L’éternel féminin est peut-être une notion machiste ? Cette expression véhiculerait plutôt le sentiment des hommes devant la femme et les « codes » qui amènent celle-ci dans le jardin des fantasmes masculins… D’un autre côté la vision de la femme par la femme conduit sans doute à d’autres « stéréotypes » de par même le fait que nul n’est prophète en son pays ou son domaine….
Du côté des misogynes, l’éternel féminin est une femme permanentée, de préférence blonde et idiote, je n’en dirai pas plus à leur sujet !
Il n’est donc pas facile d’approcher cette notion qui semble varier au gré des individus, de leur genre, de leur culture, et de leur melting-pot intérieur entre obsessions, rêves, désirs et formatages.
Sans doute « les folles » pourraient apporter des éléments déterminants autour de ce concept mystérieux qui dit plus sur ceux qui l’emploient que sur leur destinataire. Je vois cependant déjà les réserves de certains à leur sujet ! Mais ce serait leur faire un mauvais procès que de considérer qu’ils ne font qu’une utilisation de surface, voire caricaturale, de la femme ; la crème n’est-elle pas la quintessence du lait ? Si le masque a parfois des traits appuyés l’esprit néanmoins anime cette double conscience du genre en abandonnant tout présupposé sociétal, et toc !
Je vous invite donc à réfléchir sur cet « éternel féminin », parce qu’il nous interpelle tous : homme, femme, que nous soyons hétéro, bisexuel, gay, lesbienne ! Il nous interpelle à plusieurs niveaux : sur la notion de genre, nos paramétrages psychologiques, nos définitions de l’autre et la place de sa liberté.
Il rentre également tout un éventail de connotations intéressantes comme une forme de romantisme qui peut y être attaché, voire de bovarysme que l’on soit fille ou garçon.
Faut-il aussi ajouter que cet « éternel féminin », vite proclamé pour mieux être escamoté sans doute, devrait cependant ouvrir la porte du « PLAISIR » en parfait équilibre avec le plaisir des hommes, alors que la femme en a été privée durant des siècles et continue sous d’autres latitudes à subir une interdiction de vivre et de s’épanouir… Vous voyez bien que « l’éternel féminin » à avoir aussi avec les causes homosexuelles dans la liberté d’Etre !
Comme en littérature tout a commencé par la poésie, je vous propose donc de vous arrêter sur 6 poèmes : poèmes de femmes et poèmes d’homme sur la femme pour essayer d’approcher cet éternel féminin où se mêlent passion, volupté, idéal et cœur du monde ! Vous verrez que les approches sont très différentes et que ce même sujet développe à l’infini la poésie que nous lui portons !
Donne m’en un de tes plus savoureux,
Donne m’en un de tes plus amoureux :
Je t’en rendrai quatre plus chauds que braise.
Las ! te plains-tu ? Çà, que ce mal j’apaise,
En t’en donnant dix autres doucereux.
Ainsi, mêlant nos baisers tant heureux,
Jouissons-nous l’un de l’autre à notre aise.
Lors double vie à chacun en suivra.
Chacun en soi et son ami vivra.
Permets m’Amour penser quelque folie :
Toujours suis mal, vivant discrètement,
Et ne me puis donner contentement
Si hors de moi ne fais quelque saillie.
Louise LABÉ
Mon coeur tendu de lierre odorant et de treilles,
Vous êtes un jardin où les quatre saisons
Tenant du buis nouveau, des grappes de groseilles
Et des pommes de pin, dansent sur le gazon...
Sous les poiriers noueux couverts de feuilles vives
Vous êtes le coteau qui regarde la mer,
Ivre d’ouïr chanter, quand le matin arrive,
La cigale collée au brin de menthe amer.
Vous êtes un vallon escarpé ; la nature
Tapisse votre espace et votre profondeur
De mousse délicate et de fraîche verdure.
Vous êtes dans votre humble et pastorale odeur
Le verger fleurissant et le gai pâturage
Où les joyeux troupeaux et les pigeons dolents
Broutent le chèvrefeuille ou lissent leur plumage.
Et vous êtes aussi, coeur grave et violent,
La chaude, spacieuse et prudente demeure
Pleine de vins, de miel, de farine et de riz,
Ouverte au bon parfum des saisons et des heures,
Où la tendresse humaine habite et se nourrit...
Anna de NOAILLES
Je t’aime d’être faible et câline en mes bras
Et de chercher le sûr refuge de mes bras
Ainsi qu’un berceau tiède où tu reposeras.
Je t’aime d’être rousse et pareille à l’automne,
Frêle image de la Déesse de l’automne
Que le soleil couchant illumine et couronne.
Je t’aime d’être lente et de marcher sans bruit
Et de parler très bas et de haïr le bruit,
Comme l’on fait dans la présence de la nuit.
Et je t’aime surtout d’être pâle et mourante,
Et de gémir avec des sanglots de mourante,
Dans le cruel plaisir qui s’acharne et tourmente.
Je t’aime d’être, ô soeur des reines de jadis,
Exilée au milieu des splendeurs de jadis,
Plus blanche qu’un reflet de lune sur un lys...
Je t’aime de ne point t’émouvoir, lorsque blême
Et tremblante je ne puis cacher mon front blême,
Ô toi qui ne sauras jamais combien je t’aime !
Renée VIVIEN
ci dessus Djuna Barnes
Nous voyons tes bras s’embuer
Dans la fièvre ;
Nous voyons ton chemisier moite
Battre au rythme
Des coeurs débordés qui s’égouttent
A tes pieds.
Te voyons descendre, la toison bombée
Pour cueillir,
Le moucheté moite d’un vague
Dessous de lèvre.
Ta douce salive, libérée
En orgie, goutte.
Djuna BARNES, extrait du « Livre des Répulsives » qui vient d’être édité chez Ypsilon, 2008.
Les Nymphes Oui, des lèvres aussi, des lèvres savoureuses
Mais d’une chair plus tendre et plus fragile encor
Des rêves de chair rose à l’ombre des poils d’or
Qui palpitent légers sous les mains amoureuses.
Des fleurs aussi, des fleurs molles, des fleurs de nuit,
Pétales délicats alourdis de rosée
Qui fléchissent pliés sous la fleur épuisée
Et pleurent le désir, goutte à goutte, sans bruit.
Ô lèvres, versez-moi les divines salives
La volupté du sang, la vapeur des gencives
Et les frémissements enflammés du baiser.
Ô fleurs troublantes, fleurs mystiques, fleurs divines
Balancez vers mon coeur sans jamais l’apaiser
L’encens mystérieux des senteurs féminines.
Pierre LOUYS
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire