Sylvia SLEIGH une femme peintre de 93 printemps !


(1) commentaires


A côté de multiples badigeonneurs qui redécouvrent innocemment (mais pas toujours) ce qui a été créé un siècle avant eux avec plus de talent et de force, nous trouvons heureusement encore de véritables artistes qui laissent un témoignage prenant et unique : celui de leur vision du monde et de la société dans laquelle ils évoluent. Certaines expositions, à la croisée d’œuvres diverses, mais fécondées par une inspiration commune, permettent d’admirer des tableaux exceptionnels et méconnus en France.
Ainsi en été 2009, le musée de Montauban, dédié à Ingres, fait l’objet d’une exposition intéressante, car elle fait la part belle à des artistes du monde entier.

 
C’est par cette information que ma curiosité s’est arrêtée, au-delà de cette exposition même, à l’artiste américaine Sylvia Sleigh (née en 1916 en Angleterre et résidant aux USA), dont la peinture est attachante et d’une grande sensualité.


On trouve peu de renseignements sur cette artiste peintre, une des rares femmes dans l’univers, là aussi, assez masculin de la peinture et de l’art en général ! Comme dirait une vieille chanson réactualisée : « Mais où sont allées les dames de l’art de jadis et d’aujourd’hui : les Elizabeth Vigée-Lebrun, les Berthe-Morisot et les Camille Claudel à jamais englouties dans le brouillard de l’Histoire… ».

 
Tout ce que l’on peut lire sur Sylvia Sleigh c’est que par « féminisme », d’autres diront par esprit de contradiction et de renouveau comme Channel dans la mode, elle a fait installer ses modèles masculins dans des situations et des poses jusqu’alors réservées « traditionnellement » aux femmes ! Une manière malicieuse et douce de renverser les lieux communs et les rôles englués par les traditions en montrant la part de féminité dans chaque garçon ! Sylvia Sleigh nous suggère ainsi que les codes ne sont que le résultat d’une mode et d’une époque dans une société donnée et que tout cela ne repose sur rien de profond ou d’essentiel dans l’être humain.

Ceux qui s’intéressent à l’histoire, aux différentes sociétés disséminées sur terre aujourd’hui comme hier et aux coutumes développées, connaissent déjà la réponse : nos valeurs, nos conduites, nos
croyances, nos habitudes, nos rituels, nos représentations, comme nos peurs et nos espoirs, ne sont que le résultat des mille variantes de la fantaisie humaine et de la culture qu’elle développe face aux circonstances extérieures, dont celles géographiques, climatiques, où liées à la rivalité d’autres groupes humains.

Si Sylvia Sleigh est féministe, elle l’est me semble-t-il dans l’humour, ou l’ironie peut-être, mais sans rabaisser l’homme au profit de la femme. La situation qui s’offre à nous dans ses tableaux, révèle plusieurs choses : le goût de la nudité, notamment de la nudité masculine, et le goût de réinventer le tableau à travers une autre lecture des genres : celle du corps masculin comme objet de plaisir au même titre que celui de la femme ! La peinture n’est alors plus basée sur le corps féminin exclusif comme temple de l’érotisme.

Petite remarque au passage, il serait intéressant dans le domaine de la sculpture de voir aussi évoluer l’approche du corps qui reste essentiellement féminin et toujours représenté dans de sempiternelles formes ovoïdes, car le corps de la femme implique trop souvent la représentation sous-jacente de la maternité.
Sylvia Sleigh détache le corps de la femme de cette tradition pesante, elle rétablit un équilibre entre les sexes montrant que le corps humain qu’il soit celui d’un homme ou d’une femme produit le même trouble, la même émotion, et qu’il n’y a plus de chasse gardée ou de vision unique. N’existe plus alors que le corps naturellement assumé de part et d’autre !
 
J’ai déjà évoqué, dans d’autres pages sur la peinture, le travail de la création de chaque artiste comme étant très souvent une étude « en relation » et « en réaction » avec les oeuvres des autres créateurs passés ou contemporains. Ainsi tel tableau est inspiré de tel autre ouvrant par la même occasion un « dialogue » aussi fascinant qu’étrange entre eux. Picasso était maître en la matière, mais beaucoup d’autres s’y sont essayés !


Sylvia Sleigh, dans le jeu des changements de rôle, tout en finesse et sans heurt, révèle ainsi une autre vision inscrite dans le mouvement de l’égalité entre les sexes et notamment dans ceux de leur représentation : ses tableaux les plus connus sont ceux de « Pan » (inspiré de Lucas Signorelli), des « bains Turcs » (inspiré de Ingres), des amoureux façon « Vénus et Mars » (inspiré de Botticelli), ou d’un peu de musique entre amies (inspiré de Giorgione) !
 
On ne peut que se réjouir de découvrir, débarrassée des voiles des stéréotypes de la représentation de ce que doit être un homme ou une femme, encore si couvrant aujourd’hui, l’oeuvre d’une artiste libérée et sereine !

1 commentaire:

  1. Merci pour ce joli article, de la plume d'un homme de surcroît !

    RépondreSupprimer