Homophobie et Bible, le livre de Patrick Négrier


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Chagall - Moïse
Les livres de réflexion et d’érudition ne sont pas si courants aujourd’hui, beaucoup manquent d’objectivité ou sous les dehors d’un vernis scientifique ne servent qu’à entretenir l’image médiatique de leur auteur.
Rares également sont les livres qui osent toucher aux grands fondamentaux de notre société comme les Religions. Là encore, si on ne retient que l’Occident, on ne peut que constater le retard inimaginable accumulé par les Eglises sur le nécessaire « dépoussiérage » des textes bibliques.

Réfléchir sur ces livres n’est pas un passe temps de spécialistes coupés du monde, ces livres et leurs interprétations ont créé dans le passé des guerres aussi immondes que scélérates, des condamnations terribles et des souffrances sans fin. Insidieusement ces écrits, non débarrassés de leurs scories, distillent encore aujourd’hui leur poison, de plus on constate quotidiennement le renoncement de toute forme de réflexion, ce qui est presque la « marque » d’une société basée sur la futilité, la facilité et les superstitions retrouvées.

Sascha Schneider
En France il n’est plus tolérable aujourd’hui d’entendre encore des condamnations provenant de l’Eglise Catholique ou autre, qui, méprisant la séparation de l’Eglise et de l’Etat, continue de porter atteinte à des hommes et des femmes qui veulent vivre simplement et ouvertement leur homosexualité. Il n’y a dans ce cas nul respect des us et coutumes de notre pays et de son histoire, mais l’incessant martèlement d’une doctrine qui confond spiritualité et libertés individuelles, cherchant à imposer à tous le même masque du « ravi » de la crèche pour rendre gloire à Dieu!

Ainsi, aveuglement, mise à l’écart de théologiens trop « innovants », entêtement, manipulations, tout s’accumule pour continuer à laisser la Bible dans sa gangue d’obscurité, de contradictions et d’erreurs.

Erreurs qui peuvent concerner autant le sens de tel ou tel passage que la véracité d’attribution de tel ou tel autre livre de l’Ancien ou du Nouveau Testament.

Je reste croyant mais détaché de toute forme d’appartenance à des Eglises dogmatiques et renfermées sur leurs traditions! Voilà bien une des clefs de cet immobilisme de la pensée théologique: la « Tradition », qui finit par l’emporter sur la Vérité, le « Rituel », qui comme dans certaines maladies mentales, l’emporte sur les simples mouvements de vie.

Le Greco -  Christ
Mais si nous posons l’idée que Dieu existe, comment peut-on imaginer qu’il s’éloigne de toute raison, de toute clarté, pour tomber dans toutes les formes de discriminations, de haine ou de condamnations fantaisistes, prônant un schéma de société simpliste et hiérarchisé : « homme-femme », qui ne rendrait aucunement compte de la pluralité de la sensibilité humaine et de la diversité de sa propre création.

Ces hommes d’Eglise servent-ils Dieu, ou à travers lui leurs propres peurs et leur propre agressivité devant ce monde? Ceci pourrait expliquer leur vision si étriquée et hargneuse sur toutes les variantes de l’amour sur terre…

Ne faut-il pas cesser urgemment de peindre Dieu à travers des égoïsmes humains porteurs de mort?

Le livre de Patrick Négrier « Contre l’Homophobie, l’homosexualité dans la Bible », aux éditions Cartouche, fait partie des livres rares qui alimentent une réflexion en profondeur sur les textes bibliques et leur vrai sens. Ceux qui préfèrent la Tradition à la Vérité seront sans doute horrifiés de constater que leur vision de haine et de dégoût tombe en poussière sous les outils de ce chercheur qui tel un « archéologue » dégage, nettoie et restaure les mots, les situations, les mythes, les rites, les coutumes et usages qui ont été utilisés dans le creuset de la Bible, via les civilisations antiques du Moyen-Orient. En un mot Patrick Négrier fait un excellent travail d’exégèse !

Remercions le de ce travail colossal qui nous permet d’avoir une autre approche des textes bibliques et d’apercevoir une autre lumière plus conforme à celle d’un Dieu de compassion et d’amour.

Je vous laisse découvrir les différentes notes que Patrick Négrier a bien voulu m’envoyer, en me permettant de les publier sur mon blog, car il fait partie des chercheurs, rares et perfectionnistes, qui prolongent leur réflexion bien après la publication de leur ouvrage.

 JLG

(voir mon article précédent sur le livre de Patrick Négrier).


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P de Champaigne - sommeil d'Elie
Rectificatifs et compléments


à mon livre Contre l’homophobie


par Patrick Négrier


En dépit du fait que le modèle littéraire égyptien de l’épisode biblique du meurtre d’Abel par Caïn contenait un élément homosexuel, je ne perçois plus aujourd’hui la persistance de ce thème de l’homosexualité dans la version biblique de l’épisode du meurtre d’Abel par son frère Caïn, meurtre qui doit être imputé à la seule jalousie économico-politique de Caïn contre Abel dont l’enrichissement représentait aux yeux du clan une raison suffisante pour oublier la dévolution traditionnelle de la fonction de chef de clan au fils aîné (en l’occurrence Caïn), et pour conférer cette fonction de chef de clan au plus riche (en l’occurrence Abel) par là plus capable de nourrir et de protéger le clan en dépit de sa simple qualité de fils cadet.
G Duprè - Caïn

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Gen. 26,1-31 montre comment Isaac, s’étant rappelé que Abîmelek, roi des Philistins, ne l’avait pas agressé lorsque Isaac avait publiquement menti en tentant de faire croire aux Philistins que Rebecca (son épouse) était sa soeur, jura en juste retour à Abîmelek qu’il ne l’agresserait pas en dépit de l’homosexualité pratiquée par Abîmelek avec le chef de son armée Pîkol (Gen. 21,22) puis avec son ami Ahouzzat (Gen. 26,26). Voilà en matière de sexualités une réciprocité bien comprise entre altérités : tu aimeras ton prochain comme toi-même (Lév. 19,18).

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Notons comme un trait psycho-moral significatif de la bisexualité que lorsque Juda se retrouvait sans femme (soit comme jeune homme, soit comme veuf), il exerçait sa sexualité avec un homme : Hirah dont le nom signifie « la blanche » (Gen. 38,1.12).

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Les chrétiens et les juifs fondamentalistes se saisissent ex abrupto des versets de Lév. 18,22 et Lév. 20,13 pour condamner l’homosexualité masculine. Mais en agissant ainsi, ils commettent l’erreur de croire que la Bible est un simple livre exposant une pensée unique, alors qu’elle est au contraire une véritable bibliothèque d’auteurs différents, défendant des intérêts opposés, et exprimant par conséquent des vues contraires. C’est cette grande leçon de littérature comparée que nous enseigne l’étude du Pentateuque, le recueil des cinq premiers livres de la Bible. Après la Genèse qui constitue le livre des principes majeurs, les quatre livres suivants traitent des mêmes thèmes mais en proposant chacun, au sujet de chaque thème, des conceptions divergentes et opposées. L’étude comparée des quatre derniers ouvrages du Pentateuque montre que l’Exode avait été écrit par le chef du peuple Moïse et par les juges qui le secondaient dans sa fonction de juge ; que le Lévitique a été écrit par les prêtres aaronides ; que le livre des Nombres a été écrit par les maîtres spirituels (prophètes moralistes extérieurs à la voie du rite) ; et enfin que le Deutéronome a été écrit par les prophètes politiques (qui relèvent de la voie des rites). Or si sur le thème de l’homosexualité, nous comparons les positions respectives des auteurs de ces quatre livres d’origines socio-culturelles différentes, nous constatons :

a) que l’Exode (livre des politiques) ne s’intéresse pas à l’homosexualité et n’interdit en matière de sexualité que l’adultère (Ex. 20,14) ;

b) que le Lévitique (livre des prêtres) condamne l’homosexualité uniquement masculine ;

c) que le livre des Nombres (livre des maîtres spirituels) critique les Moabites, figure des familialistes homophobes (Nomb. 21,26-30 ; 22-24) ;

d) et enfin que le livre du Deutéronome (livre des prophètes politiques) se borne : d’une part en Deut. 22,5 à interdire en temps de guerre aux soldats israélites de vaincre l’ennemi en recourant à la stratégie qui consiste à porter des habits du sexe opposé pour mieux séduire l’ennemi afin de le mettre à mort plus aisément ; et d’autre part en Deut. 23,18-19 à interdire aux israélites de pratiquer eux-mêmes la prostitution masculine sacrée (pédagogique), le fait que ce texte interdise aux israélites qui auraient renoncé à payer un prostitué étranger pour à la place verser cette somme au trésor du temple montrant clairement que les hommes israélites pratiquaient l’homosexualité en la seule qualité de clients des prostitués étrangers. Il ressort de cette analyse que l’homophobie, ignorée des auteurs de l’Exode, des Nombres et du Deutéronome, ne fut que le seul fait des prêtres auteurs du Lévitique. Se pose donc à nous la question : pourquoi l’homophobie ne fut-elle en Israël le fait que des seuls prêtres auteurs du Lévitique ?

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Un début de réponse à cette question apparaît dans le fait que le Lévitique ne condamne que l’homosexualité masculine et non pas l’homosexualité féminine dont la Bible fournit pourtant dès la Genèse un premier exemple en la personne de Dînah (Gen. 34,1). Si les prêtres du Lévitique tentèrent d’interdire l’homosexualité masculine mais non l’homosexualité féminine, c’est donc qu’ils avaient un problème non pas avec l’homosexualité en soi mais uniquement avec l’homosexualité pratiquée par des hommes, l’homosexualité féminine leur étant apparemment totalement indifférente. Or comme les prêtres auteurs du Lévitique étaient uniquement des hommes, nous sommes donc obligés d’en conclure que c’est par jalousie que les prêtres auteurs du Lévitique censurèrent l’homosexualité masculine tout en se désintéressant de l’homosexualité féminine qui ne leur portait aucun ombrage (en effet les femmes israélites étaient injustement exclues de l’exercice du sacerdoce par le machisme dominant des hommes prêtres de l’époque, et ne représentaient par conséquent pas des rivales pour ces hommes prêtres). En quoi l’homosexualité masculine portait-elle ombrage aux prêtres auteurs du Lévitique qui étaient tous des hommes ? La raison en est simple : les prêtres étaient obligés de se marier avec une femme afin d’en avoir au moins un enfant à qui ils devaient transmettre leur charge héréditaire de prêtre. Il apparaît alors que si les hommes prêtres auteurs du Lévitique censurèrent les homosexuels d’Israël (et non les homosexuelles), c’est parce qu’ils jalousaient ces homosexuels laïcs qui, n’étant pas prêtres, n’étaient donc pas obligés de se marier avec une femme, et pouvaient donc de ce fait pratiquer librement l’homosexualité, liberté qui se trouvait précisément interdite aux prêtres obligés de se marier et d’être fidèles à leurs épouses, l’adultère étant interdit dans le Décalogue de l’Exode. Il ressort clairement de cette analyse que l’homophobie des prêtres auteurs du Lévitique avait d’abord comme cause un ressort psycho-moral : la jalousie (cf. à titre d’exemple analogue, en Nomb. 25,10, l’évocation de la « jalousie » meurtrière du prêtre Pinhas - « bouche de serpent » - au sujet de l’union d’un Israélite avec une Madyanite).

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Deuxième élément de réponse : Lév. 18,1 et Lév. 20,1 présentent l’homophobie (entre autres points) comme une parole de YHVH à Moïse : or cela est faux puisque lorsque nous consultons l’Exode écrit par Moïse, nous n’y trouvons aucune expression d’homophobie.

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Troisième élément de réponse : Lév. 18,1-5 présente l’homosexualité masculine (entre autres points) comme une pratique égyptienne et cananéenne dont les fils d’Israël vouant un culte au dieu YHVH doivent se différencier : or un tel amalgame est faux pour deux raisons. D’abord les prêtres auteurs du Lévitique voulaient que les israélites différencient leurs pratiques des cultes égyptiens et cananéens : mais c’est là une contradiction car tous ceux qui ont étudié à fond les cultures égyptienne, mésopotamienne et élamite savent bien que ce sont là les matrices directes de la religion yahviste des israélites (Ps. 87,4). Et ensuite présenter l’homosexualité comme une expression des cultures égyptienne et cananéenne est une aberration car l’homosexualité, étant comme fait de nature une des expressions possibles de la sensibilité sexuelle et affective humaine universelle, est totalement transcendante (c’est-à-dire étrangère) aux ethnies et aux représentations culturelles des divers pays du monde, et c’est pourquoi il y a et il y aura toujours des homosexuels dans tous les pays indépendamment de leurs cultures.

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Quatrième élément de réponse : le degré d’orthodoxie du livre du Lévitique était mineur puisque ses auteurs s’étaient injustement permis de rajouter des articles de droit au droit canonique en Israël qui se limitait aux « dix paroles » du Décalogue (Ex. 34,28 ; Deut. 4,13 ; 10,4), et que deux versets du Pentateuque avaient absolument tenu à rappeler aux prêtres auteurs du Lévitique qu’il était interdit de « rajouter » des articles de droit à ces « dix paroles » (Deut. 5,22, expression des prophètes politiques ; Nomb. 11,25, expression des maîtres spirituels). Or en rajoutant nombre d’articles juridiques (comme les versets homophobes de Lév. 18,22 et Lév. 20,13) au Décalogue, les auteurs du Lévitique ont malgré eux trahi le caractère non orthodoxe de leur écrit ; et c’est pourquoi n’étant pas orthodoxes, les articles homophobes du Lévitique ne doivent pas être pris en compte mais au contraire être écartés sans aucune concession comme étant non-orthodoxes.

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Le problème juridique de l’obligation, pour les hommes prêtres auteurs du Lévitique, de se marier avec une femme, a été traité en Jug. 19 qui montre a contrario par un exemple frappant comment un lévite homosexuel surmonte l’interdit de Lév. 18,22 et de Lév. 20,13 en prenant une lesbienne pour concubine afin de se faire passer aux yeux de l’opinion publique pour un soi-disant hétérosexuel, ce qui ne l’empêche d’ailleurs pas d’avoir secrètement des rapports sexuels avec son propre serviteur, et finalement de livrer sans pitié sa concubine aux habitants xénophobes violents de Give’ah qui finissent par la tuer. Cette hagadah (« histoire légendaire instructive ») était là une réponse des auteurs du livre des Juges (prophètes politiques) pour montrer à toutes les tribus d’Israël et surtout à la tribu inconsciente et envieuse de Lévi (auteure de l’homophobe Lévitique) que les prescriptions de Lév. 18,22 et Lév. 20,13 étaient criminelles puisqu’elles aboutirent à une meurtrière guerre civile en Israël.

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Chagall - Noémie
Ruth 2,1 nous enseigne que le mari de Noémi « connaissait » (myd’) un homme. Or le fait que la forme verbale myd’ ne soit pas vocalisée indique que cette « connaissance » n’était pas dicible, qu’on ne devait pas en parler, ce qui laisse imaginer que cet homme était au moins bisexuel. Or a contrario de l’exemple désastreux de Jug. 19, Ruth 2,1 montre clairement qu’un bisexuel ou un homosexuel peut, par sentiment de devoir moral, accepter de surmonter sa bisexualité personnelle naturelle pour exercer charitablement son droit de goël (droit de rachat qui n’était pas obligatoire mais seulement moralement recommandé : Gen. 38 ; Ruth) afin de donner une descendance à une veuve demeurée sans enfant, en l’occurrence la Moabite Ruth (familialiste homophobe qui plus est !).

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Notons qu’à chaque fois qu’un auteur biblique critique les peuples typiques de Sodome (figure des xénophobes et des homophobes violents) et de Moab (figure des familialistes homophobes), il critique de fait l’homophobie. Exemples de critiques portées contre ces deux types d’homophobes : Ex. 15,15 ; Deut. 2,9-19 ; 23,4-7 ; 29,22 ; 32,32 (le lecteur attentif et perspicace ne manquera pas de noter a contrario que le Lévitique ne contient aucune critique de Sodome et de Moab dont il partageait l’idéologie homophobe).

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Dans mon livre Contre l’homophobie, le titre de chapitre « L’homosexualité pédagogique » devrait être plus justement remplacé par « La pédagogie auprès d’homosexuels » car si les prophètes Elie et Elisée s’unirent physiquement mais chastement à un homosexuel affectivement isolé et plongé dans une détresse de type neurasthénique pour lui sauver la vie, ce n’est pas parce que ces deux prophètes étaient homosexuels : en effet un secouriste peut pratiquer un bouche à bouche sur une personne de son propre sexe pour la réanimer sans être pour autant lui-même homosexuel.

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Le prophète Habaqouq en Hab. 2,15 critique l’homosexualité hédoniste des voyeurs.

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Dans mon livre le sous-titre « L’homosexualité pédagogique pratiquée par Jésus » devrait être remplacé par : Jésus et la mutation de l’homosensualité pédagogique.

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L’épisode de Mc 5,1-20 se déroule dans la ville de Guérasa, ville de Décapole habitée par des juifs ultra-orthodoxes (I Mac. 13 et II Mac. 10) pour la plupart anti-gays conformément à l’idéologie homophobe du Lévitique (expression de l’extrême droite de l’époque) mais dominés cependant depuis – 63 par les Romains qui devaient nécessairement tempérer l’ardeur de ces juifs ultra-orthodoxes de Décapole. Dans cet épisode le démoniaque refuse de sortir de la Décapole romaine où l’homosexualité était régulée : il était donc un homosexuel à peine atteint par l’homophobie des juifs ultra-orthodoxes de Décapole puisque ceux-ci étaient soumis au pouvoir politique et aux moeurs romaines qui acceptaient l’homosexualité en la régulant. Mais de quel genre d’homosexuel s’agissait-il ici ? Celui-ci refuse de rester attaché aux chaînes qui faisaient de lui un esclave. Or selon les moeurs romaines les esclaves étaient utilisés comme des objets sexuels passifs par les Romains. Nous devons donc en conclure que si le démoniaque refusait sa condition d’esclave, c’est parce que, refusant d’être utilisé comme un objet sexuel passif par les romains, il était un homosexuel actif.

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En Mc 7,31-37 Jésus de Nazareth guérit un homosexuel de l’homophobie sociale. En effet Jésus met ses doigts dans les oreilles du sourd-bègue, puis crachant avec sa bouche il lui toucha la langue, ce qu’il ne pouvait faire qu’avec sa propre langue puisqu’il avait déjà mis ses doigts dans les oreilles du sourd-bègue. Autrement dit Jésus embrassa sur la bouche un sourd-bègue pour le guérir de sa surdité et de sa difficulté à parler. Pourquoi cet individu était-il un sourd-bègue ? La réponse à cette question est simple : l’action se déroule en Décapole où les Macchabées avaient installé des juifs ultra-orthodoxes partisans comme tels de l’idéologie notamment homophobe du Lévitique (I Mac. 13-14). Il apparaît alors que c’est l’homophobie sociale des juifs de la Décapole qui avait rendu cet individu sourd et bègue, et que c’est l’intervention d’homosensualité pédagogique (exclusivement buccale et donc sexuellement continente, c’est-àdire chaste) pratiquée par Jésus sur le sourd-bègue qui, en procurant une première expérience d’homosensualité à cet individu, le libéra de sa condition sociale d’homosexuel rendu sourdbègue par l’homophobie sociale des juifs ultra-orthodoxes de Décapole.

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Le fait que le nazîr Jésus de Nazareth, que sa consécration à YHVH vouait à un état de continence sexuelle (Nomb. 6,1-21), c’est à dire de chasteté, ait charitablement « aimé » l’apôtre Jean au point d’accepter que celui-ci, qui était apparemment de sensibilité homosensuelle, repose sur son poitrail, ne signifie aucunement que Jésus partageait cette sensibilité, mais qu’en qualité de fils d’homme ouvert à la compréhension de tous et de tout, il estima que c’était son devoir moral de ne pas repousser de sa tendresse un apôtre que les autres hommes n’aimaient pas à cause de sa sensibilité sexuelle minoritaire.

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En Jn 13,23.25 et 21,20 l’apôtre Jean se renverse sur le torse de Jésus de Nazareth qui était un nazîr, c’est-à-dire un homme « consacré » à YHVH et vivant par conséquent chastement dans la continence sexuelle. Jean a parlé de l’amitié que Jésus lui portait en utilisant deux verbes : egapa (Jn 13,23 ; 19,26 ; 21,7.20) et ephilei (Jn 20,2). Egapa renvoie à une relation morale de charité (comme celle de maître à disciple) cependant que ephilei (terme utilisé par Marie-Magdeleine pour nommer sa perception personnelle et partant subjective de la relation de Jésus avec Jean) renvoie à une relation affective, sentimentale entre alter-ego qui se comprennent et qui s’acceptent mutuellement. Si Jean s’est décrit lui-même comme un disciple que Jésus aimait d’une amitié à la fois charitable (Jn 19,26 reprend le vocabulaire de l’adoption familiale employé en Tob. 8,21 et 11,17 au sujet du couple hétérosexuel) et affective (point de vue subjectif de la peut-être envieuse Marie-Magdeleine), c’était pour signifier en négatif qu’a contrario lui-même Jean n’était aimé par les autres en général ni au plan moral de la charité ni au plan affectif des sentiments (il était donc haï). Il y aurait lieu ici de se demander pourquoi Jean, « aimé » charitablement du seul Jésus, n’était aimé des autres en général ni au plan de la charité ni au plan d’une affection compréhensive.

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Eraste (figure grecque typique du praticien de l’homosexualité pédagogique), auxiliaire de Paul (Act. 19,22), mais situé par Paul entre Tertius (« troisième ») et Quartus (« quatrième »), était ainsi considéré par Paul comme un simple zéro (Rom. 16,22-23) malgré son rôle utile de trésorier de l’Eglise de Corinthe. Ce qui ne fait que confirmer la malveillance homophobe et pour tout dire non charitable de Paul.

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G Reni - Pierre et Paul
Lorsque en II Pierre 3,15-16 le chef des apôtres Simon-Pierre critique les tina dusnoeta (« quelques choses mal comprises ») contenues dans les épîtres de Paul, il invite les chrétiens à faire preuve de la patience de Jésus-Christ dont Paul avait parlé dans ses lettres. Or si nous avons la curiosité de consulter les lettres où Paul parle précisément de cette patience de Jésus-Christ, nous remarquons avec stupéfaction que trois de ces passages se rapportaient à l’homosexualité censurée par Paul : makrothumia (I Rom. 2,4 ; Tim. 1,16) et « souffrir l’injustice » (I Cor. 6,7). Il est d’ailleurs d’autant plus frappant de constater que dans sa lettre où Simon-Pierre invitait les chrétiens à « patienter » à l’imitation de Jésus de Nazareth, il traita précisément en II Pierre 2,6-10 de l’épisode de Sodome qui, rappelons-le, était une ville de xénophobes et d’homophobes violents. Il apparaît ainsi que lorsque Simon-Pierre invitait les chrétiens à patienter comme Jésus-Christ face aux passages où Paul parlait de cette patience en lien avec ses propres censures de l’homosexualité, Simon-Pierre invita de fait les chrétiens à imiter Jésus de Nazareth en faisant comme lui preuve de patience face à ces tina dusnoeta (« choses mal comprises ») de Paul au sujet de l’homosexualité. Il appert ainsi que Simon-Pierre s’opposa poliment mais fermement aux passages où Paul parlait de l’homosexualité sans la comprendre.

Patrick Négrier, solstice d’été 2010.











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