Quand Francois Reynaert remet les pendules françaises à l’heure !


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En nouveau « Michelet », François Reynaert, journaliste, romancier et chroniqueur au Nouvel Obs, passe en revue, et en 526 pages, une Histoire de France enfin dépoussiérée dans son livre "Nos ancêtres les gaulois et autres fadaises" !

En donnant une bonne claque aux mauvaises odeurs de sainteté des tenants d’une identité nationale "idyllique" née d’une masturbation mentale collée de mythes, de fantasmes, de contre vérités et d’allégories puériles, François Reynaert nous réveille et invite chacun à prendre sa place dans la véritable histoire de ce pays.


Et oui la France ressemble depuis les origines à un carrefour où en permanence hommes et femmes de tous horizons se sont rencontrés pour écrire son Histoire, avec leurs talents ou leurs égoïsmes, et aussi leurs « calculs », leur soif du lucre et du pouvoir, plus rarement leur « générosité » ! Très loin donc de l’icône sacrée que l’on veut nous faire révérer ; et si vous me permettez le rapprochement, très loin de l’image d’une France façon "Marianne Gauloise éternelle", solennelle et blanche comme une statue de cimetière, descendant le grand escalier de l’Histoire, éclairée de mille lumières mystiques et toute entourée de ses Saints Boys et Girls !

L’écriture de François Reynaert est d’une belle limpidité, vive et précise, il est passionnant à lire d’un bout à l’autre de ce livre monumental. De plus le découpage en grand chapitres permet également une lecture aléatoire qui ne gène en rien le propos initial de son projet, c'est-à-dire en finir avec toutes les « fadaises » charriées par les images d’Epinal que nous avons de notre propre passé ! Images que l’on entretient individuellement de façon bien naïve ou que l’on entretient pour nous à dessein…

Louis XIV
Il ne faut pas rater les chapitres consacrés à Charles Martel, Charlemagne et ceux sur Louis XIV, dont le Code Noir, et la Révolution et Napoléon, bref toutes les figures qui à travers le temps se sont transformées en s'auréolant ou en se couvrant d'une gloire qui à y regarder de près à été tissée de tous les malheurs d'un peuple, le notre ! "Si Louis XIV est toujours avec Napoléon, le souverain français le plus connu au monde, c'est aussi à cause de ce tour de force : combien d'autres hommes peuvent se vanter d'avoir su ainsi plier un monde à leur désir, d'avoir à ce point aveuglé une époque qu'ils ont réussi à lui faire croire qu'ils en étaient la seule source de lumière?" (citation tirée du livre de F Reynaert)



Pierre angulaire de tout le système la religion est aussi remise à sa place : "Le christianisme est tout bonnement une religion orientale, exactement comme l'est l'islam, et la géographie qui est devenue la leur ne tient qu'au hasard de l'histoire." (citation tirée du livre de F Reynaert)

Henri III
Le chapître sur "Henri III et l'homosexualité de son temps" nous éclaire aussi sur un point qui m'est cher : comment via la religion, l'homme a tordu le cou au simple bon sens et à ce que la nature produit normalement sans convulsion, parce que la diversité est une des données essentielles de la vie, pour jeter l'anathème sur l'attirance de deux hommes entre eux ou de deux femmes l'une vers l'autre, en un mot comment l'homosexualité a été condamnée. Ceci rappelle également les excellentes critiques de Michel Onfray parues ces dernières années sur cette question notamment dans son traité d'athéologie.

Théophile de Viau
D'innombrables hommes et femmes à travers les âges et en France ont payé de leur vie dans les plus atroces souffrances cette "inclination" naturelle, la religion n'admettant qu'un seul profil pour son public ! François Reynaert rappelle à juste titre la vie du poète Théophile de Viau (1590-1626), très oublié aujourd'hui, qui outre sa délicatesse d'écrivain et la qualité de sa poésie, avait pour l'époque le défaut d'être un homme qui aimait les hommes... Il rencontra sur sa route un "Tartuffe" qui a failli avoir sa peau, mais, à bout de force, il ne survécut pas longtemps à son odieux procès; procès totalement aliénant : n'est ce pas terrible d'être accusé de ce que l'on est !

Homosexualité et libertinage dans ce siècle de fer sous les ors de Louis XIII et Louis XIV menaient à être brûlé vif, il fallait être roi comme Louis XIII ou frère du roi comme "Monsieur" (frère de Louis XIV) pour vivre librement ou presque ses penchants, ce qui était totalement et brutalement interdit au bon peuple...


Dans un précédent article, j'avais évoqué aussi la figure de Claude Le Petit, brûlé à 24 ans au début du règne de Louis XIV pour avoir montré son indépendance d'esprit, ses railleries vis-à-vis de la famille royale et de la religion, et certainement pour avoir mené une vie dissolue; peut-être a-t-il eu par curiosité des relations homosexuelles, car il semblait bien en avance sur les moeurs de son temps, on ne le sait toutefois pas, mais juges et religieux ont rattrapé bien vite ce coeur libertin à la plume alerte et prérimbaldienne pour le tuer. (voir mon article : Claude Le Petit )

Tout dans ce livre ne peut que passionner les esprits curieux, épris de liberté et qui veulent conserver dans ce tumulte historique un fil conducteur simple, clair et sain à savoir que si les grandes figures historiques usurpent la place qui est la leur dans l'imaginaire collectif, il faut en revanche oeuvrer pour que la France reste philosophiquement et politiquement aujourd'hui une véritable terre de paix, de construction de soi et de respect de tous : "Elle (la France) est un pays où l'on ne juge un citoyen ni à ses racines, ni à son appartenance sociale, ni à la sonorité de son patronyme, ni au dieu qu'il prie ou qu'il refuse de prier, mais à sa capacité à contribuer à un avenir meilleur pour tous. La tâche est assez vaste pour ne se priver de personne." (citation tirée du livre de F Reynaert)


Fénelon

Fénélon disait déjà dans sa célèbre lettre à louis XIV, qui n'est sans doute jamais arrivée à son destinataire, bien des choses qui sont demeurées vraies pour la France à travers les siècles et, au-delà de nous, si tristement vrai pour une majorité de l'humanité:

"Cependant vos peuples, que vous devriez aimer comme vos enfants, et qui ont été jusqu'ici si passionnés pour vous, meurent de faim. La culture des terres est presque abandonnée, les villes et les campagnes se dépeuplent ; tous les métiers languissent et ne nourrissent plus les ouvriers. Tout commerce est anéanti. Par conséquent vous avez détruit la moitié des forces réelles du dedans de votre État, pour faire et pour défendre de vaines conquêtes au-dehors. Au lieu de tirer de l'argent de ce pauvre peuple, il faudrait lui faire l'aumône et le nourrir. La France entière n'est plus qu'un grand hôpital désolé et sans provisions." (...)

"Vous n'aimez que votre gloire et votre commodité. Vous rapportez tout à vous, comme si vous étiez le Dieu de la terre, et que tout le reste n'eût été créé que pour vous être sacrifié." (extraits de la lettre de Fénelon)

(voir mon article sur le livre "Rappelle-toi" : article et interview de François Reynaert )

Cité dans ce billet :

 


BIBLIOGRAPHIE de François REYNAERT :


Pour en finir avec les années 80, Calman-Lévy, 1989


Sur la terre comme au ciel, Calman-Lévy, 1990


Une fin de siècle, Calman-Lévy, 1994


L’air du temps m’enrhume, Calman-Lévy, 1997


Nos années vaches folles, Nil, 1999


Nos amis les journalistes, Nil, 2002


Nos amis les hétéros, Nil, 2004


Une golden en dessert, Nil 2006


La planète des saints, Hachette, 2007


Rappelle-toi, Nil, 2008











1 commentaire:

  1. Génial ce billet, çà me donne très envie de l'acheter. Merci Jean-Louis !

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