PAS MON STYLE...


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Il est amusant de noter qu’à une époque qui manque autant de style que de charme, et que de caractéristiques (positives), et que d'intérêt aussi, le mot style soit celui le plus employé par certains pour mettre fin à une discussion autour d’une rencontre possible. Je parle bien sûr d’une discussion via Internet sur des sites de rencontre, car l’Humanité a fait un bond décisif en ce début du XXI°s et ne se parle plus que par messages interposés, et quand je dis « parle » ce ne sont en fait que des morceaux de phrases mille fois employées et des échanges sans fin de photos (pics), sans avoir une rencontre réelle in fine.


Le « style » serait donc devenu celui des stéréotypes dans l’image comme dans les mots. Et quand vous ne correspondez pas à l’image fantasmée, on vous répond désormais : « pas mon style », modulé parfois d’un « désolé pas mon style ». On apprend donc aujourd’hui que la rencontre doit se penser comme une recherche de vêtement ou de meuble, on vous « accorde » comme une cravate, un fauteuil, un tissu. Ce n’est plus une rencontre en réel et dans le présent, car les photos ne sont qu’un moment figé du passé, avec la possibilité de discuter et de faire « parler » son corps, son esprit, et sa façon d’être, ce qu’on appelait le « charme » jadis, cela devient désormais un flash froid et définitif autour d’une affaire de « style », donc de soi vers soi et pas vers l’autre.


Si le mot style en dit long sur la façon de chosifier ou d’objetiser ses contemporains, il met en relief aussi l'énorme bulle qu’Internet aura aussi facilitée, c’est à dire l’ego qui a définitivement pris le pas sur l’intelligence, le savoir ou la Culture, sur le bon sens comme sur la part distinctive qui faisait de l’Homme un être à part avec son « humanité », sa compassion, sa générosité, son élan vers les autres ou son altruisme, et sa façon de vivre et de parler d’amour.

Dans ce monde « magique » et tribal qui est le nôtre, on est passé de l’adoration des Mages à l’adoration de l’Image…de soi…mais on n’a toujours pas tué les archétypes, ni  les miroirs  sublimés, ni les contes à dormir debout, on les a remplacés tragiquement par soi.


Le « style » marque donc une absence, un trou béant, comme les trous noirs interstellaires qui font disparaître toute la lumière autour d’eux. Il est évident qu’une société de trous noirs n’est guère viable, car ce que j’observe au niveau des rencontres se dessine également dans la vie de tous les jours, certes différemment, mais le résultat en est le même que l’on prenne le métro, que l’on fasse des courses, ou que l’on se retrouve face aux collègues d’usine ou de bureau. Le même « style », où l’individu s’effondre sur lui-même en niant l’autre, se décline sans fin.

C’est ce que l’on pourrait plaisamment appeler « une mystérieuse affaire de « style » », mais le criminel est bien vite cerné, le criminel ou plutôt les criminels ceux qui ont encouragé et permis ces dérives, ceux qui ne les dénoncent pas, ceux qui s’en servent déjà pour faire du fric facile ou pour, cerise sur le gâteau, manipuler des marionnettes molles conditionnées pour ne vivre que pour elles. Ces multiples réseaux de rencontre via Internet, ou via les réseaux sociaux les plus implantés, appartiennent bien à des gens qui ont tout intérêt à ce que la plupart des hommes cultivent l’inutile, le consommable ou l’insatisfaction permanente.


Vous croyez vivre libre, vous pensez que vous avez adopté un « style », vous vous imaginez puissant, mais c’est tout le contraire, en fait vous n’êtes que la photocopie de ce que certains médias ont façonné par la mode, qu’un simple consommateur qui n’a plus de recul devant ce qu'on lui propose, que la énième mouture d’un écho repris par les codes du milieu, les musiques planétaires, les images surmédiatisées, et l’approche débilitante de ce rêve de virilité qui n’existe pas; l’homophobie dans les stades de foot en est en quelque sorte son ombre ou son contrepoint.

Ce « pas mon style » est gay comme hétérosexuel, il est jeune comme vieux, il est masculin comme féminin, il est riche comme pauvre, car il est l’étiquette plastique de ce monde sans vie, sans objectif, sans issue, sans rédemption, et sans les puissances et leviers d’avenir que sont la connaissance de la fragilité, l’amour, et le goût des découvertes.


Suite à ce constat, aux diverses lectures et prises de conscience (voir les notes en fin d'article), à mon vécu sur les réseaux sociaux, qui rejoignent totalement ces mêmes dysfonctionnements, je n'ai eu qu'une seule envie : fuir ces réseaux de mort que j'avais fréquentés depuis plus de 10 ans! Ici la monstruosité, cet ego en forme de bête dévastatrice et tentaculaire, se mélange de manipulations sans fin sur l'Histoire, sur la politique, sur les faits de société, et joue à fond sur la crédulité, pour ne pas dire la bêtise et l'inculture, de nos contemporains!

L'inutile côtoie l'absurde, le faux prend le pas sur la vérité, l'affirmation péremptoire sur l'analyse, et les complots sur le bon sens! L'idée d'échanges, de partages, de découvertes a été plombée je pense définitivement par cela, et aujourd'hui ces réseaux sont un précipité empoisonné qui rajoutent au désordre, à la pollution et aux multiples ravages et naufrages de notre monde. Là je peux dire que ce n'est pas « mon style »...

Jean-Louis Garac, septembre 2019


Notes :
« La civilisation du poisson rouge », de Bruno Patino, Grasset
« L’amour sous algorithme », de Judith Duportail, La goutte d’or
« La société du paraître, les beaux, les jeunes… et les autres », de JF Amadieu, Odile Jacob

Également à lire même si plus éloigné du sujet:
« Le nauvrage des civilisations », d’Amin Maalouf, Grasset

Et Différents articles dont:
« L’irruption des réseaux sociaux sur la scène internationale », de Julien Nocetti
« Oui Internet conspire à nous rendre cons, très cons, de plus en plus cons », de Béatrice Sutter, ADN
Etc.





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