Max Jacob, poète oublié !


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« Monsieur Max » , comme un « Un amour à taire », permet de prendre conscience et de se souvenir qu’il y a plus de soixante ans il n’était pas bon, dans les pays sous domination nazie, d’être juif ou homosexuel ou les deux à la fois. Max Jacob était les deux.

Adieu l’étang et toutes mes colombes
Dans leur tour et qui mirent gentiment
Leur soyeux plumage au col blanc qui bombe,
Adieu l’étang.
Adieu maison et ses toitures bleues
Où tant d’amis, dans toutes les saisons,
Pour nous revoir avaient fait quelques lieues,
Adieu maison.
Adieu vergers, les caveaux et les planches
Et sur l’étang notre bateau voilier,
Notre servante avec sa coiffe blanche,
Adieu vergers.
Adieu aussi mon fleuve clair ovale,
Adieu montagne ! Adieu arbres chéris !
C’est vous qui êtes ma capitale
Et non Paris.

Max Jacob - Le départ

Max Jacob est un poète français (1876-1944), d’origine juive qui se convertit au christianisme en 1909, et resta une des figures les plus sympathiques de la vie montmartroise, vivant intensément au service de la Poésie. Il est mort au camp de Drancy, une étoile jaune sur sa veste, ayant vu ses proches, dont sa soeur, être déportés. Vous trouverez ses poèmes dans dans la collection Poésie/Gallimard, La Pléïade n’ayant pas encore honoré cet auteur.

Un téléfilm de Gabriel Aghion (Pédale douce, Belle maman), diffusé sur Arte, nous donne l’occasion de redécouvrir le destin tragique d’un poète oublié, doublé de la dernière apparition de Jean-Claude Brialy à l’écran, qui interpète le rôle titre. Homme de grande culture, ayant toujours eu autant d’élégance que d’humour, il donne à son personnage épaisseur et vérité bouleversante.

Remarquable aussi Dominique Blanc dans le rôle d’une femme qui veut sauver le poète et père qu’elle aurait voulu avoir. Ce téléfilm néanmoins donne une vision peu flatteuse de personnages tels Jean Marais, Cocteau et Guitry, qui apparaissent comme des caricatures de dandys qui survivent très bien dans ce monde de misère, de faim et de mort.

Au-delà de cela, merci à ARTE de continuer à jouer son rôle de chaîne exceptionnelle en nous permettant de découvrir, de réfléchir, et de veiller sur la mémoire de ces années de ténèbres.

La Poésie y est mise à l’honneur, la Poésie dont on parle de moins en moins en littérature, qui ne s’achète plus, qui est la peau de chagrin de nos bibliothèques et qui survit sous l’appellation évasive et trompeuse de « paroles » dans les chansons d’aujourd’hui.

Big Bang de la littérature, la Poésie semble devenue un nuage vaporeux et éloigné qui intimide, indiffère, ou, pour être vulgaire, rase le quidam moyen. Grossière erreur, la Poésie est la Vie, c’est elle qui fait vivre Max Jacob dans sa vie mouvementée et pauvre et qui le sauve encore quand il finit ses jours au camp de Drancy. « Je suis hors du monde » dit Monsieur Max à son jeune compagnon d’infortune. C’est peut-être encore elle qui nous réveille d’une léthargie imbécile et nous permet de réapprendre le monde avec des yeux neufs d’enfants.

Le poète a écrit « un incendie est une rose sur la queue ouverte d’un paon » alors que ce feu brûle en vous et produisent beaucoup de roses, car la queue du paon c’est l’image de notre arrogance à tout dédaigner quand on ne sait rien, notre superbe d’ignorant et notre aveuglement.

Voilà une bonne occasion de découvrir un poète oublié comme il y en a tant et de prendre le goût d’en découvrir d’autres.

Oublies-tu que je me souviens ?
Non ! Souviens-toi que je t’oublie
Amour la moitié de ma vie
Amour...que serai-je demain ? (...)
Je suis mourant d’avoir compris
que notre terre n’est d’aucun prix.

Max Jacob – Derniers poèmes

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