant, atteignant à une indéniable beauté dans leur versification, dans l'inventivité des rythmes employés et dans le déploiement de toutes les structures diversifiées de leurs strophes, le tout d’une façon aussi naturelle que spontanée.



Elles laissent un témoignage d'une inestimable qualité et d'une grande profondeur. Elles sont avant tout "authentiques", et ont livré cette part si délicate et si fugace à saisir qui est, dans la peinture des sentiments et des impressions ressenties, l'essence même d'un être et le regard porté sur toute une vie.





Marceline Desbordes Valmore - Les séparés



N'écris pas. Je suis triste, et je voudrais m'éteindre.
Les beaux étés sans toi, c'est la nuit sans flambeau.
J'ai refermé mes bras qui ne peuvent t'atteindre,
Et frapper à mon coeur, c'est frapper au tombeau.
N'écris pas !



N'écris pas. N'apprenons qu'à mourir à nous-mêmes.
Ne demande qu'à Dieu... qu'à toi, si je t'aimais !
Au fond de ton absence écouter que tu m'aimes,
C'est entendre le ciel sans y monter jamais.
N'écris pas !



N'écris pas. Je te crains ; j'ai peur de ma mémoire ;
Elle a gardé ta voix qui m'appelle souvent.
Ne montre pas l'eau vive à qui ne peut la boire.
Une chère écriture est un portrait vivant.
N'écris pas !



N'écris pas ces doux mots que je n'ose plus lire :
Il semble que ta voix les répand sur mon coeur ;
Que je les vois brûler à travers ton sourire ;
Il semble qu'un baiser les empreint sur mon coeur.
N'écris pas !







Marie Noël - Chanson



Quand il est entré dans mon logis clos,
J’ourlais un drap lourd près de la fenêtre,
L’hiver dans les doigts, l’ombre sur le dos…
Sais-je depuis quand j’étais là sans être ?


Et je cousais, je cousais, je cousais…
-Mon cœur, qu’est-ce que tu faisais ?

Il m’a demandé des outils à nous.
Mes pieds ont couru, si vifs, dans la salle,
Qu’ils semblaient, -si gais, si légers, si doux,-
Deux petits oiseaux caressant la dalle


De-ci, de-là, j’allais, j’allais, j’allais…
-mon cœur, qu’est-ce que tu voulais ?

Il m’a demandé du beurre, du pain,
-ma main en l’ouvrant caressait la huche-
Du cidre nouveau, j’allais et ma main
Caressait les bols, la table, la cruche.

Deux fois, dix fois, vingt fois je les touchais…
-Mon cœur, qu’est-ce que tu cherchais ?


Il m’a fait sur tout trente-six pourquoi.
J’ai parlé de tout, des poules, des chèvres,
Du froid, du chaud, des gens, et ma voix
En sortant de moi caressait mes lèvres…

Et je causais, je causais, je causais…
-Mon cœur, qu’est-ce que tu disais ?


Quand il est parti, pour finir l’ourlet
Que j’avais laissé, je me suis assise…
L’aiguille chantait, l’aiguille volait,
Mes doigts caressaient notre toile bise…


Et je cousais, je cousais, je cousais…
-mon cœur, qu’est-ce que tu faisais ?



0 commentaires:

Enregistrer un commentaire