Initialement, je souhaitais mêler poésie et peinture à la première partie de ce recueil de poèmes; et plutôt que d'écrire de la poésie sur des tableaux déjà existants, ce que j'avais déjà fait par le passé de multiples fois, j’ai proposé à un peintre que je connaissais de créer des tableaux autour de ces textes.
Cependant, ce projet qui semblait avoir rencontré son «artiste peintre» n’a in fine jamais vu le jour!
Ce peintre a continué sa route et moi la mienne et quelque part tout compte fait je le plains d'avoir perdu un ami qui s'intéressait à ses œuvres et qui avait pu le considérer comme sincère dans ses créations...
Mais il faut continuer à marcher droit devant pour parcourir ce monde étrange. Au recueil initial de 16 poèmes, écrits autour de 2014-2015, j’ai aussi rajouté des poèmes plus courts, de 2013-2014, qui n’ont plus besoin aujourd’hui de leurs anciennes illustrations.
JL Garac, janvier 2018.
***
Tout revient au ciel d'or où se berce le monde :
Le souvenir d'amants comme les jours anciens,
Cet hier de l'enfance et ce pourquoi demain,
Enveloppés de mots que le mensonge sonde.
D'un côté l'infinie éternité qui va
Se détachant de nous atteindre Dieu lui-même,
Et puis ce bref combat, étincelle qui aime
Mettre le feu aux poudres des univers las...
J'ai appris à laisser tomber les feuilles mortes,
A n'être qu'un instant compilé à jamais,
A sentir sous mes doigts comme roses de mai
Le parfum du plaisir qu'un seul poème emporte.
J'ai compris que le temps devenait mon allié,
Que tous les morts pour rien un jour prenait mémoire
Et sous couvert d'oubli d'une éphémère histoire
Revenaient dans nos cœurs sûrement se lier.
***
Peuples qui marchent, qui bataillent,
Vous n'avez pas vu l'horizon;
Vos regards ont cherché la faille
Comme on cherche une trahison
Dans le regard de l'autre...Vaille
Que vaille on a pris ce poison;
-Vous n'avez pas vu l'horizon...
La haine est un système en berne,
La mort se découpe à la mort;
Que d'incroyables balivernes
Ont fait gober par ce ressort !
Sentez la peur qui nous gouverne,
Brûlant la vie sans nul remords !
-La mort se découpe à la mort...
A l'avenir le monde arrive,
Et le partage est infini !
Les guerres tombent sur les rives
Où l'océan d'éphanie
Transmue le sang en force vive,
En chants d'espoir, en poésie !
-Et le partage est infini !
***
Se retirer parmi les fleurs,
Parmi les amis des poètes,
Laisser infuser le bonheur
Comme rayonne un soir de fête,
Un soir d'écho qui nous entête
De mots perdus et de mots fleurs...
Plus que désir ou que passion,
Plus que d'ivresse ou de tristesse,
Te voilà collée d'impressions
A l'ombre des hommes; délaisse
En nous, liqueur des obsessions,
Fort d'alcool de mort et de vie,
Le goût de la mélancolie...
***
L’amour propre tue salement,
Jusqu’au dessin du sentiment.
La fleur d’aimer y sèche encore,
Que le souvenir nous dévore
D’un regard pleurant dans le temps !
Il faut jeter nos vieux réflexes,
Le fatras des codes, des textes
Qui lient notre vie au malheur ;
Aimer ne connait pas la peur,
Ni les placards maudits du sexe.
L’amour est de tous les pardons,
Mariage d’aube et d’horizon !
Quand il commence il se termine,
A son oméga il culmine,
Et tient au cœur d’une chanson !
Devant lui tout est inutile :
Passé, famille et biens futiles
Qui empoisonnent le présent.
Au milieu de tout ce néant,
L’amour nous donne un droit d’asile !
Il est comme un espace en fleurs,
Tesson d’infini, de candeur
Qui accepte tout de nous-mêmes
Comme tout pour ceux que l’on aime,
Par miséricorde et bonheur !
***
Danse mon arlequin,
La scène est vide,
Car les trop longs chemins
Laissent languides;
On peut jouer l'extase
En quelques pas,
Imaginer les phases
De nos combats,
Paraître à l'unisson
Du monde avide,
Et pirouette à frissons
Tomber lucide;
On peut prendre une pose
Même sans toi,
Ivre au fond de l'hypnose
De son cœur las...
Danse mon arlequin,
Tout est suicide,
Tu peux tendre la main
Au vent torride,
Il n'emportera souple
Qu'un corps déçu,
Simple écho de ce couple
Qui ne vient plus...
***
De ta vie je ne connais
Que des images de nus,
Un sourire dont je sais
Peut-être l'espoir perdu...
Une jeunesse-jouvence,
Aux parfums de ta peau fraîche
Que je goûte de la France:
Mythe et fruits d'or comme pêche!
Le soleil des dvd
Est californien je crois,
De pouvoir y accéder
Est déjà un rêve en soi...
L'infinie joie de tendresse
Vole léger sur ta scène;
J'aimerai que tu délaisses
Ce faux chemin de l'obscène...
De ta vie je ne connais
Que l'imperceptible et l'or
D'un regard; courbes, harnais,
Grain de soie en fleur du corps...
***
Je descendais seul des marches
De marbre et des Apollons
Désignaient nus l'horizon;
Un temple semblait une arche
Sur la colline bleu-nuit...
Quel chant ai-je pu entendre
Dans la musique si tendre
De ce vieux monde alangui?
Le bonheur poudre d'ivresse
Jusqu'aux objets quotidiens:
Pauvre lampe qui n'est rien
Et dont l'éclat devient liesse,
Pauvres gymnastes si noirs
Qu'ils dansent à l'infini
De ces parois arrondies
Pour les matins et les soirs...
Sur ce temps qui s'éternise
Je sais qu'il nous ment sciemment,
Et qu'un jour tout tristement
Ce sera poussière grise
Que mosaïque et jardin,
Et que Dionysos en pose
Si lascive...là je n'ose
L'inviter à vivre enfin...
***
Quand le soleil s'ennuie
Et qu'il part de nos cœurs
Le moindre mot nous nuit
Et sombre par erreur;
Tout un banc de nuages
Entraîne l'horizon
Dans un monde sans âge
Et sans nulle chanson!
Plus de notes collées
Au réveil, plus d'entrain
Et d'images frôlées
De parfums indistincts;
Plus de vivre et de danse
Où l'on se voit aimer
Et rire et où balancent
Nos corps aux vies germées!
Quand le soleil s'étiole
On est seul par millions,
Pénible cour d'école
Sans joie ni rébellion;
Se couvrant de l'espace
On s'enroule sur soi;
L'oiseau qui dort menace
Tout l'univers parfois...
***
Rêve en jeu de mots
L'atmosphère était d'océan,
De ce bleu froid et transparent
Où la lumière en blé ondule,
Comme au cadran d'une pendule;
Je me suis vu là dans le fond
Dans une forêt de cent thons...
Plus loin je poussais des rivages
Où le sable avait ton visage,
Et sur la plage un hôtel noir
Brillait comme un diamant le soir...
Ai-je entendu l'amour lubrique?
Mais les claques sont chimériques !
Je semblais vivre au jour la nuit
Si loin de tout ce qui nous nuit :
Faux amis, faux fric, et faux rôle,
Idée fausse et fausse parole !
Loin des éphémères brasiers
Quand le succès n'est qu'art bousier...
Alors je marchais vers des voiles
De nuages sur des mâts, châles
D'un coton gris pailletés d'or,
Les quais dansaient d'un faux décor
Au miroir des marins, sans doute
Un jeu d'homos que nul n'écoute...
***
Ce soir les photos m'impressionnent,
Celles d'un passé, presque jaunes,
A l'odeur d'un tiroir ranci!
Avec le presque bleu aussi
Qui contracte tout dans sa zone
D'oubli...
Le souvenir est une palette sans nom,
La couleur flanche et te dit "non".
Ce livre a marqué mes études,
Il se fane seul, et s'élude
Du monde des mains et des yeux!
Je suis invisible en ces lieux,
Et mes objets, par lassitude,
Sont vieux...
Le souvenir ajoute un pétale impalpable
Au temps de larmes et de sable.
Comment retrouver sur ces terres
Mon jardin de roses trémières?
Et ces arbres au velours doux?
Un flash rouge et sombre, jaloux,
A brûlé l'image première,
Partout...
Le souvenir est une lettre dont les mots
Perdent leur sens et leur écho.
***
Un monde bruyant et stupide,
Au plomb du vulgaire -Partout!
Comme une écume aux sels acides
Délite la vie par dégoût...
Étranges gueulards, sans mémoire,
Sans culture, et donc sans raison!
N'ayant pas vu qu'ils pouvaient croire
En eux, crevant de trahisons!
Ronde des morts aux corps difformes,
Poules, cafards, rampants visqueux!
L'enfer prend ces bouffons pour normes,
Et nous les mets devant les yeux.
Et par grimace et forfaiture,
Jeu du néant et du lampion,
Chacun laisse sa signature
Pour concourir comme champion...
***
Image ou hallucination
Le rêve est mon inclination :
Un puzzle de corps et d’aurores,
Comme un alphabet qui dévore
Toute autre considération !
Le fruit des chairs nées sous nos larmes
S’irise d’arc-en-ciel et charme
Toute la volupté des nus,
Inaccessibles inconnus
Que rien ne détourne ou n’alarme.
C’est un phare mais à l’envers
Où tourne en rond dans l’encre bleue
La lumière d’un homme anxieux,
Jusqu’au fond de mon cœur d’hiver.
C’est peut-être moi que je traque
Dans tous les clichés en miroir,
Quand jadis l’ivresse d’un soir
S’enchantait à l’alcool d’un claque.
Image ou hallucination
Voilà le propre des chansons,
L’idée au beau fixe des cimes
Où tous les rêves se déciment
A ce bûcher d’adoration !
Partout le parfum des corps danse
Dans la luxure ou la démence,
Et forme la seule obsession,
Comme le crime ou la passion,
Quand c’est l’image qui me pense.
***
Évanouissement d’image,
Absorbée de brouillards, d’écrans
Faits de mille voiles d’instant,
Comme une larme d’enfant sage !
Tout se rétrécit dans le blanc !
On y verrait notre passage
Sur cette terre de tourments :
Vagues traits d’ébauche au gommage.
On y ressent Giono, le temps
D’évoquer tel ou tel voyage
Dans la Provence des parents :
Champs de lavandes en sillage,
Et roches d’ombres surplombant
Des vals de brumes et de sang.
Tout s'enveloppe de mystères :
Mon désir à ton corps voué,
Ou le tien à mon corps à terre...
Culte d'amour inavoué...
* * *
C'est l'abandon que je célèbre,
Tes muscles forts et si bandés :
Poème de peau et ténèbres,
Feu de l'orgueil à quémander...
* * *
Un éclair de plaisir qui passe
Et qui ne reviendra jamais,
L'attente des semaines lasses
Pour un appel au coeur inquiet...
* * *
Regard où je ne suis plus qu'un objet
Presque effacé, presque déjà sans âme,
Tu es le roi dont je suis le sujet,
A tes genoux, dans les fers et les flammes...
* * *
Quel est ce plaisir démultiplié partout?
Courbes, cuisses, reins, tout d'infini rayonne
Et se perd dans l'absence et le bonheur jaloux
D'être le seuil livré aux joies que tu me donnes !
* * *
C'est un serpent qui sous la peau ondule,
Un frisson parvenu des confins noirs
Du corps ! Le collier qui tintinnabule
Donne à la procession le seul espoir
D'être soumis et de s'en prévaloir...
* * *
Au cuir se mélangent tes courbes
Et ces parfums bombés de sexe;
J'appartiens à tes cuisses lourdes
Et te servir est mon réflexe...
* * *
Je suis à skin, je suis si lisse,
Qu'un seul collier me lie à toi,
Que tu craches ou que tu pisses
Sur mon coeur tout déperlera...
* * *
Il est un mot "appartenance"
Qui est si fort, qui est si beau,
On y devine un roi de France,
Un Théophile ou un Rimbaud !
Il porte en lui l'âme des roses
Et leur piquant au goût de sang,
Il permet les métamorphoses
Comme il peut effacer le temps !
Il donne à voir un précipice
Où vont mourir tous les regrets,
Il offre un infernal délice
Aux remords devenus discrets...
* * *
La chaleur devient peau humide
Et la pulsion transpiration,
Goût haletant d'un suc acide
Où va grandir mon addiction...
* * *
D'abord c'est ta voix qui résonne !
L'ordre donné à respecter,
Tout faire pour que tu pardonnes...
Ou châties pour m'en délecter...
* * *
Le noir est plus noir que le cuir
Et que le cri de la souffrance;
Le mal te pousse-t-il à fuir
Ou à chercher ta délivrance?
* * *
A genoux pour l'offrande
Et le soleil droit dans les yeux !
L'éblouissant demande
A être reconnu pour Dieu !
* * *
Le corps est pétale de rose
Et tout se galbe à son bonheur,
Le plaisir arabesque explose
En jouissant sur ces rondeurs...
* * *
Ligne de muscle et de puissance
Qui a dessiné ton regard?
Je meurs de ce même rasoir
Qui te dénude en innocence...
* * *
Comme il est amer le chemin de l'abandon...
Je voulais y trouver un vrai corps de lumière,
Et un corps rassasié d'amour et de chansons
Pour éloigner des jours l'absence et la misère,
Et je n'aurai gagné qu'un souvenir, disons
Plus cruel qu'un espoir qui dort dans son mystère...
* * *
C'est le sel de l'amour, il excite l'envie
De goûter à nouveau au miroir des folies :
Je suis lui, tu es moi, tout se lit, se délie,
D'un mot, d'un vers, d'un regard nu inassouvi...
* * *
Epure, élévation, étreinte
Avec l'immatériel azur,
Tel qu'il était avant l'empreinte
Du soleil dans nos coeurs impurs.
* * *
Nous ne faisons que nous convaincre
De valoir mieux que tous ceux là,
Qui croisent nos vies, et parfois
Se laissent aimer pour nous vaincre...
* * *
La chair dénudée longuement s'appelle,
Cherche la chair de son plaisir,
Ondulation de plage telle
Qu'elle est le sablier de l'avenir...
* * *
La caresse redessine le monde,
Comme le souffle du printemps,
Elle part d'horizon et finit en lumière;
Au velours des passions lignes et rondes
Voluptés lentement s'imposent sur la terre,
Comme le souffle du printemps...
* * *
La peau est l'étincelle des rêves
Qui en reçoit le dessin de l'amour,
Le bonheur s'y étourdit et lève
Mille obsessions d'appels et de secours...
* * *
Jour après jour,
J'essaye de survivre,
Mais qu'espérer suivre
Sans un amour?
Jour après jour,
On vit pour sa famille,
On prend mille détours,
Parfois mille béquilles
Pour seul secours!
Jour après jour,
Le temps est une larme
De sang coulant autour
De nos mains, sans alarme
Autre qu'un coeur trop lourd,
Jour après jour...
Les rêves s'effilochent,
Poussière en fond de poche,
Images sans retour,
Jour après jour...
La vie démente
Prend une pente
Comme un dernier Monet
Tout brouillonné,
Et tout s'efface
Jour après jour
Dans cet espace...
* * *
S'ouvrir au soleil mouillé
Comme une fleur de rosée fraîche,
Coeur démon déverrouillé
A l'impatient goût de pêche...
Atteindre une nuit sans lune
Où tout s'éclabousse de vie,
L'impudence a forme de prune
Aux courbes noires de l'envie...
Couvrir le corps de l'amour
Comme les étangs sous la brume,
L'éternité prend toujours
L'oubli jaune et vert des agrumes...
***
Ici bas, les yeux fermés sur ma solitude,
Et d’aussi loin que viennent les déceptions,
Mon corps semble plonger dans l’or des certitudes !
Ma blessure est ouverte à l’orée des passions,
Elle saigne des mains où se perd la tendresse,
Elle est sur les lèvres où l’absence est poison,
Glissant dans les regards aux souvenirs qui laissent
Couler des larmes au plus cruel abandon…
***
Et si l’éternité se prenait dans nos bras,
Et la mandorle d’or de notre aura
S’ouvrait à ces trésors d’humanité perdue ?
Et si l’or déroulait lentement dans les rues
Cette lumière à cheminer vers toi ?
***
Je suis le repos, et la légende dorée,
L’enluminure fraîche au doux réveil des rêves ;
Ma vie à ce dessin ainsi incorporée
Donne un corps à jamais questionné par vos glaives !
Et la poésie dort en ce jardin d’amour,
Comme s’en vont dormir les souffrances des jours…
Je suis la nuit, toujours, et l’aube qui se lève !
Poèmes Jean-Louis Garac
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