Les plafonds divins !


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Lors d’un récent voyage, en visiteur curieux des villes parcourues et des monuments à voir, j’ai découvert une église fort modeste et sans aucun attrait mais qui a provoqué en moi un début de réflexion sur la religion et le besoin de croire.

Il faut dire aussi que j’étais en pleine lecture d’un livre de Michel Onfray « La puissance d’exister » ! Comme chacun le sait Michel Onfray dénonce les croyances réductrices et les constructions mythiques et délirantes de l’âme humaine. En première partie de ce livre, la relation touchante de son enfance aux mains de salésiens (ceux qui appliquent la règle de Saint-François de Sales) sinistres et violents vous glace le sang.

Ces établissements religieux ont été de vrais fabriques a décerveler les élèves et à produire des hommes rustres et sans réflexion car tout ce qui était « intellectuel » était jugé négativement ! Paradoxe, beaucoup sont sortis en athées irréductibles de ces drôles d’école après cette « expérience » avec le « religieux »...
Dans sa philosophie Michel Onfray développe cette idée d’une révolution dans nos têtes et nos cœurs pour proposer autre chose qu’un enfermement et une aliénation dans un système religieux, et il replace l’homme -corps et esprit- dans sa nature.

« De quoi travailler ensuite à une nouvelle donne éthique et produire en Occident les conditions d'une véritable morale post-chrétienne, où le corps cesse d'être une punition, la terre une vallée de larmes, la vie une catastrophe, le plaisir un péché, les femmes une malédiction, l'intelligence une présomption, la volupté une damnation. »"(Michel Onfray, Traité d'athéologie - 2005)
Dans un autre contexte, ce que nous dit Boualem SANSAL, dans « Le Village de l’Allemand » a le même sens :

« Le flou et l’inexplicable sont les ingrédients de base pour qui veut devenir fanatique (…) » (Boualen Sansal, Le Village de L’allemand, Gallimard, 2008)

Au XVIII°s, l’inimitable Voltaire écrivait déjà avec beaucoup d’ironie :
« Lorsqu’une fois le fanatisme a gangrené un cerveau, la maladie est presque incurable. J’ai vu des convulsionnaires qui, en parlant des miracles de saint Pâris, s’échauffaient par degrés parmi eux: leurs yeux s’enflammaient, tout leur corps tremblait, la fureur défigurait leur visage, et ils auraient tué quiconque les eût contredits. » (Dictionnaire Philosophique de Voltaire, fanatisme)

Un tsunami de brouhahas, d’images et de cendres humaines anime toute l’histoire de l’humanité, comme la vague de la croyance éperdue, au point de continuer à provoquer guerres, dérives de toutes sortes, inquisition, tortures morales, contortionnement du peu qui reste de raison.

« Des millions de morts, des millions de morts sur tous les continents, pendant des siècles, au nom de Dieu, la bible dans une main, le glaive dans l'autre : l'Inquisition, la torture, la question; les croisades, les massacres, les pillages, les viols, les pendaisons, les exterminations, les bûchers; la traite des noirs, l'humiliation, l'exploitation, le servage, le commerce des hommes, des femmes et des enfants; les génocides , les ethnocides des conquistadores très chrétiens, certes, mais aussi, récemment, du clergé rwandais aux côtés des exterminateurs hutus; le compagnonnage de route avec tous les fascismes du XXième siècle, Mussolini, Pétain, Hitler, Pinochet, Salazar, les colonels de la Grèce, les dictateurs d'Amérique du Sud; etc... Des millions de morts pour l'amour du prochain. » (Michel Onfray, Traité d'athéologie - 2005)

Cette petite église, qui a provoqué tout ce bouillonnement de pensées, a un plafond comme une vieille semelle de chaussure. De rares statues, sans intérêt, recouvertes d’épaisses couleurs d’un autre temps, bordent ses murs, ce qui lui donnent de loin un petit côté remise de marionnettes. Il y a toute la poussière des siècles de l’Eglise, la légende en moins.

La fine pellicule qui pourrait transformer cet endroit en patrimoine de l’humanité ne traduirait qu’une approche naïve de cet autre monde tant attendu. Mais il convient de constater que c’est peut-être la dernière et seule piste digne de nous sensibiliser encore.
Bien, sûr le constat que dresse Michel Onfray sur la « religion » est plus que pertinent. Olivier Delorme va également dans le même sens quand il dénonce avec courage et détermination les manigances et les impostures dans le domaine du religieux et toutes les tortures morales et physiques produites depuis deux mille ans notamment contre les gays...
« Le meurtre de Philippe était un meurtre homophobe. (...) Les coupables sont ceux qui ont porté les coups et ceux qui répètent, depuis le Lévitique et Paul de Tarse, que nous sommes des abominables, des pervers, des insultes à Dieu et des menaces pour la survie de l'humanité. » (Olivier Delorme, La quatrième révélation, H&O, 2005)

Comment ne pas citer non plus le dernier roman de ce même auteur qui, réussissant à nous divertir et à nous passionner avec « L’or d’Alexandre », n’oublie pas avec son regard d’historien de nous mettre en garde contre cette peste de l’esprit :

« Le vrai péché contre l’esprit c’est le cul de plomb » a écrit Nietzsche. Les dieux uniques sont assis sur le cul de plomb des certitudes monothéistes. Ils invectivent, ils enjoignent, ils interdisent. Ils punissent et ils châtrent. Ils exigent la soumission sans la moindre restriction mentale, comme tous les systèmes totalitaires dont ils sont la matrice. » (Olivier Delorme, L’or d’Alexandre, H&O, 2008)
Faut-il, nous les enfants de la Révolution Française et du siècle des Lumières, devant l’Hydre aux injonctions « morales » qui renaît toujours de ses volutes d’encens et ses litres d’eau bénite, que nous ayons oublié les démonstrations de Voltaire et Diderot pour se poser encore la question aujourd’hui ?

Ce qui est certain c’est que ce n’est pas avec l’Eglise que nous pouvons trouver notre liberté et notre épanouissement, qu’elle s’ouvre ou non pour les gays, les divorcés, le mariage des prêtres, l’accession de la prêtrise aux femmes et j’en oublie.

Car le dogme, tel qu’il soit, est toujours un cadenas qui veut enfermer le rêve et la poésie, et assujettir là où il faudrait partager et réfléchir. En définitive n’y a-t-il rien de plus ridicule que de dire à l’Infini ce qu’il doit être.

J’avais ainsi toute ces idées en tête en visitant cette petite église qui était une vraie « anti-Sixtine», aux antipodes donc de toutes les riches chapelles jalousement décorés et bariolés depuis des siècles, et aux antipodes également de la sérénité lumineuse des édifices romans.

J’écris plaisamment « anti-Sixtine » car on pense en premier aux inimaginables fresques de Michel-Ange au plafond de la chapelle Sixtine, qui, en peintre malicieux (et fort épris des belles nudités masculines), dois-je ajouter « homosexuel » pour ceux qui l’ignoreraient, n’a pas oublié de peindre également les « divines fesses » de Dieu !

Cette petite église en revanche représentait tout à fait « le ciel » tel qu’il est avant transformation par l’homme : vide et délabré comme certains cerveaux humains.

Je dis cela sans méchanceté mais en constatant les dégâts accumulés depuis des siècles par des religions qui imposent, de façon très antinomique et confuse, d’un côté conversion et soumission et de l’autre amour de Dieu ! !

De façon presque magique, un mur ou un plafond crasseux a pu devenir un chef d’œuvre, la palette du peintre comblant le désert métaphysique et créant le rêve d’un Dieu lumineux qui nous attend après la mort !

Dans ces églises sublimées, toutes ces représentations concrètes d’un univers bien abstrait font que l’on regarde sans vraiment plus regarder, que l’on essaye de décrypter les différentes légendes sans s’interroger sur l’émergence même du besoin de croire et que nous cristallisons notre croyance sur des supports esthétiques et non métaphysiques.

Eglises aussi diverses que surprenantes, chargés de peintures et de décorations, tableaux et fresques comme supports à la ferveur des crédules, donnent pour résultat de somptueux mirodromes où s’impriment les projections humaines d’un déchirant besoin de résister à la mort.
Voltaire, ne confiait-il pas : « Nous n’avons aucune notion adéquate de la Divinité, nous nous traînons seulement de soupçons en soupçons, de vraisemblances en probabilités. Nous arrivons à un très petit nombre de certitudes. » (Dictionnaire Philosophique de Voltaire, dieu, dieux)

Permettez moi maintenant d’avancer une idée toute personnelle : là où elles se trouvent, dans des lieux dits sacrés ou non, les œuvres d’art, concrètes ou immatérielles comme la musique, sont peut-être la seule voie pour aller au-delà de soi vers un « Absolu » et un « Amour » dont on ne trouve que peu de traces sur terre. Que l’on soit déiste comme Voltaire ou athée comme tant d’autres, l’esthétique peut nous mener à sa façon au métaphysique.
Hélas petite église perdue dans un quartier perdu il te faut trouver ton peintre-poète pour nous parler de Dieu…ou de l’Homme-dieu…

Avec l’Art, le corps comme l’esprit et tous les sens participent à une forme de connaissance intuitive, d’émotion ou de vibration hors des frontières temporelles. Pour moi l’Art détient les clefs qui peuvent nous ouvrir les portes de cet ailleurs tant recherché par les hommes, en tous cas il donne déjà une véritable émotion et permet une réelle réflexion personnelle. Et ce qui est primordial c’est que cette émotion commence et finit avec chaque individu et ne devient pas une obligation pour les autres…

Que l’œuvre d’art parle de Dieu ou non, qu’elle soit simple témoignage éloigné de toute métaphysique, il y aura malgré tout pour moi matière à plus de réflexions sur la vie que toutes les fadaises accumulées chez les « salésiens » and co, cités plus haut, car « philosopher » a toujours été justement aux antipodes des religions qui ne prospèrent que par l’asservissement et les rituels figés.

Quoi de neuf aujourd’hui dans la Lumière de nos consciences et notre désir d’Absolu ? Citons tous ceux qui, de la peinture à la musique et par toutes les formes de l’art, ont donné une vision du monde à partager, tels les : Mozart, Brahms, Léonard de Vinci, Michel-Ange, Monnet, Mahler, Bruckner, Rimbaud, Baudelaire, Hugo, Colette, Aragon, Rachmaninov, Caravage, et tant d’autres moins connus et tout aussi chers à nos coeurs...



Références :



Michel Onfray

"La puissance d’exister", le livre de poche

"Le traité d’athéologie", le livre de poche


Olivier Delorme

« La quatrième révélation », H&O, 2005
« L’or d’Alexandre », H&O, 2008

Boualem SANSAL

« Le Village de l’Allemand », Gallimard, 2008

Les œuvres de Voltaire

dont « Le dictionnaire philosophique » etc.



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