2009 a été une année exceptionnelle pour le cinéma ! Il y a des millésimes fabuleux pour le vin et il semble y en avoir aussi pour le septième art !
Tout l’intérêt du cinéma est de provoquer en nous réflexions, prises de conscience, et une forme d’exaltation ou d’enthousiasme qui nous enlève de notre quotidien pour nous propulser dans une autre dimension et dans deux principales directions celle du rêve ou celle d’une autre réalité, d’une autre vie.
C’est le cas avec le film de Gus Van Sant « Milk » qui nous parle de l’histoire d’Harvey Milk (1930-1978) et notamment de son parcours politique quand il refuse dès 1972 d’être considéré comme un sous-citoyen américain à cause de son homosexualité. Il faut dire que, depuis le début de sa vie, le parcours d’Harvey Milk n’a pas été « tout rose » : d’origine juive et doté d’un physique « ingrat » il a du être confronté directement aux railleries et discriminations malheureusement « habituelles » ; première approche amère de cette « différence » vis à vis des autres...
Harvey Milk toutefois ne s’est jamais enfoncé dans une sorte de fatalisme paralysant : il bifurque plusieurs fois dans sa carrière professionnelle, prend des routes bien différentes entre marine, théâtre et photographie, change également d’Etat et déboule à San Francisco au début des années soixante-dix ! Que serait Castro street sans Harvey Milk ? Sans doute un nom banal de rue comme il y en a des milliards sur terre, mais lui a su lui donner une âme, une lumière et une visibilité dans l’histoire des droits LGBT.
Le film de Gus Van Sant se lie aux images d’archives, il s’écrit et se réécrit dans la réalité de la vie homosexuelle américaine de ces années décisives, véritable tournant sociétal comme mai 68 a pu l’être également. Je pensais jusqu’alors, certes naïvement, que les soulèvements de Stonewall (1) aux USA avaient à eux seuls modifié la donne et que l’homosexuel était passé du rôle de paria à celui d’un citoyen lambda, certes haut en couleurs, qui reprenait une place que la société bien-pensante et chrétienne lui avait ôté de façon scandaleuse depuis fort longtemps.
Le film démontre bien que l’histoire fut plus compliquée que cela et que si les USA possèdent une monumentale statue en bronze de la Liberté ils sont loin d’avoir eu dans leurs neurones la même place pour appliquer ce concept et ce droit à tout un chacun : les noirs, les indiens et les gays en ont fait l’amère expérience…
« Milk » est l’illustration, brillantissime, d’une quête de la Reconnaissance et de la Liberté. Le film raconte l’histoire d’un homme qui dit NON, qui refuse d’être un mouton de Panurge, qui refuse d’être étiqueté par les autres et réduit à une image qui n’est pas la sienne, qui refuse d’être muet et esclave d’un système aliénant, qui refuse de rester courbé, peureux, sous le poids abject d’une morale délirante.
En cela il me rappelle l’Homme Révolté de Camus devant l’absurdité d’un système. Il est celui qui refuse de fuir, qui se relève, qui fait face, qui harangue, qui clame aussi ce qu’il est de façon courageuse et sans détour. On parle de provocation insensée, mais qu’est ce que la provocation sinon la réaction épidermique d’une société qui croit se bâtir en s’enfermant dans des mythes (étymologiquement mensonge) et des idées préconçues !
Dans ce domaine la figure d’Anita Bryant (2), qu’on ne voit à l’écran que par des extraits des actualités de l’époque, agit comme un ectoplasme noir, l’ombre de l’homophobie irascible, de tous ceux qui, absolument convaincus d’agir au nom de Dieu, se sont permis de juger et de tuer.
Le film nous offre bien deux visages : la Liberté et le Soufre, celui d’Harvey Milk, joué admirablement par Sean Penn, et celui de cet ange du mal représenté par Anita Bryant elle-même. L’un amène le mouvement et la vie, la reconnaissance et la prise de conscience, l’autre l’enfermement et le rejet dans un discours qui dérape entre considération familiale et religion, les deux trous noirs de la société car l’une et l’autre font référence à un idéal aussi inexprimable qu’incernable et surtout inexportable en dehors de soi !
La révolte est une des dimensions essentielles de l’Homme disait Camus, il écrivit aussi « Je me révolte donc je suis ». C’est très exactement ce qu’on retrouve dans ce film : l’identité vient du refus de plier devant des lois scélérates, elle vient aussi dans le coming-out et la nécessité vitale et absolue de dire ce que l’on est face à une mutilation de l’individu dans son essence même, dans l’Etre par rapport au Non Etre que représente le poids de ces lois iniques portées par une société sous le charme des faux-prophètes. Harvey Milk nous invite à devenir des acteurs de ce mouvement, des acteurs qui s’affirment et qui jouent leur rôle sans honte et sans regret délaissant les clichés morbides.
Au-delà des gays, lesbiennes et transgenres, le film raconte une sorte d’épopée moderne ancrée dans le réel pour l’obtention du droit à Vivre et à Etre. Martin Luther King, Gandhi firent de même pour d’autres droits, cependant leur chemin offre bien des similitudes !
Je parlais en début d’article d’une saison riche en films intéressants, permettez-moi de citer aussi « Les Insurgés », film d’Edward Zwick, qui raconte la Révolte authentique des frères Bielski face à la monstruosité nazie durant la seconde guerre mondiale. Nous sommes dans ce film plongés dans l’univers des persécutions raciales du troisième Reich qui conquiert l’Europe de l’Est. Loin de se laisser tuer ou mener au ghetto avant une mort certaine, ces hommes et ces femmes sous la houlette de Touvia Bielski, vont arriver à survivre, à se battre de façon surhumaine et à trouver le chemin de leur liberté !
Décidément l’Homme Révolté est à l’honneur dans le cinéma actuellement !
Notes :
1-Les émeutes de Stonewall célébrées sous le nom de Christopher Street Day (CSD) furent une série de conflits violents entre d’une part les homosexuels et les transgenres, et d’autre part les forces de police de New York. La première nuit d’émeute eut lieu le 28 juin 1969, après une descente de huit policiers dans le « Stonewall Inn », un bar gay situé sur Christopher Street, au cœur du Greenwich Village. Stonewall est souvent considéré comme le tournant du mouvement de demande d’égalité des droits homosexuels. (Wikipedia)
2-Anita Jane Bryant est une chanteuse américaine qui a aussi tourné dans une serie de spots publicitaires vantant le jus d’orange de Floride. Elle est surtout connue pour avoir mené une campagne à Miami dans le milieu des années 1970 pour abroger une ordonnance locale interdisant toute discrimination basée sur des critères de préférences sexuelles. Les propos qu’elle tint lors de cette campagne furent à l’origine de la première manifestation homosexuelle ayant eu lieu à Paris, le 25 juin 1977. (Wikipédia)
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2-Anita Jane Bryant est une chanteuse américaine qui a aussi tourné dans une serie de spots publicitaires vantant le jus d’orange de Floride. Elle est surtout connue pour avoir mené une campagne à Miami dans le milieu des années 1970 pour abroger une ordonnance locale interdisant toute discrimination basée sur des critères de préférences sexuelles. Les propos qu’elle tint lors de cette campagne furent à l’origine de la première manifestation homosexuelle ayant eu lieu à Paris, le 25 juin 1977. (Wikipédia)
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