Ce que parler veut dire ou le grand merdier mental


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Qui n’a pas essayé diverses pistes pour sortir de sa solitude ou de son ennui ? Les chemins aujourd’hui foisonnent mais ils ressemblent souvent à des culs de sac ou à des sentiers escarpés qui se terminent au bord d’une falaise : que penser en effet de tous ces sites Internet d’annonces et de photos figées, de ces systèmes d’appels téléphoniques tout aussi figés dans ces messages oraux où les mots se contredisent, ridiculisant le simple bon sens comme leur prétendue recherche.


Nous vivons dans un monde numérique qui manque curieusement et paradoxalement de vie, de sensibilité, de contact, d’humilité, d’authenticité, et de réalisme.


Toutes ces photos de candidats au bonheur à deux, ou aux prouesses d’un soir, ne sont que les portraits modernes d’un cimetière webien comparable aux portraits du Fayoun ou aux médaillons porcelaine qui fixent les photos des disparus dans les cimetières.

C’est un vaste champ mortifère où fleurissent les apparences trompeuses et les plantes empoisonnées de l’égoïsme et de la haute opinion de soi. S’en rendre compte ferait déjà un peu avancer une prise de conscience qui permettrait de garder le meilleur de ces avancées technologiques et de laisser le pire qu’elles peuvent aussi engendrer : cynisme, racisme, jeunisme, violence, mépris, déshumanisation et chosification.


Par amusement, j’ai repris certaines annonces et révélé leur sinistre interprétation :

Cherche plan réel : minimum de mots qui signifie un maximum de fantasmes, dans ces conditions le plan réel ne se réalise jamais…

Mec chaud cherche mec motivé : non seulement le mec n’est pas chaud mais il ne cherche rien et encore moins un autre garçon motivé, la motivation des uns créant la gène des autres, la recherche n’est que virtuelle et se base sur de l’autosuggestion…

Me déplace pour mec sans tabou : la personne ne se déplace guère que dans les limites de son quartier, ou de son pâté de maisons, la recherche d’un plan sans tabou ne convient jamais, et chacun comprend sans tabou selon sa cuisine personnelle, le terme désigne toujours une recherche de l’impossible, le mot à retenir qui est seul à porter du sens est « sans »…

Recherche mec 30 ans, tbm, viril, actif, imberbe et musclé : celui qui passe l’annonce doit avoir un magazine de films x sous les yeux et confondre recherche sur réseau téléphonique et commande sur le catalogue de La Redoute…


Mec mûr cherche garçon sincère pour vie à deux : le garçon rêvé doit cependant avoir moins de 25 ans et ressembler à un guerrier spartiate, la sincérité n’étant en rien la qualité première recherchée. Le mec mûr en question a dépassé largement la soixantaine et n’a jamais pris soin de se regarder dans une glace pour jauger sa quête avec l’horizon du raisonnable…


Mec 25 ans tbm, nageur, cherche plan téléphone : le fantasme à l’état pur, le mec de 25 ans au corps d’athlète n’existe pas plus que la soi-disant jouissance téléphonique à laquelle il veut prétendre…

Cherche plan pour demain soir : le présent semble ne pas exister pour certains, ils sont toujours dans un demain hypothétique, repoussé de jour en jour, à ces gens là il faudrait répondre « oui, j’étais libre hier »…


Dominateur réel, ttbm, cherche plans réguliers : j’ai souvent noté qu’une absence de sexualité normale (comprenez pour "sexualité normale" : la sexualité de ceux qui mettent en accord les mots et les actes, ce qui n'exclue ni  variations piquantes ni  possibilités torrides avec leur(s) partenaire(s) )   créait par contrecoup des dominateurs qui ont besoin de tout un attirail sm et soumission pour pallier à leur infirmité. Leurs plans proposés (plus cérébraux que physiques) sont d’un ennui et d’une indigence extrêmes ; comme ils ne sont jamais en phase idéale avec leurs chimères, les plans réguliers se transforment en recherche incessante…


Mec recherche mec : le mec qui recherche un mec est souvent un homme marié qui met rapidement fin à son annonce quand sa femme l’appelle pour dîner.

Pour une relation durable : deux mots "antagonistes" dans la plupart des cerveaux gays, pourtant deux jolis mots mais qui ne reposent pas sur le socle de la réalité (certes le plus souvent). La "relation durable" c'est le rêve béa qui se coupe de toute réalité; comme le rêve et le quotidien cohabitent mal, l'expression "relation durable" devient alors une incantation désincarnée qui se perd soit dans les fumées de cigarettes des célibataires ou dans les vapeurs des saunas, bars gays, comportements webienophages et autres réseaux fumeux qui laissent les mots prononcés planer et redescendre sur les chemins des jours comme des feuilles mortes.

Photos : les portraits du Fayoun























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