L’inventaire poétique n°1 – Poèmes de Jean-Louis Garac


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Photo JL Garac
 

La poésie est un défi
Au temps, aux mots, et à l'usure
De vivre, quand tout se délie
Entre nous et jamais ne dure... JLG


 

***

Chaque vie de soi-disant liberté
A le souvenir de l’alcool,
Le goût pâteux des doutes
Autour du partenaire de la veille,

Et l’amertume des appels
Qui n’arrivent jamais...
On repense à l’illusion d’un regard,
D’un beau torse et de cuisses,

Mais ce sont là des rayons de soleil
À travers la prison de l’impossible;
Rayons qui s’enfuiront bien vite…

Le lit simplement reste tiède,
Las de son propre corps,
Et des rêves qui s’y sont enflammés…

***

Sonnet pessimiste...

La pacotille
De malheurs brille
Au sable fin
De nos destins!

Le coeur s'en vrille
Puisque le rien
Tombe sans fin.
Et les broutilles

Plombent demain
De noirs desseins...
Tout se fusille

Au quotidien,
Bille que bille
En tête, et point!



Photo JL Garac
***

Têtes à grelots,
Remplies de complots
A fleur de méninges,
Rusées comme un singe,
Comprenant d’un mot
Que toute l’info
Est fausse et nuisible !
De la nuit des temps
Jusqu’au jour présent
Chacun a sa Bible…

Boxon de neurones
Les cons et les connes
Recollent des bouts
De sens à deux sous ;
Erreurs historiques,
Confusions tragiques,
La soupe à complots
Se sert à grands flots
Sur le Web épique !

***

Tout l’avenir déborde d’ambre
Comme une galaxie en jeu
De sucre rose et de gingembre
Sur lesquels passeraient nos yeux!

Jungle d'absence
Et de silence,
La fleur s’en va
En mot de soie…

A l’infini des couleurs vives,
Lilas et lys entremêlés,
Les bouquets de rêves en rives
Au noir se sont aquarellés ;

Revient l’ennui
De trop de nuits,
L’amour se fâche
D’êtres trop lâches

Et je ne sais plus qui j’entraine
Dans l’univers de mon désir,
Ayant couru à perdre haleine
Entre des mots en devenir,

Loin de l’aurore,
En métaphore

La mort s’en suit
Pour moi et lui…

Ayant perdu un peu moi-même
L’illusion de croire en quelqu’un;
Avec l’empreinte des poèmes,
L’amour se fait mythe et emprunt…

Passe le temps

De mes vingt ans,
L’amour s’égrène
En jours de peine...

Tout l’avenir déborde d’ombres,

Soulignant les traits d’un chemin,
Et les soleils s’y cachent sombres
Jusqu’à trouver le seul matin…

Espoir et faille
Le corps défaille
Meurtri des noms
Sans nul pardon...

J’aimerai tant voir ton visage,
Toi que je peins du bout des doigts,
Mais je n’attrape qu’une image

Qui disparaît à chaque fois!


L'Eternité,
D'hivers, d'étés,
En vague immense
Prend notre errance...

Pourtant le monde est ta mesure
Et Dieu ta raison d’exister,
Alors pourquoi cette blessure
À mon cœur toujours attristé?




Photo JL Garac
***

Au début « Je Suis » était blanc
Comme un drap qui sèche au soleil,
Une toile de lin à peindre,
Ou un carnet à dessins neuf !

L’image est née avec le mot,
La profondeur avec l’émoi,
Et le firmament, le gesso,
S’étala au bout de ses doigts…
Le trait limpide emplit la toile,
Coups de fusain, pinceau léger,
On devinait des intentions…
Le décor au sable du grain
S’élaborait péniblement !
La lumière, donc l’ombre hardie,

Faisait tinter ce « flipper » digne
Du plus grand des grands créateurs…
Les autres éclats de lumière,
Sur des idées de tissus chauds
Et de paysages, sortaient
Du néant onctueux, intenses,
En couleurs qui s’inventaient là,
Sur l’infime épaisseur d’un voile…
Des animaux et puis des hommes
Faisaient apparaître leurs formes ;


Photo JL Garac
Et il modela l’homme, en pâte
D’huile et pigments d’aurore ! Enfin,
Lissant d’un doigt jaloux la main
Indocile d'Adam,
Sur ce miroir d'écho du monde,
Il comprit qu’il ne serait rien
Qu'une éternité solitaire...


****

L'amour s'est entiché de toi,
Formule aux parfums d'ombre,
Et la vie aux décombres
Va mourant au dedans de moi.

Le poison a un goût intense
Qui permet d'en finir
De ces faux avenirs,
Tels des miroirs à nos démences.

Des pans d'espoir tombent sans fin
Au long des années;
Tout ce qui est donné
Se reprend un jour d'une main.

Les regards, les mots, les visages,
S'échappent dans le vent,
En poussières d'instants
D'une éternité de veuvages.

Et se dérobent jusqu'à nous :
Nos convictions, nos rires,
Nos joies, nos amis, pire
Notre amour qui seul devient fou.

***

"Comment vendre, comment vendre",
Est l'obsession des humains,
Mais que peut donner le grain
Si l'amour cherche à se pendre!

Vendre l'air, vendre l'oubli,
Vendre soi ou vendre l'autre,
Vendre Jésus ou l'apôtre
Pour tout ce qu'il aura dit!

Vendre la mort, la vengeance,
L'horreur comme seul destin,
Vendre le cri et la faim
Dans le luxe et l'arrogance!

Vendre la terre au mépris,
Vendre l'eau aux salissures,
Vendre tout comme une ordure
Donnant aux enfants un prix!

Vendre son père et sa mère,
Et son âme au dieu d'argent,
Vendre la misère aux gens
Pour que tous s'y désespèrent!

Le refrain le plus cruel:
"Comment vendre, comment vendre",
Va réduire ainsi en cendres
Ce que l'Homme a d'éternel...



Photo JL Garac
***

Ceux qui passent en silence
En ne voulant rien donner
De leur temps, de leur présence,
N'ont qu'un coeur abandonné...

Ceux qui le rêve détruisent,
Et s'amusent aux dépens
D'une amitié qu'ils réduisent
Au besoin qu'ils ont des gens;

Ceux qui n'ont mot à redire,
Ni à créer par amour,
Dans leur égo à maudire
N'ont que poussière des jours;

Ceux du dédain en sourire,
Ceux des êtres supérieurs,
Qui ont tué par médire
Je ne sais combien de coeurs;

Ceux qui désertent le vivre
Et laissent aux matins bleus
Une solitude à suivre
Comme le dernier aveu...

Oui ils ont saigné la terre,
Tout ce qu'ils voient autour d'eux,
Oui les chemins de misère
Ont la couleur de leurs yeux...

***

L’égo au vide s’amplifie…
Tu peux dépasser tes selfies,
Aucun n’est son seul avenir,
A deux commence un souvenir!
 


L’égo au vide s’apitoie,
Et la mode en oubli de soie
Vient t’embrasser aux yeux des gens
D’un style…solitairement…

Jeune et barbe, mince et fragile,
Le bras aux griffes indociles
Qui portent l'ombre d'un chagrin
Et les blessures de demain...

Tu passes et tu voudrais prendre
Sans rien donner ni tendre...
Tu es l'alpha et l'oméga
De ton cauchemar ici bas...

L'égo au vide s'amplifie,
Et tu multiplies les selfies;
Du seul souvenir de ton corps
Le regret deviendra remords...



Photo JL Garac
***

La vengeance des murs
Un jour peindre Bansky
Fier du Street au Body,
En faire un papillon
Bleu sur les pavillons,

Un lézard jaune-noir
Courant sur les trottoirs!
Une rose trémière
Parlant au réverbère,
Une douce hirondelle
Casquée de coccinelles,

Perdue dans les nuages
Au-dessus des garages!
Un jour peindre Bansky
En patchwork de cœurs gris,

En garou-garou vif
Sur des murs dépressifs,
Écrire au ciel des tours
Sa liberté d’amour!
Le voilà ritournelle
Aux blocs des citadelles,
Illusion de palettes
Aux arcs-en-ciel qui fêtent
L'humour et l'innocence
Pour la Vie qui se danse !

****

Tous les rois s’enivrent en soie,
Longeant le précipice d’être,
Dans l’artifice des grands maîtres
Qui croient que l’égo est le droit !

Vient le pouvoir loin des États
Là où seul l’argent fait paraître,
Vient le rapace à la fenêtre
Des petits ordis scélérats !

La manigance et les combats
Ont fait le malheur se commettre,
Et tout s’endort à nous promettre
Le jour meilleur qui ne vient pas…

La malédiction d'ici bas
A frappé l'esclave et le maître,
Et l'ouvrier va s'y soumettre;
La haine mord à qui voudra!

Aujourd'hui plus forte est la joie
Qui voue chacun à disparaître,
Ni le passé ni les ancêtres
Ni l'avenir n'ont force en soi;

La fascination est la foi
Dans le sang, où mourir et naitre
Forment le même périmètre
Que du néant au désarroi...

****

C’était mon mur, c’était ma rue,

Ma petite œuvre au ciel donnée,
Le passant pouvait fredonner
L’illusion des couleurs perdues…

Tant que cela touchait la fleur
Des rêves et des nuées grises,

Pareille à l’arc-en-ciel en frise,
Entre le monde et nos douleurs,

Personne, oh non jamais personne,
N’y trouvait à le critiquer,
A le repeindre ou pratiquer
Une ponction sur quelques zones

De son dessin d’espace bleu!

Mais quand l’Art est venu nous prendre
Ce qui n’était pas à revendre,
Alors le temps s’est fait bien vieux…

C’était mon mur, c’était ma rue,

Ma petite œuvre au ciel dormant,
Quand l’étincelle d’un moment,
Entre deux pas est apparue…



Photo JL Garac
***

Mon cœur ce soir part avec lui,
Un dessin, un oiseau, un ange,
Plume de la lumière étrange,

Comme une éternité qui luit!

Des papillons ou des phosphènes
Ont pris la vague où l’univers
Passe d’une vie qui se traine
A la symphonie d’un concert!


Et tout s’agite et s’émerveille,
Le temps à la pensée se fond,
Le corps au corps se donne un nom
Comme l’amour à notre oreille;

Rien ne délivre plus de tout
Qu’un seul détail vu en conscience,
Et notre destin laisse aux fous
Le soin de railler notre chance!


Mon cœur ce soir part avec lui,
Ébauche d’une œuvre en tendresse,
Quand les couleurs de notre ivresse

Vont s’inventer au fil des nuits…

***

Trois petits coeurs s'entrelacent,
En trottinant dans l'espace
D'une terre en crève-coeur...

La feuille que l’on ramasse,
Et qui va de place en place,
Détient la même couleur...

L'espoir, la folie, la glace,
Se louent ou bien se menacent
Mêlant amour et douleur...

Tant d'horizons si fugaces
Brouillent nos chemins et passent
Du rose au deuil du bonheur...

Trois petits coeurs d'importance
Autour de moi se balancent
Comme un pré au vent des fleurs...



Photo JL Garac
***

A ce matin d’une si belle aurore,

Vide de dieu et pleine de couleurs,
Habillée d’une brume d’or, encore
Fraîche de la mer où l’espoir se meurt,

Je ne sais plus ce que vivre veut dire,
Je ne sais plus l’attente des beaux jours,
Ni la beauté d’un oiseau, mais le pire :
Je ne sais plus même le mot amour…

 
***

L'aliénation commence,
De triste et faible France,
Quand nos idées défont
Le passé, la substance
De notre cohérence,
Et l'éclat d'un seul nom !

L'aliénation ravage
D'une haine sans âge
La noblesse du Droit,
Et la Liberté même
Qui tenait d'un poème
Et de tous les combats !

L'aliénation dévale
Comme un torrent d'eau sale
Sur notre Humanité;
On rejette et on tue
Sur le miroir des rues
Ce que l'on a été...



Photo JL Garac
***

Délicieusement fessu,
Le galbe en pêche de vigne,
Il m'a montré son beau cul,
Mais c'était, cul à la ligne,
Bien innocemment en plus...

Maintenant que cette image
S'arrondit dans mes secrets,
Je pense à cet effleurage
Comme à un bonheur si près
De s'envoler de ma page...

Il y avait cul et cul,
Comme il y a faune et faune,
Mais l'occasion est perdue
Qui vous marque en rire jaune
Dans le dédale des rues...

Délicieusement apprendre
L'art immense d'un moment,
D'une main de sculpteur tendre
Cueillir le désir du temps
Où la raison va se rendre...

La sympathie quelquefois
Sur les muscles se faufile,
Se joue d'un je ne sais quoi,
S'attache au coeur de la ville
Sur un inconnu qui va...

***

On vit dans des châteaux de cartes
Sans voir l'illusion de nos vies,
Si pressé de tout que l'envie
Déjà disparait sur le smart-
Phone, où le temps au temps dévie...

Si je n'ai pas la joie de vivre,
Si l'espace même des livres
M'est enlevé au fil des jours,
Si même mourir ne délivre
Du temps volé, où est l'amour?

***

On dit que le ciel peut attendre
Mais ce qui n’attend pas ici
C’est l’horizon vers lequel tendre
Quand tout le tendre s’est enfui…


Regardez les masques se fondre

Derrière d’autres masques blancs,
Aussi vite que le morfondre
Se relie à l’insignifiant !

C’est bien l'espace des sophistes,
Des regards faux, des mots perdus,
De la beauté des égoïstes
Qui se pavanent dans les rues…

Là le dédain comblé de morgue
Inonde les décervelés,
Et le monde devenu morgue
A l'horreur s'est ensorcelé...

Je te croyais ami sincère,
Mais l'ombre joue insinuement
Et se fait passer pour lumière
Dans les discours où tu me mens;

Alors partir serait la route,
Et le nuage un corps de Dieu...
Cependant je sais que l'adieu
Peut être amer comme le doute...

 


Photo JL Garac
****

Je voudrais avoir plusieurs culs
Pour tout chier de ma colère,
Pour tout inonder sur la terre,
Car aujourd'hui je n'en peux plus,
Devant les volontés de nuire,
Les malfaisants, les imposteurs,
Les politiques sans honneur
Et sans idées, sauf pour détruire;
Devant les obscènes rampants,
Les gavés d'argent et d'ivresse,
Et que la bourse monte ou baisse,
Toujours gagnants et florissants!
Les démocraties du mensonge
Autour des Libertés perdues,
Couvant la misère des rues,
Nous font des mythes et des songes...
Et nous sommes là au milieu
A vouloir croire l'un ou l'autre,
Quand les Judas, tristes apôtres,
Nous ont vendus à leur seul Dieu...
Oui, vomir toute l'imposture,
Ou la chier par mille trous!
L'esclave parfois devient fou
Qui ne veut plus que cela dure...

 
****

Comme le goût des lèvres
Si loin au ciel perdu;
Un bleu-noir de genièvre
Et la journée n'est plus...

Comme le goût du sang
Qui va jusqu'aux nuages;
Là où s'en va le temps
Et où disparaît l'âge...

Comme le goût des plaintes,
Et des poèmes courts;
Le ciel en toile peinte

Qui murmure l'amour...




Photo JL Garac
***

La lumière est l'avenir
Car sans elle tout se clôt,
Et l'ébauche d'un tableau
Sans vibration peut mourir,

Et se perdre au souvenir
De ce qui fut un jour beau...
Toute fleur des découvertes
Si elle n'est pas offerte

A l'amour, à la passion,
À la vie et à l'enfance,
Là où pousse l'espérance

Liée à nos conditions,
Ne pourra jamais sur terre
Nous apporter sa lumière...

***

De quel reflet suis-je apparu?
De quel miroir ma vie s'approche?
Combien d'hommes y a t'il eu
En ombres sur l'eau et la roche,
Au fil des siècles disparus?

Le goût du fer et de la peine,
Et le sang répandu partout,
Ont fait de nos vies icariennes
Une chute sans fin, de fous
Et de passions à perdre haleine...

De quel reflet suis-je l'image?
De quel amour suis-je l'idée?

Se peut-il un jour qu'une page
Ne se brouille à l'eau, suicidée?





Photo JL Garac
***

Les saisons mélangées

 
Je pense mes blessures
Comme on pense à l'hiver,
Aux feuilles d'aventure,
Vagues brunes de mer,
Qui furent d'un beau vert
Aux danses des ramures...

Je pense mes douleurs
Comme on pense à l'automne,
À l'aube aux tons de fleurs
Et aux camaïeux jaunes
Que la vie abandonne
Quand il reste les pleurs...

Je pense mon épreuve
Comme le seul été
Où l'amour fait peau-neuve
Avant d'être jeté,
Ainsi déchiqueté
En Osiris des fleuves... 

Je pense mon demain
Comme un hier lucide:
Le passé d'une main,
Et l'avenir en guide
Du printemps, un splendide
Corps de rêve en chemin...

***

Mon coeur n'est plus ce soir qu'un labyrinthe étrange,
Déjà je m'y perdais sans le savoir vraiment;
On se retrouve en bête au lieu de paraître ange,
Et l'on est toujours là où notre esprit nous ment...

De tous les lieux communs qui forment la mémoire,
Et notre devenir dans cette société,
Il nait un monstre humain, une matière noire,
Qui se griffe au soleil de ce qui a été...

Je ne suis plus le ciel qu'un horizon emporte,
Ni le bonheur serein d'un dernier soir d'été,
Je sens l'ombre venir, et j'entends une porte

Qui se ferme toujours quand je voudrais m'enfuir...
Ta recherche m'a pris une éternité, morte
Comme au chemin perdu des jours sans avenir...
 

Photo JL Garac

 
 


Poèmes de Jean-Louis Garac  2015

2 commentaires:

  1. Toujours la beauté et l'amour. Des cris de colère aussi, et de souffrance, et de mélancolie.
    Merci pour ces poèmes venus du coeur et qui touchent mon coeur, au plus profond ! Belle et bonne année en Poésie Jean-Louis

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