Redécouverte d'un opéra de Gounod "La nonne sanglante"


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L'opéra de Charles Gounod « La nonne sanglante » fut écrit vers 1852. Gounod était alors âgé de 36 ans, c’est donc un compositeur tout à fait maître de ses moyens et de sa technique qui livra à son public une partition fort attachante ! Dès sa présentation à l’Opéra de Paris cet ouvrage connu du succès, mais sur un court laps de temps, car il fut très vite retiré de l’affiche !

On sait aujourd’hui qu’une forme de cabale, due au travail de sape des grenouilles de bénitiers de l’époque, a poussé à ce que cet opéra quitte l’affiche précipitamment… En effet, l’histoire, « gore » pour l’époque, parle d’un fantôme de nonne se mariant par substitution avec le fils de son assassin pour mieux arriver à se venger, le tout dans un contexte digne des luttes de clochers entre familles rivales façon Capulet et Montaigu !

Une telle statue du Commandeur devait mettre mal à l’aise les ultras-cathos et faire vaciller leurs élucubrations soporifiques. Il est vrai que le livret, écrit par Eugène Scribe, inspiré d’après un roman anglais de la fin du XVIII°s.("The Monk" de Matthew Gregory Lewis), est très original par rapport aux habitudes littéraires françaises peu enclines à imaginer des spectres dans une histoire d’amour contrarié. En revanche ces mêmes « spectres » sont comme on le sait très abondants dans la culture anglaise ! De Shakespeare à Mary Shelley c’est un bouillon de créatures, façon « Thriller »…On apprend aussi que ce livret, presque « maudit », passa entre diverses mains célèbres, dont celles de Berlioz qui le garda 5 ans sans arriver à sortir une seule note ! Ce fut Gounot qui s’y colleta et qui réussit brillamment à le mettre en musique et en voix.

Théâtre d'Osnabrück
Avec « La Nonne sanglante » la musique somptueuse de Gounod inaugure tout à la fois les grands opéras qu’il allait écrire dont Faust, Mireille et Roméo et Juliette parmi les plus connus et les meilleures pages de ses créations religieuses dont le célèbre et éclatant oratorio « Mors et Vita ». Il trace de même la voie aux futures grandes pages de l’opéra français de la fin du romantisme avec les opéras à venir de Saint-Saëns, Massenet et Bizet notamment. L'histoire n'a été que peu modifiée pour cette grande reprise et seulement dans le but de lui donner plus de clarté.


CPO, qui est une maison d’édition de musique dont le catalogue contient de véritables trésors et de vraies raretés, a eu la bonne idée de sortir ce coffret en 2cd de l’opéra de Gounod, jusqu'ici totalement oublié tant à la scène qu'à l'enregistrement. La captation a été faite à l’opéra de la ville d’Osnabrück, située en Basse-Saxe, qui compte tout de même dans ses célébrités le peintre Felix Nussbaum et Erich Maria Remarque.

Ville d'Osnabrück

La direction d’orchestre d’Hermann Bäumer est d’excellente qualité tout le long des 5 actes et des trésors mélodiques qu’ils recèlent. Coup de chapeau aussi à l'orchestre symphonique d’Osnabrück comme au chœur et aux interprètes, dont la seule réserve ne concernera que la diction du français pas toujours très bonne. Mais c’est une critique qu’il faudrait appliquer à tant d’enregistrements contemporains ou plus anciens que cela devient presque inutile de le souligner encore!

Le français n’est en effet pas chose facile à l'opéra pour ces interprètes étrangers, comme d’ailleurs pour les chanteurs français eux-mêmes, qui pallient souvent le manque de clarté dans la prononciation par d’autres qualités vocales et par leur jeu. L’idéal à ce niveau est difficile à trouver et il faut sans doute remonter fort loin pour rencontrer une belle "référence", ainsi une voix comme celle de Georges Thill (ténor) a-t-elle été un modèle de clarté et sans trop de « nasalisation » (risque fréquent chez les ténors) pour les grands rôles de notre répertoire.


Les interprètes principaux sont Marco Vassali, Yoonki Baek, Natalia Atmanchuk, Eva Schneidereit, tous particulièrement inconnus en France mais donnant une très belle interprétation de cette oeuvre.

C’est un fait très souvent répété ces dernières décennies de retrouver des chefs d’œuvre du passé et de notre culture, ressuscités par de grands admirateurs étrangers : chefs d’orchestre, metteurs en scène et directeurs de collection (CPO, Hypérion, Chandos, Naxos etc.). Toutefois, il ne faut pas oublier en France l'immense talent et travail de Michel Plasson, avec l'orchestre du Capitole de Toulouse (chez EMI), qui a remis en valeur de grands compositeurs parfois ignorés aujourd'hui tels Magnard et enregistrés tant d'oeuvres du répertoire français. Honneur donc à tous ceux qui nous ont permis de retrouver notre patrimoine et de réentendre Gounod, Berlioz, Massenet, Thomas, Schmitt, D'Indy, Pierné et tant d’autres !











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