"La construction de Jésus", de Bart Ehrman, éditions H&O


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Les éditions H&O, qui portent le nom de leurs créateurs Henri et Olivier, offrent une belle palette de livres pour tous les goûts : BD, romans d’aventures ou érotiques, romans littéraires, essais, photographies ! Loin du snobisme français en matière de publication, et avec beaucoup de courage et de détermination, H&O continue de publier des ouvrages d’une grande richesse qu’on aurait tort de négliger sous prétexte qu’il s’agit du rayon « homosexuel » ou estampillé comme tel.

 

Avec « La construction de Jésus », les éditions H&O font connaître en France l’immense travail d’analyse et de recherche du théologien américain Bart EHRMAN ; ce livre, de façon très accessible, nous fait suivre une enquête très poussée sur ce personnage clef de l’histoire nommé « Jésus » et sur tous les écrits du Nouveau Testament.

Jésus est d’autant plus incontournable dans notre civilisation qu’en son nom des hommes et des femmes ont « construit » diverses églises, ont promulgué des dogmes, ont forgé des lois, ont permis à des personnages eux aussi « construits » en partie, comme Paul, d’imprimer sur le monde une trace terrible de feu et de sang avec ce qu’ils considéraient être le « Bien » et ce qu’ils foudroyaient pour être le « Mal » !

Les écrits de Paul par exemple ont ainsi considérablement nuit à la femme et ont repris des condamnations obscures contre l’homosexualité tirées du Lévitique oubliant que ni l’Exode, ni les Nombres, ni le Deutéronome dans l’Ancien Testament, ni les évangiles de son époque, en y incluant ceux considérés comme apocryphes aujourd’hui (une bonne vingtaine), n’ont jamais rien dit de tel…
 
G Doré - Jésus
Des auteurs et des philosophes comme Michel Onfray ont, dans plus d’un livre, ouvertement dénoncé ces falsifications criminelles ou ces « constructions » malsaines, pour reprendre un des termes clefs du livre de Bart Ehrman, qui polluent encore méchamment nos sociétés contemporaines. Il n’est donc pas vain de se replonger dans ces textes fondateurs qui touchent à la racine même de toutes les « constructions » mentales de la société occidentale et de toutes celles qui se réfèrent aux Livres dits « Saints », car en ce début du XXI°s. des religieux de divers horizons jusqu’au Pape continuent de marteler le même discours qui sclérose les individus en essayant de les culpabiliser sur ce qu’ils sont intrinsèquement :

«En tant qu'êtres humains (les homosexuels) méritent le respect (…) ils ne doivent pas être rejetés à cause de cela. Le respect de l'être humain est tout à fait fondamental et décisif. Mais cela ne signifie pas que l'homosexualité soit juste pour autant. Elle reste (l’homosexualité) quelque chose qui s'oppose à l'essence même de ce que Dieu a voulu à l'origine», dixit Benoit XVI dans son dernier livre « Lumière du Monde ».

Nous sommes bien au cœur du problème, c'est-à-dire qu’est ce que « Dieu a voulu à l’origine » ? Comme personne n’était présent pour l’interviewer ou le filmer, c’est à travers les écrits sacrés qu’on pourra essayer de comprendre ce message. C’est en interrogeant tous les livres de la Bible et notamment les livres du Nouveau Testament que l’on va essayer d’approcher cet « enseignement divin » et c’est justement là que le chercheur, le théologien et par la suite le simple lecteur ou le simple croyant, va de surprise en surprise car ce qui est arrivé jusqu’à nous n’est qu’un ensemble de lambeaux de paroles, parfois incohérents ou incompatibles, que les premiers scribes ou religieux ont voulu enrichir à leur fantaisie ou combler de façon littéraire, dans ces conditions qui peut aujourd’hui se prévaloir de connaître ce que Dieu à voulu à l’origine ?

Rubens - les 4 évangélistes
Bart Ehrman, lui-même très croyant lorsqu’il arrive au séminaire théologique de Princeton en 1978, va voir ses certitudes fondre devant ce qu’il découvre petit à petit dans ses études en passant tous les textes du Nouveau Testament et tous les autres non retenus par le « canon » au crible de la « critique historique » et de la « critique textuelle » ; sans oublier la « perspective historique » qui replace les événements et les comportements dans leur milieu socio-historique. Ainsi, sur le thème de l’homosexualité par exemple, comment peut-on se référer aujourd’hui aux propos de Paul pour les opposer à nos conceptions actuelles car la notion « d’orientation sexuelle » et « d’homosexualité » sont des notions créées au XIX°s. et au XX°s. et qui n’avaient donc pas cours dans l’antiquité : «On peut difficilement prendre les prescriptions de Paul sur les relations homosexuelles, les extirper des présupposés de Paul sur le sexe et le genre, et les transplanter dans un autre discours sur le sexe et le genre.»

Or le discours officiel de toutes les églises a toujours été de s’arrêter à la lettre sans essayer de comprendre le contexte ou de se poser des questions pertinentes en comparant par exemple certains textes à d’autres, car les contradictions et les versions différentes fourmillent dans les évangiles et les autres écrits.

Les 4 évangélistes et leurs symboles
Malheureusement, les hommes se cachent derrière leurs traditions comme les grands singes sous les palmes des forêts équatoriales. C’est pourquoi un livre aussi brillant que celui-ci doit permettre à tout le monde d’avoir une idée juste sur ces « témoignages » et les différentes péripéties de leur création afin de percevoir clairement de quelle façon s’est élaboré le christianisme !

Une autre constatation aussi édifiante, qui en dit long sur les mécanismes qui animent les sociétés humaines, c’est la cruelle absence d’intérêt pour la Bible des croyants eux-mêmes ! Bart Ehraman y revient plusieurs fois dans son étude : «Pour moi, il s’agit là de l’un des plus grands mystères de l’univers : comment tant de gens peuvent-ils vénérer la Bible, penser qu’il s’agit d’une révélation de Dieu à son peuple et en même temps la connaître si mal ?».

Il faut dire aussi que depuis que les études exégétiques ont commencé à se développer et à être indépendantes des églises, il y a environ plus de deux siècles, rarement les conclusions des chercheurs ont pu atteindre le grand public et s’y propager. Aujourd’hui, et suite à des livres et des émissions de vulgarisation comme Corpus Christi à la fin des années 90, le grand public peut enfin accéder à ce qui était connu d’un petit nombre de chercheurs.

Edification d'une statue géante de Jésus en Pologne 
A ceux qui se drapent dans les pages trouées des évangiles, dans les épîtres en patchwork ou dans les textes hétéroclites de l’Ancien Testament écrits des siècles et des siècles après les événements racontés, et qui croient connaître « ce que Dieu a voulu à l’origine », on ne pourrait que conseiller de lire attentivement ce livre très accessible, d’une grande clarté, où l’auteur ne se retranche pas derrière un discours distant et scientifique mais nous fait part également de son parcours d’homme et de croyant, pour remettre enfin les pendules à l’heure face aux croyants agressifs, aux créationnistes béats, et aux illuminés sans culture.

Pour conclure, je citerai ces deux passages essentiels et qui sont les clefs de voûte de cette enquête sur la figure de « Jésus » : « Il vaut mieux favoriser des lectures qui ne mènent pas au sexisme, au racisme, à la bigoterie et à l’oppression sous toutes ses formes » car « Il faut juger de tout ce que l’on entend et de tout ce que l’on voit –la prose inspirante de la Bible ou celle de Shakespeare, de Dostoïevski ou de George Eliot ; de Gandhi, des Desmond Tutu ou du Dalaï-lama.»

Cité dans ce billet :

 

Notes :

le site H&O, achat en ligne possible : éditions H&O


Sur Bart Ehrman : article wikipedia

Voir article Têtu : Têtu en ligne

Sur le même thème AFP : dépêche AFP

Sur le créationnisme : article wikipedia







































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